Prostitution chinoise à Paris
La prostitution chinoise à Paris s'est développée à partir de la fin des années 1990. Les prostituées d’origine chinoise travaillent principalement sur les trottoirs de certains quartiers, où elles sont surnommées les marcheuses, dans des salons de massage ou à partir d'offres internet. En 2016, Médecins du Monde estime à 1 450 le nombre de prostituées chinoises à Paris.
Contexte
[modifier | modifier le code]La diaspora chinoise en France est issue principalement de trois vagues migratoires différentes. Au début du siècle dernier commence la première migration chinoise, venant essentiellement des environs de la ville de Wenzhou. Cette migration est réactivée dans les années 1980. Ces migrants développent en France un vaste tissu d'entreprises et mettent en place des soutiens efficaces pour les nouveaux arrivants issus de la même région. Dans les années 1970, ce sont des réfugiés politiques de l'Indochine française qui sont accueillis, échappant ainsi aux violences au Vietnam, au Laos ou au Cambodge, cette migration est terminée. Enfin arrivent, depuis la fin des années 1990, en provenance de régions de Chine du Nord et du Nord-Est, des nouveaux migrants essentiellement des femmes, âgées de plus de quarante ans. Sans soutien et isolée, cette nouvelle population est cantonnée à des activités peu rémunératrices dans des conditions précaires[1].
Historique
[modifier | modifier le code]Origine des prostituées chinoises
[modifier | modifier le code]En 2009 selon Médecins du monde, les prostituées chinoises sont plus de 500 à Paris[2], en 2016 le chiffre de 1 450 prostituées chinoises à Paris est avancé[3].
La sociologue Florence Lévy indique que la venue de femmes chinoises date la fin des années 1990. Elles ont pour origine principalement la Chine du nord[4] (Dongbei). L'essentiel des Chinoises sont des mères de famille qui travaillaient pour de grandes entreprises d'État mais ont perdu leur emploi, lors de la vague de privatisation des années 2000[5]. Lors de leur arrivée en France, elles sont en général munies d’un visa et ne sont donc pas clandestines mais le deviennent à l’expiration de celui-ci. Ces migrantes doivent rapidement rembourser les emprunts faits, en général à des membres de la famille, pour rejoindre la France (les billets d’avion, le visa, le passeur...). Le choix de la prostitution s'effectue après avoir travaillé dans des emplois peu rémunérés comme la confection ou la garde d'enfants, voire une période de chômage. Certaines se prostituent pour payer les études de l'enfant resté en Chine ou pour subvenir aux besoins de leur famille chinoise[6].
Espaces de prostitution
[modifier | modifier le code]Les prostituées chinoises travaillent essentiellement sur les trottoirs de Strasbourg – Saint-Denis (quartier traditionnel de la prostitution à Paris), dans le quartier de Belleville, et de façon moins visible dans le triangle de Choisy (compris entre l'avenue de Choisy, l'avenue d'Ivry et le boulevard Masséna)[7].
Les salons de massage se retrouvent disséminés dans l'ensemble du territoire parisien. En 2015, selon la Préfecture de Police, il existe 575 salons de massage à Paris, parmi eux 300 au moins seraient des lieux de prostitution, où se pratique un massage érotique[8]. En , Nathalie Kosciusko-Morizet évoquait au Conseil de Paris « la réapparition de minimaisons closes qui cachent des centaines de prostituées asiatiques en esclavage »[9].
Avec la loi sur la pénalisation des clients de 2016, la prostitution des femmes chinoise s’est étendue aux offres par internet et par téléphone[6]. Selon Médecins du monde : « Toutes les femmes avec lesquelles nous travaillons témoignent du fait que cette loi a rendu leur travail plus difficile et plus dangereux »[10].
Proxénétisme ?
[modifier | modifier le code]En 2013, selon une enquête de l'association Médecins du Monde, « Travailleuses du sexe chinoises à Paris face aux violences », les prostituées chinoises ne sont pas soumises à des réseaux de prostitutions ou des proxénètes. Elles ont choisi cette activité contraintes par des obligations économiques[7].
Au contraire pour le responsable de la brigade de répression du proxénétisme, il existe bien des réseaux autour de ces prostituées chinoises : « Gagner de l'argent sur le dos d'une prostituée, quel que soit le moyen, c'est être proxénète ». C'est donc le cas des propriétaires des appartements loués moyennant finances ou des intermédiaires mettant en rapport propriétaires et prostituées[11]. De même celles qui utilisent internet pour se prostituer, payent des intermédiaires[12].
Aspects financiers
[modifier | modifier le code]Pour Brain Magazine, le prix de la passe d’une marcheuse est de l’ordre de 40 à 60 euros, non compris la chambre[13].
Actions des associations
[modifier | modifier le code]En 2002, Médecins du Monde crée le Lotus Bus, un service d'information en matière de santé et de sécurité à destination des femmes chinoises qui se prostituent à Paris[14]. En 2009, un livret bilingue Chinois/Français a été rédigé pour les prostituées chinoises à Paris. Il donne des informations pratiques utiles aux prostituées : présentation des infections sexuellement transmissibles, explications sur les modes de prévention, les suites à donner après la rupture d'un préservatif et préconise des dépistages réguliers[15].
En 2014, se crée une association spécifique aux prostituées chinoises, les Roses d'Acier pour défendre leurs droits[14],[16].
Références
[modifier | modifier le code]- Florence Lévy et Marylène Lieber La sexualité comme ressource migratoire. Les Chinoises du Nord à Paris
- Prostitution: les mères perdues du Lotus Bus L'Express, 6 février 2009
- La Marcheuse : Les dessous de la prostitution à Belleville dans l'œil d'un jeune réalisateurCheek magazine, 3 février 2016
- Quentin Girard «Les prostituées chinoises espèrent rencontrer un homme français» Libération, 13 décembre 2013
- Laura Thouny Pénalisation des clients : le blues des prostituées chinoises à Paris L'Obs, 15 janvier 2017
- Hélène Le Bail (Co-responsable de mission Lotus Bus à Médecin du monde Paris) Entretien avec Hélène Le Bail, Lotus Bus
- Hélène Le Bail Les trottoirs de Belleville La Vie des Idées, 30 mai 2017
- Nathalie Bensahel Prostitution : derrière la porte des salons de "massages chinois" L'Obs, 18 octobre 2015
- Les différents visages de la prostitution par petites annonces Le Monde, 2 février 2017
- Pénalisation des clients : le blues des prostituées chinoises à Paris L’Obs, 15 janvier 2017
- Delphine Legouté et Eric Kuoch Prostitution chinoise: le tabou du proxénétisme L'Express, 26 novembre 2011
- Les prostituées chinoises de Paris sortent de l'ombre Le Point, 10 juin 2016
- A-t-on le droit d’aller voir des prostituées ?, Paris ZigZag
- Camille Emmanuelle, « A Belleville, les prostituées chinoises sortent de l’ombre », sur Les Inrocks, (consulté le ).
- Lotus Bus - Informations pratiques et conseils de prévention à l’usage des femmes chinoises
- Les Chinoises qui se prostituent à Paris organisent leur auto-défense 29 septembre 2020
À voir
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Hélène Le Bail, « Mobilisation de femmes chinoises migrantes se prostituant à Paris. De l’invisibilité à l’action collective », Genre, Sexualité et Société, 2015.
- Florence Lévy, Marylène Lieber, « La sexualité comme ressource migratoire, Les Chinoises du Nord à Paris », Revue française de sociologie, 50(4), 2009, p. 719-746.
- Florence Lévy, « La Migration des Chinoises du Nord : une alternative genrée ? », Perspectives chinoises, 2012.
Documentaire
[modifier | modifier le code]- Vie et mort de Yuanli, Réalisation : Naël Marandin et Alexandre Plank Conseillère Littéraire : Pauline Thimonnier. Prix Italia en 2020 dans la catégorie Fiction
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Lien externe
[modifier | modifier le code]- La sexualité comme ressource migratoire. Les Chinoises du Nord à Paris par Florence Lévy et Marylène Lieber