Renaissance napolitaine
La Renaissance napolitaine est la déclinaison de l'art de la Renaissance à Naples entre les XVe et XVIe siècles dans la capitale et dans les limites du royaume de Naples. En architecture, il se caractérise par des manières exubérantes et solennelles, avec une utilisation intensive de piperno et de décorations en marbre de Carrare pour les façades des bâtiments civils et religieux. L'expérience de la Renaissance prend fin à Naples avec l'avènement du baroque napolitain au XVIIe siècle.
La période commence dès les premières décennies du XVe siècle, avec l’arrivée d’œuvres de Donatello et d’autres sculpteurs et peintres florentins au service de la cour angevine, atteignant sa maturité après la conquête du royaume par la couronne aragonaise dans les années 1540, qui renforce les liens avec Florence et Milan.
La production de cette période n'est presque jamais l’œuvre d’artistes locaux, mais d’étrangers qui viennent comme délégations autorisées dans les accords commerciaux et de paix établis par les conditions de la géopolitique internationale. Il faut attendre la fin du XVe siècle pour y voir une première production propre, avec la diffusion de la manière moderne de Michel-Ange, Léonard de Vinci, Bramante, Raphaël , Jacopo Sansovino et Polidoro da Caravaggio, qui sont les principaux artistes influençant les artistes du royaume.
La Naples aragonaise constitue l'un des principaux ports d’échange de la mer Méditerranée méridionale, avec ceux de Sicile, tissant des relations commerciales et culturelles avec ce qui reste de l’empire byzantin à l’est et avec les royaumes espagnols. Avec ces derniers, la relation fructueuse, du fait également à la communauté de la couronne régnante, devient un vecteur de la diffusion dans la péninsule ibérique de la Renaissance italienne.
L’époque se conclut, comme d’ailleurs dans presque toute la péninsule, autour de la fin de la troisième décennie du XVIe siècle par les événements politiques qui intéressent tout le continent.
Le proto-humanisme angevin du XIVe siècle
[modifier | modifier le code]En 1284, le royaume de Sicile de Charles Ier d'Anjou se scinde pour donner naissance au royaume de Sicile et au royaume de Naples. Avec la consolidation de la domination angevine, Naples acquiert petit à petit une importance politique et économique sur la scène italienne et européenne. Après la paix de Caltabellotta de 1302, le royaume vit une période de prospérité économique et culturelle grâce aussi à la stabilité politique du royaume, obtenue également par la protection réciproque avec les États pontificaux, des circonstances qui favorisent déjà au XIVe siècle un mécénat qui se développe au siècle suivant. La Maison d'Anjou conserve le pouvoir à Naples jusqu'à la défaite que lui inflige Alphonse V, roi d'Aragon et de Sicile en 1442. Le royaume est dominé par l'ancienne aristocratie féodale et souffre de retard économique, bien que centre de commerce maritime. Le régime est militaire et pieux[1].
La couronne angevine, bien que très liée aux us et coutumes médiévaux franco-provençaux, promeut d’une culture artistique autochtone sur le modèle des innovations culturelles apportées par Frédéric II de Souabe. Pendant ce temps, la plus importante institution laïque du royaume, l’université des sciences, avec la présence de nouveaux et brillants personnages tels que saint Thomas d'Aquin, fait de la capitale l’un des centres d’excellence de la pensée européenne et italienne surtout dans le domaine de la jurisprudence. La figure centrale du XIVe siècle napolitain est Robert Ier d’Anjou, dit le Sage, cité par d’illustres écrivains comme Pétrarque et Boccace comme un souverain cultivé et mécène. Après son second mariage avec Sancia de Majorque, Robert promeut la construction conventuelle et religieuse, visant à encourager ses rapports avec le Saint-Siège, avec une politique religieuse qui entraine également un renouveau artistique. Des artistes florentins, siennois et lombards commencent à arriver à la cour pour la construction de complexes monumentaux, comme Tino di Camaino pour le chantier de la chartreuse Saint-Martin de Naples et ceux de la basilique Santa Chiara de Naples et de la basilique San Lorenzo Maggiore, Giotto di Bondone pour celui de Santa Chiara et la rénovation générale du Castel Nuovo, Pietro Cavallini pour celui de l'église San Domenico Maggiore, et Simone Martini.
Grâce à un profond climat de paix et l’arrivée des lettrés, des artistes et des intellectuels, Naples assume un rôle important dans la culture italienne et internationale, avec une identité cosmopolite, comme décrit également par Boccace. L'apparition d’une culture franco-italienne permet en outre de mêler la littérature courtoise et chevaleresque d’outre-Alpes avec le classicisme des auteurs latins présents dans la bibliothèque royale, au point d’influencer les œuvres napolitaines de Boccace et une partie du Décaméron[2].
La ville s'agrandit vers la zone portuaire, s’enrichissant de la présence de nouveaux marchands venant de loin, qui fondent les soi-disant loges . La population passe de 30 000 à environ 60 000 habitants au lendemain de la funeste épidémie de peste noire de 1348. Les flux économiques qui en résultent conduisent à la création des premiers guichets bancaires étrangers, principalement florentins, ouvrant ainsi également des relations commerciales avec des villes à l'intérieur de la péninsule.
Avec la mort de Robert le Sage en 1343 et la peste noire cinq ans plus tard, commence le lent déclin de la dynastie angevine, malgré le maintien d'important échanges commerciaux dans toute la Méditerranée occidentale et avec le nord de l’Europe. À partir de la seconde moitié du XIVe siècle, on commence à parler de la soi-disant « conjoncture Nord-Sud », qui atteint son apogée entre la fin du siècle et le début du XVe siècle. Les royaumes de Jeanne Ire, de son cousin Charles III et de Ladislas Ier se caractérisent par des luttes internes qui conduisent à la déstabilisation de la longue paix promue dans la première partie du royaume angevin. Des guerres et des attaques punitives sont menées contre le royaume de Hongrie, celui-ci étant convaincu que la mort du mari de Jeanne Ire, André Ier de Naples, a été tacitement planifiée par sa femme.
Le point culminant de l’instabilité politique est atteint au cours des trente ans entre le XIVe et le XVe siècle, lorsque le fils de Charles, Ladislas Ier, propose de créer un état unitaire, projet qui provoque la réaction de l’État pontifical, de Florence, de Pise et de Louis II d'Anjou. Avec l’entreprise de Ladislas et sa mort mystérieuse s’ouvre une nouvelle saison culturelle dans tout le royaume, favorisée par la détente progressive des tensions vers les autres seigneuries italiennes sous les royaumes de Jeanne II et René d'Anjou, dernier angevin régnant au sud.
Architecture et sculpture au XVe siècle
[modifier | modifier le code]Période angevine
[modifier | modifier le code]Avec l’accession au trône de Jeanne II après la mort de son mari, le royaume retrouve l'apparente paix du siècle précédent ; les arts libéraux s'épanouissement, comme dans le reste de la péninsule. Martin V (1417-1431) demande à la reine un soutien économique pour reconstruire l’armée pontificale, mais celle-ci refuse sur les conseils de Sergianni Caracciolo, le conseiller le plus digne de confiance du royaume. Sous le règne de Jeanne II, les premières et timides expressions de l’humanisme du XVe siècle commencent à se manifester. La cour, toujours sensible aux manifestations artistiques, entreprend dans cette phase tardive du règne un renouveau figuratif, d’abord en architecture, en sculpture et en peinture, puis dans les autres arts. Le chantier d’agrandissement de l'église San Giovanni a Carbonara, voulu par le roi Ladislas Ier, constitue la pierre angulaire de ce changement.
L'art de la Renaissance, entendu comme relevant des influences toscanes, apparaît dans la première moitié du XVe siècle, à Naples et dans le royaume napolitain. Les échanges économiques continus entre la communauté florentine présente à Naples et la ville de Florence deviennent les vecteurs des nouveautés qui apparaissent dans les chantiers de la capitale toscane, où commencent à se répandre les noms de Filippo Brunelleschi, Masaccio et Donatello, celui-ci étant le seul du premier âge de l’humanisme florentin à réaliser une œuvre sculpturale à Naples, le Monument funéraire du cardinal Rinaldo Brancaccio, entre 1426 et 1428, avec l’aide de Michelozzo et Pagno di Lapo Portigiani. La particularité du tombeau est d’avoir été sculpté à Florence et envoyé par mer à Naples pour être assemblé. L’aspect iconographique de la sépulture est également innovant, en renouvelant le thème du baldaquin, déjà vu dans les sculptures funéraires de Tino da Camaino dans la basilique Santa Chiara de Naples et dans l'église Santa Maria Donna Regina Vecchia. Un sens de la théâtralité est perceptible dans l’œuvre de Donatello dû à la sage gestion de la perspective, en introduisant pour la première fois la technique du stiacciato à Naples. L’influence de Donatello devient considérable dans la capitale au point d’influencer même les petits sculpteurs royaux comme dans le Tombeau de Ludovico Aldomorisco d’Antonio Baboccio da Piperno, qui bien que réalisé quelques années avant le Monument funéraire du cardinal Rinaldo Brancaccio, présente déjà des passages de composition donatelliens, probablement dus à ses déplacements le long de la péninsule italienne avant de s’arrêter à Naples.
Le gothique tardif est dépassé lors du chantier d’agrandissement de l'église San Giovanni a Carbonara, avec la construction de la chapelle Caracciolo del Sole. La configuration architecturale de l’espace intérieur souffre encore de l’influence des grandes voûtes à nervures. Les cycles picturaux réalisés par des peintres non locaux, mais encore débiteurs des modes représentatifs de Giotto et Cavalli, mélangés aux influences d’outre-Alpes, en particulier de l’approche flamande qui, au cours de ces années, se répand massivement dans les différents ateliers de la ville, constituent un premier et timide dépassement des exigences médiévales. Les cycles de Leonardo da Besozzo sont particulièrement innovants, où apparaît une représentation de l’espace en profondeur, sans toutefois atteindre la science brunellesque de la représentation comme dans les peintures de Masaccio. Les autres auteurs sont Perinetto da Benevento et Antonio da Fabriano.
Le tombeau de Sergianni Caracciolo, daté entre les années 1420 et les années 1430, mérite une mention particulière même si la composition est encore encadrée dans une vision du monument funéraire médiéval ; l’œuvre est attribuable à un auteur de l’environnement toscan qui n'est pas encore mûr pour atteindre l’expressivité classiciste. Les historiens attribuent la paternité à Andrea Ciccione ou à Andrea Guardi, tous deux sculpteurs florentins et collaborateurs de Donatello, dont l’influence se retrouve dans les sculptures en pied.
L'important monument funéraire dédié à Ladislas Ier est attribué à Andrea Ciccione dit Andrea da Firenze, une œuvre commandée par Jeanne II, la sœur du défunt, qui s’élève sur une vingtaine de mètres de haut, faisant de la sculpture l’un des objets les plus complexes réalisés au début du XVe siècle. La composition s’élève sur quatre niveaux, où dans le secteur central du second, sous un arc de goût moderne, sont placées les statues des deux souverains soutenues par quatre vertus cardinales. Le tombeau ceint le monument, aux troisième et quatrième niveaux, comme déjà proposé dans les autres sépulcres angevins de Tino da Camaino.
En architecture, les formes gothiques italiennes sont dépassées pour aboutir à un langage synthétique nord-européen, italien et renaissance. Le passage n'est pas caractérisé par l’étude des antiquités romaines, comme ce fut le cas pour Brunelleschi, mais par la mise en œuvre des mêmes antiquités dans une matrice encore franco-provençale, qui est encore visible dans les petits centres de l’arrière-pays. Le symbole du passage entre les deux références culturelles est l’abandon de l’ogive au profit de l’arc en plein cintre romain, mais ce dernier est encore décliné à l’intérieur d’un décor tiré du gothique, avec par exemple des arêtes trilobées, ou même l'emploi des profils entaqués, mais avec de riches décorations végétales exécutées par percement ou en employant le motif de la fenêtre ; les deux motifs sont visibles dans le palais Petrucci-Covelli à Carinola.
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Détail de la façade du palais Petrucci-Covelli à Carinola
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Détail de la façade du Palazzo Penne à Naples
Dépassement du gothique tardif et début d’un style méridional de la Renaissance
[modifier | modifier le code]En 1438, le royaume est assiégé par Alphonse de Trastamare, obligeant le roi René à demander de l’aide au pape et aux seigneurs de Milan, les Sforza. Ces derniers sont vaincus en 1443 et la même année l'union entre le royaume de Sicile et celui de Naples est actée. Les premières années du règne aragonais sont très difficiles, la capitale perd une partie de ses privilèges avec des conséquences catastrophiques pour les intellectuels locaux après la fermeture temporaire du studiorum federiciano.
Alphonse veut s’adapter au style et à la culture des seigneuries du centre et du nord de la péninsule. En bon souverain, il s’appuie sur deux programmes pour affirmer son pouvoir dans un royaume encore lié à la couronne précédente : il développe un puissant programme de développement du tissu urbain, continuellement repris par ses successeurs, et renouvelle progressivement l’art figuratif, qui en principe sous-tend l’art du bâtiment. Ainsi, une politique de contrôle des seigneurs féodaux locaux se met en place, dont le processus connait son plus grand développement au siècle suivant avec l’urbanisation progressive des nobles à la cour aragonaise. Naples devint un grand chantier de constructions civiles et religieuses, tandis que dans les parties les plus à l'intérieur du royaume, subsistent encore des constructions et des décorations de style gothique international de matrice angevine.
Alphonse est un souverain mécène et érudit comme le sont ses pairs de centre et du nord, qui constitue à la cour l’une des bibliothèques les plus importantes de la péninsule[3]. Rusé et habile, il connaît l'importance d'une bonne propagande politique : l'élaboration d'un langage subtil, tant visuel que verbal, destiné à transmettre son idéologie politique à l'aristocratie locale et à ses alliés et rivaux princiers, est un aspect important de sa politique artistique[4]. Avec l’avènement des Aragonais au pouvoir, un renouvellement général des coutumes et de l’art se prépare. La transposition des formes toscanes n’est pas encore mûre, mais les premières tentatives timides déjà entamées sous le règne des derniers angevins, donnent la preuve d’un vif ferment culturel capable de recevoir des langages et des artistes dotés d’expériences singulières au sein de la nouvelle cour, qui foisonne intellectuellement.
Les premières commandes architecturales sont confiées à des artistes espagnols qui sont encore éloignés des concepts de la Renaissance. L'éclectisme du roi transparait dans la reconstruction de Castel Nuovo, où les ouvriers ibériques, dirigés par Guillem Sagrera, sculpteur-architecte catalan présent à Naples dès 1447[4], travaillent à partir de 1451. Guillem Sagrera est chargé de la délicate fonction d’architecte de la cour jusqu’à sa mort en 1456, avec le projet d’adapter le Castel Nuovo, conçu comme une forteresse royale purement militaire dans les canons médiévaux, en résidence princière plus appropriée à l'époque, mais capable de résister à l'artillerie.
Originaire des îles Baléares, Guillem Sagrera importe un nouveau style de composition des espaces typique de la Catalogne, initiant ainsi un processus d’hybridation stylistique entre les résidus expérimentaux flamand-provençaux et classiques : le schéma général se réfère à la tradition gothique, cependant allégée de toute décoration excessive ce qui en améliore la clarté structurelle. La Sala dei Baroni, par exemple, son chef-d’œuvre absolu, n'a pas d'espace suffisant pour permettre d'intégrer des sculptures, les nervures de la voûte s'enfonçant directement dans l'épaisseur des murs en l'absence de corbeaux. Cette voûte gothique tardif en parapluie octogonale, avec des nervures extravagantes finement ornées et reliées par une pierre de voûte, rappelle les modèles catalans. La clé de voûte elle-même est un oculus, comme on en trouve dans les constructions majorquines. À l'origine, les ogives étaient décorées des armoiries des territoires d'Alphonse.
Pere Johan, sculpteur catalan, est responsable d'une grande partie de la décoration intérieure du Castel Nuovo, tandis que Guillem Sagrera se consacre principalement à celle de style gothique flamboyant de sa Sala dei Baroni. Les sculpteurs italiens ornent de somptueux vases all'antica de lys, de griffons classiques, symboles de l'ordre du Lys, de putti portant des guirlandes, de centaures et de scènes tirées des Travaux d'Hercule[4].
En 1453, alors que le pouvoir royal peut désormais être défini comme solide, Alphonse décide d'équiper le château d'une entrée monumentale, inspirée des arcs de triomphe romains. Les travaux commencent en 1453 sous la responsabilité de l'architecte dalmate Onofrio di Giordano, réputé expert en antiquité classique. Francesco di Giorgio Martini arrive de Dalmatie en juillet pour sculpter les reliefs avec ses assistants Luciano Laurana et Paolo Romano. Avec Guillem Sagrera, Pere Johan est chargé de la sculpture figurative. L'arc est composé de deux arcs superposés, flanqués de colonnes couplées et couronnées par un tympan curviligne. Une frise, exécutée par deux des principaux sculpteurs romains, Isaia da Pisa et Andrea dell'Aquila, payés 356 ducats au total, représentant l'entrée triomphale d'Alphonse V à Naples, inspirée des triomphes romains, figure sur le premier attique. Elle commémore le manteau de René, vaincu, drapé sur le dossier du Siège périlleux. Des groupes sculptés dans les pavillons de part et d'autre représentent l'ambassadeur de Tunisie et son entourage, ainsi que les redoutables barons napolitains. Alphonse n'a jamais été officiellement sacré roi, cet honneur échoit à Ferdinand Ier, son fils naturel et héritier[4]. Cette structure témoigne d'une interprétation très libre du modèle classique, subordonnée aux besoins festifs.
L'arc de Castel Nuovo constitue un épisode fondamental dans le domaine de la sculpture. Plusieurs sculpteurs travaillent dessus, ce qui est à l'origine du caractère hétérogène de l'ensemble. Une équipe d'artistes liée au courant catalano-bourguignon succède à une autre plus composite, dans laquelle les personnalités de Domenico Gagini et Francesco Laurana, se démarquent et qui, après avoir achevé les ouvrages qui leur sont confiés, restent dans le royaume pendant un certain temps. Domenico Gagini est à l'origine d'une authentique dynastie de sculpteurs, active surtout en Sicile, où il mêle les idées locales à la richesse décorative d'origine lombarde ; Laurana, quant à lui, se spécialise dans les formes plus synthétiques, notamment dans les portraits d'une beauté évocatrice et douce, qui sont sa spécialité la plus appréciée. Dans le portrait d'Éléonore d'Aragon (1468, Palerme, Palais Abatellis), par exemple, le visage a une forme stéréométrique qui transfigure les données physionomiques.
L’œuvre commémorative complexe du nouveau royaume est d'abord esquissée par Pisanello mais immédiatement rejetée en raison de l’absence de vision innovante de l’appareil décoratif. Francesco Laurana, actif dans les domaines de la république de Venise, est alors appelé. Il met en œuvre les recherches les plus récentes, présentes dans le dessin de Piero della Francesca, et le traitement classique redécouvert au début du siècle et réinterprété par Leon Battista Alberti. Selon les historiens, l’une des sources qui ont inspiré le projet est précisément celui de la Porta Capuana qui, à son tour, reprend le thème de la souveraineté impériale du monde antique. De nombreux artistes étrangers, avec diverses origines de formation, participent aux travaux d’édification, dont des sculpteurs donatelliens comme Antonio di Chellino et Isaia da Pisa, lombards comme Paolo Taccone, Pietro da Milano et Tommaso Malvito, et même des sculpteurs tessinois comme Domenico Gagini.
Jusqu’aux années 1670, des ouvrages à la fois du style de la fin du Moyen Âge et de style catalan se répandent en architecture et en sculpture. Les nobles, qui ne connaissent pas encore le nouveau style, préfèrent moderniser leurs constructions selon une tendance nettement traditionaliste. Les différents ateliers locaux, débiteurs du langage d’Antonio Baboccio da Piperno, sont partisans de la diffusion de modèles hybrides. Pendant ce temps, des personnalités comme d’Angelo Aniello Fiore entament des voyages systématiques vers Rome pour se consacrer à l’étude de l’antiquité, tout en se mettant à jour à travers les théories classiques et albertiennes. Angelo Aniello Fiore est l’auteur du portail du Palazzo Petrucci, le sculpteur présumé du portail du palais Diomede Carafa et l’auteur de deux sépultures dans l'église San Domenico Maggiore et dans la basilique San Lorenzo Maggiore.
Alphonse V ne manque pas de se lier à la noblesse locale ; sa fille Éléonore est mariée à l’amiral royal Marino Marzano. Son gendre, conscient de sa puissance acquise par son mariage, décide de donner forme à sa résidence à Carinole en appelant très probablement Sagrera lui-même ou à son fils Jaume pour définir le projet. Le palais, qui aujourd’hui montre seulement une partie de ce qu’il devait être à l’origine en raison des conditions précaires dont il a souffert au cours du siècle dernier avant sa rénovation, est organisé autour d’une cour de style catalan pur, qui s’élève sur deux niveaux accessibles à travers un escalier à loggia qui forme un angle droit.
Bartolomé Facio, secrétaire personnel et historien du roi, lui dédie en 1456 son ouvrage De viris illustribus, dans lequel trois sculpteurs florentins ont droit à ses éloges, dont Donatello qu'Alphonse V admire vivement et à qui il voulait faire exécuter un monument équestre pour son tombeau à la manière de son ancêtre le roi Ladislas, comme il le précise dans une lettre au doge de Venise écrite en 1452[4].
Arrivée des maîtres florentins sur la scène napolitaine
[modifier | modifier le code]Tout au long du règne d’Alphonse et d'une bonne partie du suivant, sous le règne de son fils Ferdinand Ier, la scène artistique est dominée par les hybridations catalanes et de la Renaissance, interprétées avec une bonne synthèse stylistique par les artisans locaux, comme dans le Palazzo Maiorani, dans le palais D'Afflitto et le Palazzo di Ludovico di Bux. Dans le premier cas, l’escalier est introduit par une paire d’arcs en plein cintre au profil hexagonal, typique du langage catalan, tandis que dans les deux autres édifices, les restes de loggias couvertes et les porches surbaissés témoignent d'une langage hybride. Les portails à arc surbaissé inscrits dans un cadre quadrangulaire à demi tore sont présents dans cette phase transitoire plus tardive.
La péninsule subit alors d’intenses périodes de crises politiques, en commençant avec la ratification de la Paix de Lodi en 1454, après les guerres entre Milan et Venise pour la domination des territoires lombards ; après les guerres contre les Médicis, qui aboutissent à la soi-disant conjuration des Pazzi, le Royaume de Naples doit négocier la paix avec Laurent de Médicis dit le Magnifique. L’activité diplomatique d’équilibre préconisée par les Médicis à l’égard des différents États de la péninsule entraîne d’intenses relations culturelles et professionnelles entre Florence et les différentes cours actives en Italie, parmi lesquelles la cour aragonaise parthénopéenne. À partir du milieu des années 1470, plusieurs sculpteurs et architectes toscans commencent à arriver dans la ville, et dans une moindre mesure, des peintres doués d’une sensibilité plus moderne.
L'église Sainte-Anne-des-Lombards, également connue sous son nom ancien de Santa Maria di Monte Oliveto, est l'ouvrage pivot qui marque le passage des modes hybrides angevins tardifs et catalans. Le bâtiment, construit à la demande de Ladislas, est largement revu dans le dernier quart du siècle avec l’arrivée de personnalités comme Antonio Rossellino et les frères Benedetto et Giuliano da Maiano[5], qui y créent trois chapelles (Piccolomini, Toledo et Mastroianni-Terranova). La chapelle Piccolomini, où Marie de Castille est enterrée, est particulièrement intéressante pour ses caractéristiques de la Renaissance ; la chapelle du Cardinal du Portugal a un aspect plus somptueux pour répondre à la demande du commanditaire.
Giuliano da Maiano est celui des trois qui laisse la plus forte empreinte dans la capitale du royaume, récompensé par la charge d’architecte et d’ingénieur militaire royal. Les villas royales Poggio Reale[6], La Conigliera, La Ferrandina et Duchesca lui sont attribuées. Dans le domaine militaire, il est l’auteur de la Porta Capuana et de la Porta Nolana ; il conçoit à Santa Maria di Monte Oliveto les espaces et les sculptures de la chapelle Piccolomini et de la chapelle Tolosa. Ces ouvrages constituent les exemples organiquement les plus réussis de la renaissance florentine en dehors de la ville des Médicis. Les deux chapelles ont des proportions bien calibrées et souffrent de l’ascendance brunelleschienne de l’espace par la simplification en modules et sous-modules faciles à gérer. Giuliano da Maiano devient une référence pour tous les nouveaux architectes qui naissent dans la seconde moitié du siècle. Des commandes privées, comme celle d’Angelo Como pour l’agrandissement et la modernisation du palais Como, ne manquent pas. La paternité de l’œuvre a été contestée avec Antonio Fiorentino della Cava, également toscan, à qui sont également attribuées les premières interventions dans l’église Santa Caterina a Formiello. Giuliano ouvre également une école où sont formés des architectes, dont Pietro et Ippolito del Donzello, qui diffusent le style Renaissance dans tout le royaume.
Giuliano da Maiano est surtout crédité de la conception de la résidence royale, la villa Poggio Reale, qui, commencée entre 1487 et 1490 et complétée par Francesco di Giorgio Martini, peut être considérée comme le point d'arrivée de la conversion progressive à la Renaissance de la capitale aragonaise. Bien qu'elle ait été détruite par la suite, il est encore possible de s'en faire une idée grâce à sa reproduction dans le traité de Sebastiano Serlio et grâce à son succès qui en a fait une référence de l'architecture du XVIe siècle. Le bâtiment se caractérise par une disposition originale avec des références à l'ancien adaptées aux besoins contemporains. Sa typologie de base est la villa romaine, modifiée pour répondre aux besoins défensifs d'un château médiéval, avec des pièces spécialement conçues pour la résidence, les loisirs et la représentation. Le résultat est un petit bâtiment avec une base quadrangulaire et quatre corps en saillie dans les coins, semblables à des tours d'angle, mais de la même hauteur que le reste du bâtiment. Le corps central est à portiques sur les côtés extérieur et intérieur, avec une cour en contrebas, accessible par cinq marches, qui rappelle les modèles antiques comme les théâtres et les thermes. La cour, conçue selon un modèle de Vitruve, pourrait avoir été recouverte d'un grenier en bois pour être utilisée pour des fêtes et des spectacles.
La résidence royale de Poggio Reale fait également l’objet de visites d’architectes illustres tels que Baldassarre Peruzzi, qui laisse quelques croquis planimétriques de l’œuvre, aujourd’hui conservés dans le cabinet des dessins et des estampes du musée des Offices. Dans ses quatre livres, Sebastiano Serlio fait l'éloge de la qualité du projet et fournit également une représentation, très idéalisée, de l’implantation planimétrique de l'édifice, qui se présente comme un édifice typique des « délices » florentins. Roberto Pane, dans son texte sur l’architecture de la Renaissance napolitaine, en documente une partie de la résidence principale utilisée très probablement comme maison d'hôtes et dont, à l’heure actuelle, aucun vestige n’a été trouvé après les bombardements massifs et les altérations successives de la zone[7]. Les jardins, avec des jeux d'eau, qui s’étendent jusqu’à la mer à travers un petit bois pour la chasse, sont réalisés par Frà Giovanni Giocondo vers 1490 avec l’aide de Pacello da Mercogliano. Cette villa a symbolisé pendant des siècles le principal chantier de la Renaissance napolitaine.
La chapelle Pontano, via dei Tribunali, construite pour l'humaniste napolitain Giovanni Pontano, dont l'extérieur est remarquable par ses pilastres corinthiens, est aussi attribuée (avec incertitude) à Frà Giocondo.
En 1495 Charles VIII (roi de France) envahit le royaume et occupe temporairement Naples. À son départ, il emmène avec lui, Frà Giocondo et le jardinier Pacello da Mercogliano, qui amènent à la cour de France le jardin à l'italienne qui apparait alors dans la péninsule, ainsi que d'autres artisans et artistes qui travaillent à Naples, dont le sculpteur Guido Mazzoni qui contribue à la diffusion de la culture classique italienne et au développement de la Renaissance française[8].
Les « délices » d’Alphonse V deviennent également importants pour le langage des parements. Dans La Conigliera, il est fait un grand usage de piperno pour les murs et d'inserts en marbre pour les cadres de fenêtres. Cette approche bichromatique de la décoration des façades devient typique des nouvelles constructions jusqu’aux premières décennies du XVIe siècle. La combinaison des deux matériaux est due au fait que le piperno sculpté ne permet pas de rendre les ornementations avec une netteté absolue ; à l'inverse, il sert à souligner les éléments architecturaux, même lorsque les saillies sont peu prononcées.
La présence de Giuliano da Sangallo à la cour de Ferdinand Ier est fondamentale. Le roi demande à Laurent de Médicis la faveur de lui procurer un architecte pour la construction d’un somptueux édifice royal qui pourrait remplacer la construction médiévale du Castel Nuovo. Le choix se porte sur Sangallo qui fournit en 1488 au roi, le projet et le modèle du palais. Le dessin autographe de l’architecte existe toujours et est conservé à la Biblioteca Barberini. Le bâtiment, bien qu’il ne soit pas de plan central, se présente dans un carré, au centre duquel l’espace est exploité de manière à contenir un véritable amphithéâtre, avec des marches, dont le dégagement est donné par quatre escaliers. Cette solution pourrait avoir été suggérée par le donneur d’ordre sur la base de la cour couverte de Poggio Reale. D’une manière générale, l’immense construction de Sangallo aurait dû largement dépasser toute autre construction civile du XVe siècle. Selon Pane dans un passage de son texte sur la Renaissance napolitaine, le plan du Sangallo manifeste une complexité qui fait penser à Andrea Palladio[7]. Des similitudes avec le projet napolitain sont également perceptibles dans un projet contemporain, jamais réalisé, pour la famille Scala della Gherardesca à Florence, dans lequel, Sangallo adopte un bâtiment très ouvert, avec une cour tout à fait similaire à celle de Ferdinand.
Dans les années 1470, l'Ombrien Guglielmo Lo Monaco réalise des portes de bronze pour l'arc qui montrent la victoire de Ferdinand sur les barons rebelles en 1462, l'attentat contre sa vie en 1460 et sa victoire contre les troupes de René d'Anjou lors des batailles d'Accadia et de Troia. Le programme est sans doute conçu par Bartolomé Facio dont les vers en latin accompagnent les six scènes de foule. Le style rappelle celui des miniatures contemporaines, avec des bordures héraldiques autour de chaque champ, ainsi que les reliefs classiques qui s'enroulent autour de la colonne Trajane et de la colonne de Marc-Aurèle[4].
À Naples, les deux Vierges à l'Enfant de Laurana, une pour l'église Sant'Agostino alla Zecca, réalisée lors du premier séjour napolitain de l'artiste, et l'autre, sculptée lors de son second séjour dans la ville pour la chapelle palatine du Castel Nuovo, sont des marqueurs de la Renaissance locale. Gagini réalise deux Tabernacles avec la Vierge et l'Enfant, toujours pour la chapelle palatine, et une sculpture sur le même sujet pour la basilique de la Sainte-Annonciation-Majeure de Naples.
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Domenico Gagini, Tabernacle avec la Vierge à l'Enfant, Musée civique de Castel Nuovo (Naples).
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Francesco Laurana, Vierge intronisée avec l'Enfant de Sant'Agostino alla Zecca.
Le reste du royaume aragonais montre plutôt une propension très traditionaliste et arriérée pour les arts, notamment en raison de la structure sociale toujours liée à la féodalité et du manque de dialectique avec la cour de Naples. Par exemple, la cour du château de Fondi, rénovée en 1436, est encore marquée par des éléments de style gothique et espagnol, qui la font ressembler à un patio. En Sicile, après son essor sous les Angevins, il faut attendre la fin du XVe siècle pour trouver une interprétation locale de la Renaissance, liée avant tout à l'architecture de Palerme signée Matteo Carnelivari (église Santa Maria della Catena).
Formation et présence de sculpteurs et d’architectes locaux éduqués au goût humaniste
[modifier | modifier le code]L’avènement de maîtres florentins et lombards, pionniers des nouvelles tendances du goût, se répand, surtout parmi les cours princières du royaume qui ressentent le besoin de gagner les faveurs de la nouvelle dynastie régnante. Après les premières tentatives de modernisation avec les portails du Palazzo Petrucci et du palais Diomede Carafa par les sculpteurs locaux, dès les dernières années de la décennie 1470, des sculpteurs et des architectes dominent, pleinement formés à ces tendances, qui ne négligent toutefois pas les expériences linguistiques antérieures de l’art catalan.
La présence dans la ville du natif de Côme Tommaso Malvito et l’arrivée dans la ville de Giuliano da Maiano sont documentées en 1484. Malvito a collaboré étroitement avec Francesco Laurana sur les chantiers de la Vieille Major de Marseille et du Castel Nuovo, mais est surtout connu pour avoir implanté à Naples l’un des ateliers les plus prolifiques pour la formation de nouvelles personnalités locales éduquées à la culture florentine et milanaise (ou bramantesque), dont son fils Giovan Tommaso Malvito, qui contribue à la maturation du style au cours des six premières décennies du siècle suivant. La formation de personnalités locales dans le monde de l’architecture et de la sculpture ne peut se dispenser des séquelles des expériences acquises dans le domaine franco-provençal et catalan. La présence d’une communauté locale riche et dense de tailleurs de pierres, de maçons et de maîtres-artisans provenant de la ville de Cava de' Tirreni et de la vallée de l’Irno est aussi importante. Outre le déjà connu Onofrio de Giordano, qui, comme maître d’œuvre, commence lentement, au début du XVe siècle, à s’imposer comme ingénieur et architecte expert dans la ville de Raguse en Croatie grâce aux intenses échanges culturels entre le Royaume de Naples et les villes de l’Adriatique, et à son successeur Francesco de Giordano qui lui succède avec succès, des figures s'imposent, telles que Novello de Paparo et Novello da San Lucano.
Les informations relatives Novello de Paparo sont rares à cause de la perte de documents originaux d’archives remontant à la phase aragonaise. Son activité a pu être retracée par des transcriptions partielles de ces documents. On sait qu’il est né dans la plaine du Sélé, précisément à Eboli, et qu’il commence son activité comme maître d’œuvre pour ensuite se spécialiser et évoluer en tant qu’architecte. Dès 1472, il apparaît comme architecte de confiance de la famille Pignatelli dans un différend contre le sculpteur lombard Pietro de Martino relatif à la réalisation d’un tombeau à San Domenico Maggiore. En 1475-1476, il est impliqué dans la fourniture de matériel de construction pour l’hôpital de l’Annunziata et dans le chantier de Castel Capuano. En 1479, il épouse Agata di San Barbato, sœur d’un notable napolitain, ce qui le conduit à une ascension sociale et professionnelle, qui s’inscrit dans les droits de la Renaissance qui émancipent les activités libérales des activités manuelles à travers une formation rigoureuse et l’ascension dans la société comme professionnels libres. En 1488, il réapparait comme procureur de Scipione Pandone pour l’achat d’une maison qui devient plus tard le Palazzo Conca. À partir de la fin des années 1480, il est de nouveau actif à la cour aragonaise, ce qui témoigne de ses conditions économiques et sociales remarquables, pour la réalisation d’œuvres au Castel Capuano et à la Conigliera al Cavone.
Toujours du fait de la destruction des archives aragonaises, les informations sur Novello da San Lucano sont éparses, mais il est connu de la critique spécialisée pour avoir laissé sa trace dans la façade du Palazzo San Severino, son œuvre la plus connue. Ordonné frère, il contribue fortement au rajeunissement artistique du royaume à travers une connaissance profonde des échanges culturels intenses en Méditerranée. La façade du Palazzo San Severino, aujourd'hui celle de l'église du Gesù Nuovo de Naples, est révélatrice des contaminations qui ont lieu à la suite des contacts dans la région de l’Adriatique, atténuées par les expériences catalanes précédentes, comme la bande toroïdale de la base, et avec les expériences milanaises contemporaines proches des Sforza, qui sont entrés en contact avec Le Filarète. L’introduction dans l’architecture campanienne du bossage à pointe de diamant est une innovation figurative qui a comme précédant les tours circulaires du château des Sforza et qui s’étend progressivement à partir des années 1470 avec la résidence parthénopéenne des Sanseverino, puis dans le palais Sanuti Bevilacqua Degli Ariosti de Bologne (1472-1482) et dans le Palazzo dei Diamanti (1493), également à la suite d’alliances politiques délicates entre le royaume de Naples et les seigneuries du centre-nord de la péninsule. Un deuxième bâtiment est construit dans le quartier de la Selleria avec des caractéristiques similaires, mais dont il n'en reste aujourd’hui aucune trace après la démolition du Risanamento (Naples).
Phase transitoire au nouveau siècle et débuts de Giovan Francesco Mormando
[modifier | modifier le code]À la fin du XVe siècle, le ferment culturel parthénopéen, et du royaume en général, atteint son apogée, grâce aussi aux suites de la Conjuration des barons qui voit le renforcement de la dynastie royale sur le territoire. De jeunes protagonistes suivent la voie tracée par les premières délégations d’artistes et d’architectes toscans et lombards appelés à la cour. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux sont encore plongés dans l’anonymat historiographique le plus profond, dû aussi aux destructions massives lors de la guerre du très riche fonds aragonais conservé aux Archives d’État. Des traces de ces noms, bien qu’avec des inventions de caractère hagiographique, sont rapportées dans les ouvrages de Bernardo de Dominici.
Deux noms émergent, ceux de Gabriele d’Agnolo et de Giovanni Francesco Mormando. Les informations relatives à Gabriele d’Agnolo sont particulièrement maigres, il est mentionné la première fois dans l’historiographie artistique du XVIe siècle de Benedetto Di Falco qui écrit « Gabriel d’Angelo napolitain fabriqua avec un magistère admirable le palais de l’illustre duc de Gravina avec des chambres basses confortables comme le palais de Frenesi à Rome à la cour Savella ». Son œuvre est décrite, même si ce n’est pas de manière scientifique, par Bernardo de Dominici au siècle suivant. Il reste, comme pour Novello da San Lucano, lié à son œuvre la plus connue, le Palazzo Orsini di Gravina. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre des premières décennies du XVIe siècle, elle est considérée, par Roberto Pane, comme la dernière du siècle précédent pour ses caractéristiques de composition selon des schémas non encore retrouvés dans le classicisme du XVIe siècle[7].
Le palais, qui à l’origine était bâti en en C, dispose d'une cour soutenue par des arcades d’ordre toscan, doublée en contre-façade par un second ordre d’arcades, cette fois aveugles, d’ordre composite et entrecoupées de fenêtres en piperno et de niches en marbre blanc. Les façades, tant latérales que principales, présentent une cloison horizontale délimitée par un entablement continu en marbre. Le rez-de-chaussée est recouvert d'un parement en piperno, brisé par les cadres de fenêtres ensoleillées, un héritage des compositions de façades typiques du XVe siècle.
Il est également comparable au Palazzo Marigliano, pour lequel Pane avance l’hypothèse de la présence de Giovanni Francesco Mormando, derrière la figure obscure d’Agnolo. Giovan Francesco Mormando, est l’autre personne clé du passage des formes purement du XVe siècle à la maturité de la Renaissance. Pour Roberto Pane, Mormando reste un architecte occasionnel et un facteur d'orgues très apprécié[9]. Sur cette base, on peut supposer qu'il se forme d’abord comme facteur d’orgues puis, à partir des années 1480, en tant qu’élève de Giuliano da Maiano, qui lui apprend les notions d’architecture. Cette étrange combinaison de deux activités complètement différentes peut avoir contribué à l’ascension rapide de l’architecte Mormando : au XVe siècle, l’architecture est enseignée dans la tradition classique, en l’associant à la musique à travers le filtre de la culture néoplatonicienne de Marsile Ficin. La construction de l’orgue de l’église Sainte-Marie-de-la-Paix de Rome, où il put observer le travail de Bramante, est à ce titre significative.
Peinture au XVe siècle
[modifier | modifier le code]Contexte
[modifier | modifier le code]La position culturelle de la Bourgogne au XVe siècle contribue largement à influencer la peinture napolitaine et méridionale, devenant le lien entre l’Europe du Nord et le monde méditerranéen. Le naturalisme flamand, qui se montre réceptif à l’apparence multiforme de la réalité, ne dédaignant pas la représentation du faste et de la richesse, est plus facilement acceptée dans les cours européennes[10] .
Les routes commerciales et les stratégies politico-militaires établies dans la dernière période angevine et plus tard par Alphonse d’Aragon contribuent à leur diffusion. La domination française contribue à faire affluer dans la capitale des modes et des styles provenant de France, notamment de Provence. René d’Anjou, considéré comme le grand mécène de son temps, se fait le promoteur des innovations artistiques flamandes et bourguignonnes. La formation de Colantonio a lieu pendant son règne, qui devient la référence de la peinture méridionale dans la seconde moitié du XVe siècle. Les expériences flamandes sont pleinement percevables chez Colantonio, au point que Pietro Summonte, dans une lettre, cite ces influences liées également à des voyages de formation.
Le règne de René d’Anjou (1435-1442) est significatif pour l’art napolitain du début du XVe siècle, qui fait bénéficier la ville, aux horizons culturels déjà vastes, de son goût personnel. René d'Anjou a la réputation d'être un artiste accompli et, d'après Pietro Summonte, a étudié la peinture flamande[4]. La scène artistique est dominée par les influences franco-flamandes en raison des routes politiques et commerciales qui passent par la ville. Durant cette période très courte et intense, parrainée par le roi en tant que mécène de plusieurs artistes de la cour, la conjoncture Nord-Sud parvient à son apogée, à savoir la rencontre des voies méditerranéennes et flamandes qui concerne une grande partie du bassin méditerranéen occidental, y compris les régions de transit non côtières, et dont l’épicentre est Naples. De nombreux artistes flamands arrivent à Naples, le plus représentatif étant Barthélemy d'Eyck, connu pour être le peintre de cour de René d'Anjou, qui installe à Naples une école de peinture où se forme Colantonio, le maître d’Antonello de Messine.
Le passage des Angevins aux Aragonais confirme une orientation répandue dans les cours du continent, qui reconnaissent une certaine continuité de style et de goût entre le gothique international et la peinture flamande, négligeant la peinture italienne.
En 1431, alors qu'il est roi de Valence, Alphonse V envoie Lluís Dalmau, son peintre de cour, en Flandres avec le tapissier Guillem d'Uxelles, afin qu'il apprenne à faire des cartons de tapisserie à la manière flamande. Il y serait arrivé juste à temps pour voir l'achèvement et l'exposition publique du retable de L'Agneau mystique exécuté par Hubert et Jan van Eyck. À son retour, cinq années plus tard, il peint des œuvres influencées par les maîtres flamands. Le roi apprécie les œuvres de style hispano-flamand. Il acquiert un premier tableau de Jan Van Eyck quand Jacomart travaille à son retable. Le sujet lui importe peu, il veut juste posséder une œuvre du maître. Un marchand de Valence trouve un Saint-Georges et le Dragon en vente à Bruges, le fait expédier à Barcelone, d'où il est envoyé à Naples en 1444. Aujourd'hui perdu, il suscite l'enthousiasme de Pietro Summonte, écrivain du XVIe siècle, qui indique dans une lettre de 1524 qu'il comporte un paysage avec une petite figure de la princesse secourue, une ville au loin et une vue de la mer, ainsi qu'un détail de bravoure, typique de la maîtrise de Van Eyck, le dragon, mortellement blessé à la gueule par une longue lance, se reflètant dans l'armure de la jambe gauche de saint Georges, le saint protecteur du roi[4].
Ce n’est donc pas un hasard si des œuvres de maîtres flamands tels que Jan van Eyck et Rogier van der Weyden circulent dans le royaume, des références significatives, avec des figures catalanes et valenciennes, dans la formation et la maturation culturelle de Colantonio, bien visible dans Saint François d'Assise remettant la règle à ses disciples et dans son interprétation du thème de Saint Jérôme dans son cabinet, les deux faisant partie du polyptyque pour la basilique San Lorenzo Maggiore et aujourd’hui conservés au musée de Capodimonte.
Alphonse V possède également une Adoration des mages de Van Eyck qui orne l'autel de la chapelle Santa Barbara dans son palais de Castel Nuovo. Des œuvres de Van der Weyden ornent la grande Sala del Trionfo au Castel Nuovo, formant une magnifique toile de fond pour les allées et venues de la cour et éveillant la célèbre piété d'Alphonse[4].
Le De viris illustribus de Bartolomé Facio comporte un chapitre sur les peintres qu'Alphonse V considère comme les meilleurs de son époque : Jan Van Eyck et Rogier van der Weyden, Pisanello, et Gentile da Fabriano, mort en 1428, qui a travaillé pour Pandolfo III Malatesta à Brescia, à la cour papale et à Florence[4].
Le changement politique amplifie les échanges culturels en Méditerranée. Les territoires napolitains sont impliqués dans des échanges très étroits avec les autres territoires de la couronne aragonaise ; des artistes catalans et espagnols, peintres et architectes notamment, viennent à Naples, amenés par Alphonse V, parmi lesquels le Valencien Jaume Baçó Escrivà, dit maître Jacomart, qui réside dans la ville à plusieurs reprises de 1442 à 1446. Dans ces mêmes années, le maître français Jean Fouquet est aussi présent. Le Véronais Pisanello arrive à Naples à la fin 1448 et est nommé membre de la maison du roi en avec un salaire de 400 ducats[4].
Jacomart
[modifier | modifier le code]La première commande napolitaine d'Alphonse V est confiée à Jaume Baçó Escrivà, connu sous le nom de Jacomart, que le roi voulait déjà faire venir alors qu'il campait devant Naples en . Peu après sa conquête triomphale, il lui fait peindre un retable pour une chapelle de style classique, qu'il fait ériger sur le Campo Vecchio pour marquer le site où lui et ses troupes ont campé aux portes de la ville. La Vierge y apparait au roi dans sa tendre majesté. Œuvre d'art parmi celles les plus prisées du roi, il la fait porter lors des cortèges annuels commémorant son entrée dans la ville. Ce retable illustre l'alliance très espagnole, caractéristique d'Alphonse, de religiosité dévote et de conviction militaire. Il est détruit en même temps que l'église au XVIe siècle[4].
Le style « international » de Jacomart est le produit de l'école de Valence : formel, gracieux et d'une grande splendeur décorative. Il est conforme au goût connu d'Alphonse pour les images de dévotion, qui souhaite des œuvres spirituelles délicates, ayant de plaisantes qualités décoratives, associées à des détails naturalistes agréables : brocarts ravissants, décoration sculpturale peinte et joyaux étincelants à côté de figures élégantes et raffinées. Il est également influencé par la technique et le style flamands qui sont alors en vogue en Espagne et qu'il admire beaucoup[4].
Leonardo da Besozzo et Perinetto da Benevento
[modifier | modifier le code]Leonardo da Besozzo, principal peintre de cour d'Alphonse V en 1449, qui a travaillé pour le régime angevin précédent, sert le roi jusqu'en 1458. Il réalise les fresques des palais et des églises du roi, enlumine ses chartes et ses livres et décore son armure. Il est l'un des trois peintres qui décorent 920 étendards et bannières pour le banquet célébrant la naissance du petit-fils d'Alphonse. Perinetto da Benevento reçoit aussi de nombreuses commandes, dont un cycle de fresques illustrant Les Sept Joies de la Vierge. Tous deux travaillent dans la tradition de Giotto et de Pietro Cavallini dont les œuvres napolitaines ont rendu la ville célèbre au XIVe siècle[4].
Colantonio
[modifier | modifier le code]Le principal artiste local de cette période est Colantonio dont les œuvres traduisent sa capacité à assimiler les différentes cultures présentes dans la ville. Certains auteurs avancent que Colantonio pourrait avoir appris la technique flamande du roi lui-même. Une œuvre telle que Saint Jérôme dans son cabinet (vers 1444) se réfère à la peinture flamande et révèle sa maîtrise de l'illusion eyckienne. Il y use d'effets de trompe-l'œil (le morceau de parchemin plié et corné, épinglé à l'étagère, les lettres accrochées au mur). L'effet « naturaliste » s'exprime dans le désordre des livres empilés, le rendu minutieux des accessoires et l'étui en forme de viole contenant les lunettes du saint[4]. Dans Saint François donnant la règle de l'ordre, œuvre ultérieure (vers 1445), les différentes influences catalanes sont déjà assimilées, comme l'indiquent le sol à la verticale, les traits expressifs et les plis rigides et géométriques des vêtements.
En plus d’Antonello de Messina, d’autres peintres moins connus de ce contexte culturel comme Angiolillo Arcuccio et Buono de Buoni se sont formés dans l’atelier de Colantonio.
Antonello de Messine
[modifier | modifier le code]Même en peinture, l'approche des pratiques de la Renaissance est progressive. Elle est peut être pleinement perçue chez le plus grand maître du sud de l'Italie du XVe siècle, Antonello de Messine, formé à Naples chez Colantonio.
Ses premières œuvres, comme le Salvator Mundi, témoignent d'une adhésion aux styles flamands et bourguignons, notamment en ce qui concerne l'iconographie, la technique d'exécution et les types physiques des personnages, tandis que l'aspect monumental de ceux-ci et les valeurs spatiales sont typiquement italiens. Antonello fait un pas en avant en recentrant la culture centro-italienne et florentine d' Andrea del Verrocchio et Masaccio, et en abordant progressivement les recherches spatiales et lumineuses de Piero della Francesca et des peintres flamands, comme Jan van Eyck et son contemporain Petrus Christus. Des Flamands, il ramène en Italie la typologie des portraits de trois quarts, plutôt que de profil, qui accentue à la fois les composantes psychologiques et humaines du visage.
Le meilleur exemple de cette extraordinaire synthèse entre différentes écoles picturales est peut-être le Saint Jérôme dans son étude, peint en Sicile, où à la richesse flamande des détails et à la multiplication des sources de lumière, il ajoute une construction spatiale complexe, avec un faux cadre qui sert de lien entre le spectateur et le saint, en plus de l'interprétation humaniste du thème avec le saint représenté comme un savant. La lumière, qui entre par la fenêtre au premier plan suit les lignes de perspective, permettant de prendre la mesure de l'espace et focalisant l'attention sur le cœur de la peinture.
Sa Vierge de l'Annonciation, synthèse remarquable de géométrie et de naturalisme, avec une douce utilisation de la lumière, figure aussi parmi ses dernières œuvres produites à l'intérieur des frontières du royaume d'Aragon. Antonello voyage ensuite dans la péninsule, notamment à Venise, où sa confrontation avec Giovanni Bellini est à l'origine d'un renouveau dans la peinture des sujets sacrés.
Urbanisme au XVe siècle
[modifier | modifier le code]Lors du passage d’une dynastie à l’autre, la capitale du royaume ne subit pas de grands changements urbains. La cité angevine était structurée sur la cité gréco-romaine et byzantine-ducale. Le rôle de Naples en tant que grande place commerciale s’est consolidé au cours du XIVe siècle[11] et la ville compte environ soixante mille habitants. Avec l’affirmation de la dynastie aragonaise, en particulier avec Ferdinand Ier qui promet des privilèges aux marchands locaux et étrangers comme les Espagnols, les Génois, les Florentins et les Milanais, le renouveau général conduit au doublement de la population à la fin du XVe siècle, qui atteint les cent mille personnes. L’augmentation de la population entraîne la réorganisation urbaine de la capitale qui élargit sa superficie de construction d’environ deux cents hectares avec une réorganisation globale de l’enceinte, qui englobe à l’intérieur du circuit défensif tous les terrains au nord-ouest autour de Castel Nuovo et toute la zone à l’est dans la campagne vers Poggio Reale. Les traces des tours de défense entre la via Rossaroll et le château du Carmine sont des signes des agrandissements défensifs.
Le projet de rénovation des systèmes défensifs urbains est confié à Giuliano da Maiano qui conçoit la nouvelle Porte Capuana et le déplacement plus loin de la Porta Forcella qui devient la Porta Nolana. L’expansion vers l’est est aussi justifiée par l’assèchement des marais de Sant’Anna et de Poggio Reale ; les terrains sont transformés en ce qui est appelé « le potager de la ville ».
La création de deux résidences royales, la Duchesca derrière Castel Capuano et à l’intérieur du périmètre défensif, et la villa Poggio Reale juste à l’extérieur de Porta Capuana, est également favorisée. La réorganisation de la citadelle militaire de Castel Nuovo est organisée par l'important architecte et ingénieur militaire Francesco di Giorgio Martini, qui est probablement responsable de l’extension de la défense de la ville vers le nord-ouest.
Alphonse II de Naples conçoit un vaste plan d'urbanisme pour la ville destiné à unifier les interventions dispersées de son prédécesseur, à régulariser le tracé romain et à effacer les superfétations médiévales. Le plan hippodamien devait voir le jour qui aurait fait de Naples, dans les intentions des concepteurs, la « ville la plus élégante et policée [...] de toute l'Europe ». Ce plan n'a pas été mis en œuvre en raison de la brièveté du règne du souverain (1494-1495) et ses successeurs, souffrant d'un environnement instable en raison des révoltes baronniales récurrentes, préfèrent se consacrer à des travaux militaires, comme élargir les murs, initiative d'Alphonse quand il est encore duc de Calabre, ou construire des châteaux dans la région. L'aspect de Naples à la fin du siècle est connu par la Tavola Strozzi (vers 1472, musée San Martino), où la ville est vue de la mer et apparait complètement entourée de murs à tourelles qui relient les deux forteresses de Castel Nuovo à l'ouest et du château du Carmine à l'Est. Les portes de la ville sont purement fonctionnelles du point de vue de la défense, à l'exception de la Porta Capuana, inspirée d'un arc de triomphe, et qui mène à Poggio Reale.
Médailles
[modifier | modifier le code]Alphonse V fait dessiner sa propre médaille par Pisanello en 1449 à une échelle digne du roi d'un grand empire. Il est représenté vêtu d'une armure contemporaine, dans un profil classique, comme il convient à un général et à un souverain. Son casque à aigrette et un livre ouvert se trouvent à sa gauche, sa couronne et la date de la médaille à sa droite. L'inscription dit « Divus Alphonsus Rex » en haut et « Triumphator et Pacificus » en bas. L'emploi du mot « Divus », « saint », l'associe aux premiers empereurs romains, dont plusieurs furent déifiés après leur mort. Le roi est célébré comme vainqueur militaire et comme pacificateur[4].
Au revers, Alphonse demande à Pisanello de faire figurer une allégorie de la « Libéralité ». Cette ancienne vertu impériale, évoquant l'empereur Auguste, a pour objet de rehausser le pouvoir impérial du souverain et de refléter sa piété et son amour du peuple[4].
Humanisme au XVe siècle
[modifier | modifier le code]Alphonse V, rusé et habile, connaît l'importance d'une bonne propagande politique : l'élaboration d'un langage subtil, tant visuel que verbal, destiné à transmettre son idéologie politique à l'aristocratie locale et à ses alliés et rivaux princiers, est un aspect important de sa politique artistique. Des architectes et des artistes espagnols travaillent à l'intérieur du Castel Nuovo, harmonisant la décoration au caractère de la cour. Des musiciens flamands, unanimement considérés comme les meilleurs, arrivent à Naples, tout comme des tapisseries et des panneaux peints flamands, accrochés aux murs des principales pièces de la demeure royale. Des humanistes italiens parmi les plus célèbres sont invités car ils nourrissent l'amour des livres et la fascination de l'Antiquité d'Alphonse, mais surtout car ils peuvent traduire ses visées politiques dans la langue humaniste en vogue et consigner ses faits pour la postérité[4].
La fermeture du studiorum sert d’acte de démonstration pour faire comprendre aux royaumes que la culture officielle est celle défendue à la cour. L'humanisme est un des intérêts du roi Alphonse qui fait de la ville un foyer important de l'humanisme, comme en témoigne la présence à la cour d'intellectuels célèbres tels que François Philelphe, Bartolomé Facio, Antonio Beccadelli dit en latin Antonius Panormita, son favori sicilien, Giovanni Pontano et Laurent Valla, qui est son secrétaire[12]. Ceux-ci débattent régulièrement avec le roi de questions littéraires, philosophiques, théologiques et probablement artistiques, dans l'ora del libro, le forum littéraire régulier d'Alphonse V. Ces réunions prennent ensuite officiellement le statut d'académie, présidée par le vif et spirituel Panormita. Les érudits y sont invités à exposer et à défendre une thèse, s'appuyant sur des textes et des exemples empruntés à l'Antiquité, dans un esprit de concurrence féroce. Après la réfutation des arguments d'autrui, on sert du vin et des fruits[4].
En 1440-1442, Valla prouve que la « Donation de Constantin », texte sur lequel repose le droit papal à régner sur les territoires italiens, est un faux[4].
Les nouvelles connaissances restent cependant essentiellement confinées à la cour, le souverain ne marquant pas, par exemple, d'intérêt pour l'Université, qui aurait pu répandre la nouvelle culture dans le royaume. La littérature elle-même a un caractère essentiellement encomiastique.
Références à la Rome impériale
[modifier | modifier le code]Alphonse V cherche à établir sa légitimité dans le domaine artistique aux yeux des italiens avec un langage fondé sur celui de l'ancienne Rome impériale. Le sud de l'Italie sous le règne de Frédéric II (empereur du Saint-Empire) (1194-1250) est pour lui un exemple éclatant. Poète, guerrier, habile politique et mécène, Frédéric s'était approprié l'iconographie impériale d'Auguste, frappant des médailles de style ancien et érigeant un arc de triomphe à Capoue. Dans sa médaille all'antica, Alphonse V adopte son emblème de l'aigle perché sur sa proie, comme symbole de générosité[4].
Pendant sa campagne napolitaine, Alphonse s'inspire des Commentaires sur la Guerre civile de Jules César et, chaque jour, des humanistes lisent des passages de Tite-Live à ses troupes sur le champ de bataille. Il collectionne les pièces anciennes, en particulier celles portant le profil de César, les vénérant presque comme des objets sacrés. Sa bibliothèque comprend des écrits de Cicéron, Tite-Live, César, Sénèque et Aristote. Les empereurs romains lui servent d'exemple moral, l'incitant à la vertu et à la gloire. À la fin de son règne, l'orfèvre et sculpteur mantouan Cristoforo di Geremia le représente sur une médaille, vêtu d'une authentique cuirasse antique, couronné pat Mars et Bellone[4].
Facio écrit un traité, Du Bonheur humain, et une histoire louangeuse du règne d'Alphonse. Antonio Beccadelli écrit pour sa part une biographie, Faits et dits du roi Alphonse, qui rapproche le roi des empereurs romains d'origine espagnole, Trajan et Hadrien. Tous deux sont considérés comme les « meilleurs » empereurs, au sens chrétien, avec Marc Aurèle. Hadrien a la passion de la chasse, comme le roi, et en fait un sport impérial au milieu du IIe siècle. Une des médailles d'Alphonse par Pisanello représente le roi en « chasseur intrépide ». Des bustes des deux empereurs hispaniques ornent un escalier du Castel Nuovo ; la sculpture de l'arc de triomphe du palais glorifie le règne de son commanditaire, à l'instar de l'arc de Bénévent de Trajan[4].
Liens au XVe siècle avec la Renaissance ferraraise
[modifier | modifier le code]Les liens dynastiques et artistiques entre Naples et Ferrare remontent à 1444. Ils produisent un style religieux qui convient aux goûts de la cour et de l'aristocratie, un langage « moderne » qui rivalise avec le style narratif monumental exporté activement par Florence. Ce langage napolitano-ferrarais assimile les éléments espagnols et flamands, et pare le naturalisme et la virtuosité technique du Nord de splendeur décorative, d'élégante diversité et d'éclat humaniste. L'échange culturel entre les cours contribue à former le style et l'iconographie d'artistes comme Antonello de Messine et Giovanni Bellini, Andrea Mantegna et Piero della Francesca, ainsi que des trois grands artistes ferrarais : Cosmè Tura, Francesco del Cossa et Ercole de’ Roberti[4].
En 1489, Alphonse II, beau-frère d'Hercule Ier d'Este, et qui est présent dans la Pietà de Roberti, invite Guido Mazzoni à Naples tous frais de voyage payés. Il y exécute une Lamentation pour son église favorite, Santa Anna dei Lombardi di Monteoliveto. Comme dans la Pietà, il est figuré dans le rôle de Joseph d'Arimathie, l'homme fortuné qui paya la sépulture du Christ, expression des dons qu'il fait à l'ordre du Mont-Olivet[4].
Architecture et sculpture au XVIe siècle
[modifier | modifier le code]Giovan Francesco Mormando
[modifier | modifier le code]Les premières traces qui témoignent de la carrière d’architecte civil et d'édifices religieux de Giovan Francesco Mormando remontent aux toutes premières années du XVIe siècle, lorsque Giovan Francesco Mormando obtient des terres du monastère de San Gregorio Armeno pour construire sa modeste maison dans le centre-ville, le Palazzo Mormando. Cette première œuvre ne montre pas les signes particuliers d’une architecture pleinement développée. S’agissant d’un bâtiment à usage privé de l'architecte, sa structure ne nécessite pas une attention particulière ; il s’agit très certainement d’une réadaptation d'un ancien bâtiment comme il ressort de la présence d’un arc complet de style catalan.
La formation de Giovan Francesco Mormando s'est faites en plusieurs étapes. Les rares informations relatives à cette période laissent supposer un premier apprentissage chez Giuliano da Maiano où il a l’occasion d’apprendre les modes et méthodes typiques de la renaissance toscane et de Leon Battista Alberti dont la présence physique dans la ville de Naples et sa contribution à l’évolution dans les formes pleinement matures de la Renaissance en Italie méridionale ont été réévaluées et rediscutées par des spécialistes de l’architecture napolitaine : en 1465, Alberti aurait fait un voyage à la cour aragonaise où il aurait eu l’occasion de rencontrer les plus hauts représentants de l’humanisme napolitain comme le Pontano, le Panormita et aussi Jacopo Sannazaro. Ses relations auprès de la cour napolitaine contribuèrent à la diffusion auprès des intellectuels et des artistes les plus capables de la ville de L'Art d'édifier et donc à sa capacité de pouvoir influencer pendant une bonne partie des décennies suivantes, jusqu’aux premières décennies du Cinquecento, sur le développement de l’architecture classiciste[13]. Cette formation et sa rencontre avec Bramante, la figure la plus importante au tournant des deux siècles dans le domaine de l’architecture italienne, lui forgent une personnalité complexe et au-dessus de la moyenne des architectes à cette époque dans la capitale, au point de le considérer comme impropre à être la figure fondatrice - de la part de la critique artistique du XIXe siècle - de la renaissance napolitaine. Sa formation donne à Mormando la caractéristique de savoir lire de façon critique les changements soudains de période de la fin du XVe siècle, jusqu’à ce moment dominé par la Florence de Laurent le Magnifique et au lendemain des Guerres d'Italie qui sont la cause de l’instabilité générale de la péninsule italienne pendant plus de la moitié du XVIe siècle et qui, quelques décennies plus tard, marquent la fin de la culture de la Renaissance au sein du classicisme.
Il conçoit le Palazzo Acquaviva d’Atri, palais princier de la famille Acquaviva d'Aragon, sur un terrain particulièrement pentu de Via Atri, dont il reste les solides soubassements en piperno, certaines solutions en vogue comme les arcades classiques des écuries et l’escalier principal. Le palais fut l’objet d’importants remaniements de style baroque tardif de la part de Giuseppe Astarita, qui en dénaturèrent la lecture Renaissance globale. La présence d’un jardin suspendu à l’usage exclusif de l’étage noble est intéressante dans cette première construction de Mormando, qu'il reprend dans d’autres de ses réalisations.
Pour la première fois les capacités synthétiques de l’architecte dans l’atténuation des sollicitations plus modernistes provenant de Rome sont visibles dans le palais de Sangro di Vietri, aujourd'hui le palais Saluzzo di Corigliano, avec la mise en place de la corniche marcapiano d’ordre dorique divisé en métopes et triglyphes. Cet expédient, rare dans les constructions napolitaines de cette période, ne peut être attribué qu’à des expériences acquises auprès de Bramante, de Baldassarre Peruzzi et Antonio da Sangallo le Jeune[14]. Il reste peu d’éléments de la splendeur de la Renaissance que pouvait avoir le palais d’origine de la piazza San Domenico Maggiore. Un tableau du XVIIe siècle montre, avant les interventions baroques et rococo, l’aspect extérieur typique des ouvrages civils les plus matures de l’architecte calabrais : d'importants soubassements sur lesquels se greffent des pilastres d’ordre dorique encadrant des fenêtres arquées en piperno finement décorées au niveau de la mezzanine, l'étage noble reprennant un ordonnancement identique dans un autre ordre architectural, probablement corinthien tel que visible au XVIIIe siècle. Le tout est finalisé par un important entablement qui reprend dans la frise, des figures de la famille noble propriétaire du palais.
Le palais de la place San Domenico, ouvre la voie à l’architecture la plus représentative de Mormando, le palazzo Marigliano ou palazzo di Capua. Le bâtiment, construit dans les années 1510, est devenu, au fil du temps, la construction la plus représentative de l’architecte calabrais à Naples. Toujours débiteur des formalismes dérivés d'Alberti, Mormando réalise l'unique façade du palais avec un soubassement élevé en piperno se terminant par une corniche, un premier ordre architectural avec la mezzanine, un deuxième ordre avec l’étage noble et enfin une corniche imposante. Le vaste espace est distribué uniformément, selon un rapport impeccable. Une fine bande, formée par la cannelure et une saillie, se déroule le long des pilastres, de l’architrave et du soubassement, en contournant tout le rectangle intérieur afin d’accentuer la limite de celui-ci et d’éviter, par un passage progressif, l’accentuation brutale des pilastres et de l’entablement du mur du fond[15]. Pour préserver l’élégance de la composition de la façade dans une rue de faible largeur - cinq mètres -, il a recours au stratagème de l’inversion optique des règles visuelles de la statique : le premier plan apparaît beaucoup plus léger, de texture plus précieuse que robuste par rapport au plus grand relief plastique et à la plus grande robustesse du deuxième plan ; la lourde corniche apparait presque détachée de la structure globale. Cette inversion est conçue pour attirer vers le haut le regard de l’observateur[16].
Le palazzo di Capua représente le plus haut sommet du langage synthétique de l’architecte calabrais, capable de contenir en soi la leçon d’Alberti, les expériences acquises chez frère Giuliano da Maiano et les innovations architecturales les plus récentes provenant de Rome et de Bramante. Les innovations de Mormando ne s’arrêtent pas seulement aux aspects généraux de la construction : le portail, maintenant disparu et remplacé par une banale façade de marbre au XIXe siècle, était composé de deux piliers ioniques avec entablement et arc en plein cintre, auquel Roberto Pane trouve des analogies de composition avec le grand arc triomphal de la chapelle Carafa dans la basilique de la Minerve de Rome, avec une attribution erronée de la conception architecturale à Benedetto et Giuliano da Maiano[7]. Ce type de portail, que l’on peut trouver dans différents bâtiments encore présents dans la ville, à la fois de la main de Mormando et des probables émules de sa manière, constitue la marque stylistique caractérisant les deux premières décennies du siècle.
L’activité du Mormando, bien que se caractérisant par le renouvellement et le dépassement stylistique de la matrice florentine de l’architecture civile, est également significative par sa trace laissée dans l’architecture sacrée. L’église inférieure du monastère des Severino e Sossio, actuellement non visitable, est l’un de ses premiers ouvrages. L’église, datant d’avant 1537, serait l’une des premières églises érigées à Naples entièrement dans le style de la Renaissance[17]. Elle présente une nef centrale avec des chapelles latérales sur le seul côté gauche, tandis que sur le côté opposé, en miroir, s’ouvrent des séquences d’arcades peu profondes. Mormando utilise encore une fois des partitions de piperno, donnant un profond sentiment d’équilibre chromatique. À l’origine, la toiture devait être une charpente en bois, remplacée par une voûte en berceau au XVIIIe siècle. La présence d’un ordre binaire est une caractéristique atypique pour les églises du début du XVIe siècle napolitain. L’ordre corinthien complété d'un piédestal est choisi pour son élégance formelle. Les clés de voûte du chœur et des chapelles mettent en évidence encore une fois sa formation chez Giuliano da Maiano, des clés similaires sont visibles dans la Porta Capuana.
Le petit temple à usage privé de l’église Santa Maria della Stella alle Paparelle est son on autre chef-d’œuvre sacré. La façade, aux caractéristiques altérées par l’élévation de la rue pendant le Risanamento, se présente comme celle d’un petit temple, scandée de pilastres corinthiens cannelés et surmontée d'un fronton triangulaire avec un arc diaphragme au milieu. La décoration est en piperno. Le portail, sous une lunette en plein cintre, est flanqué de niches en plein cintre surmontées de deux ovales concaves, sur lesquelles se superposent des plaques dédicatoires serties dans le piperno en caractères lapidaires et des rosettes avec au centre un motif à coquille, clairement d’inspiration bramantesque[18]. L’intérieur, semblable à la chapelle Pontano, est dépouillé, en contrepoint avec la façade extérieure entièrement en piperno.
L’église San Michele a Vibo Valentia, datée de 1519, est d’attribution incertaine. La façade présente des éléments de composition que l’on peut déduire de la façade de l’église Santa Maria della Stella, mais cette fois en les adaptant et en les hybridant avec des éléments issus de l’architecture civile, comme le haut piédestal à l’appui des pilastres ; les éléments ioniques reprennent le motif des piliers du palais de Capoue. L’intérieur, avec une seule nef avec des chapelles latérales, est scandé par la séquence de colonnes corinthiennes doubles sur piédestal dans la même composition que l’église inférieure des Santi Severino e Sossio.
On ne connaît pas d’autres œuvres de Mormando après 1520 ; à partir de cette date de nombreux émules, parmi lesquels Giovanni Francesco Di Palma, diffusent le langage mormandeo dans d’autres centres du vice-royaume alors qu'en même temps le classicisme du XVIe siècle au maniérisme architectural napolitain fait de citations continues, directes et indirectes, à Mormando.
Giovanni Merliani da Nola
[modifier | modifier le code]Giovanni Merliani da Nola est considéré, comme Giovan Francesco Mormando, au tournant des deux siècles, dans le domaine de la sculpture et, dans une moindre mesure, de l’architecture, comme une figure de premier plan dans le processus d’intériorisation et de maturation des stimuli et des échanges culturels avec des artistes de formation non locale. Les informations relatives à sa formation sont très rares. Il est cité dans la lettre de Pietro Summonte au cardinal Marcantonio Michiel, qui synthétise l’état de l’art à Naples au début du XVIe siècle. Il ressort de la lettre, témoignage direct de Summonte, qu'il s’est formé à l’atelier de Pietro Belverte, un sculpteur et sculpteur sur bois vénitien. Il est arrivé à Naples probablement à la suite du programme de renouveau artistique voulu par les Aragonais au milieu du XVe siècle. La formation auprès d’un maître de la sculpture sur bois comme Pietro Belverte, lui a fourni les outils de base pour la création de délicates œuvres de marbre et de sculptures sur bois, comme le Saint Sébastien Martyr à la basilique et couvent saint Antoine à Nocera Inferiore, daté de 1514, ou le groupe sculptural de la Crèche voulu par Jacopo Sannazaro vers 1520, dans l'église San Domenico Maggiore.
Les premières informations concernant son travail, tant comme élève du Belverte que par la suite de manière autonome, remontent à 1508. L’influence du maître dans le domaine vénitien-lombard est déterminante pour l’orientation stylistique de Giovanni da Nola vers des ouvertures linguistiques non plus de tradition florentine, mais attribuables aux échos linguistiques lombards et vénitiens. Ses débuts en tant que sculpteur du marbre remontent à 1516. Réaliser des sculptures avec un matériau autre que le bois est un moyen d'élargir le cercle des clients les plus prestigieuses de la ville[19] pour faire face à la concurrence d’artistes étrangers. Ce creuset culturel présent à Naples au cours des trois premières décennies du siècle, aide particulièrement les disciples de Merliani da Nola à apprendre et à faire leurs propres langages, différents de leur formation. L’avènement d’artistes de milieu romain favorise la diffusion du langage de Raphaël, très présent dans la sculpture de Nola, et, dans un ton moindre, également de la sculpture de Michel-Ange. Cette influence indirecte favorise donc la création de modèles d’une synthèse linguistique entre le classicisme duXVIe siècle, bien visible dans les compositions des tombes et des autels en marbre, et le langage lombardo- vénitien qui se caractérise par des solutions ornementales délicates que l’on retrouve dans les architectures imaginées par Carlo Crivelli.
Giovanni da Nola repropose, selon sa propre lecture enrichie par le classicisme, les modèles figuratifs déjà introduits par des personnalités du milieu lombard, comme Jacopo della Pila, où le modèle de l’arcosolium est utilisé enrichi de statues comme élément sculptural indépendant, interrompant de fait la réalisation d'ouvrages encore conçus selon un héritage du XVe siècle. Tout comme les expériences de Michel-Ange à Rome avec le Tombeau de Jules II, dans les principales églises de la vice-capitale de l’Empire espagnol où Merliani commence à se former, les compositions murales sont toujours plus structurées. Déjà dans des compositions tardives, remontant aux années 1530 et 1540, comme l’altare Ligorio de l'église Sainte-Anne-des-Lombards, des évolutions figuratives non négligeables apparaissent : la scène centrale est encadrée dans un petit fond architectural manifestement inspiré des serliennes, le classicisme est atténué par la fine décoration végétale, réminiscences de sa formation auprès des ateliers lombards établis à Naples, tout comme cela est bien visible dans la sculpture en marbre du saint dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste de la même église, sculptée en 1516. L’Altare di Santa Maria della Neve dans l'église San Domenico Maggiore montre des caractères encore plus mûrs : toute la composition, réalisée en 1536, est enfermée dans une structure templière qui rappelle les édicules des Lares ; construit dans un ordre dorique avec une architrave en métope et des triglyphes et un tympan triangulaire au sommet, il présente à un tiers des fûts, la décoration florale classique chère au sculpteur.
L’indépendance figurative progressive des autels et des tombes murales est atteinte avec le Monument funéraire de Don Pedro de Toledo dans la basilique San Giacomo degli Spagnoli. L'ouvrage présente une composition pyramidale et n’est pas placé à proximité du mur, mais dans un espace centré derrière le chœur. Il constitue un ensemble complexe d'architecture et de sculpture où la caractérisation des portraits du vice-roi et de son épouse, Maria Osorio Pimentel, s'impose dans un cadre puissant et discontinu, entre allégories et reliefs d'une grande efficacité narrative[20]. L'ouvrage, qui partage certaines analogies avec le projet primitif de Michel-Ange pour le pape Jules II, est en revanche influencé par les sépultures présentes dans la chapelle royale de Grenade. La connaissance de l'Ara Pacis d'Auguste à Rome se révèle dans les parties non iconiques, en un rapport toujours intense et stimulant avec l'Antiquité. Il n'est pas achevé à temps et constitue un travail à plusieurs mains, avec l’aide d’Annibale Caccavello et de Giovanni Domenico D’Auria, et n'est terminé qu’en 1570 après vingt ans de travail. Il constitue un chef-d'œuvre du maniérisme au sud de Rome et justifie l'observation de Vasari qui note que les commanditaires napolitains préfèrent la sculpture à la peinture[20].
Le Monument funéraire de Don Raimondo de Cardona, daté vers 1525, dont la référence plausible aux tombes royales espagnoles peut être due à la connaissance du lieu, à Bellpuig en Catalogne, est réalisé très probablement à Naples et ensuite envoyé par bateau. L’œuvre en marbre, avec un arc de triomphe de réminiscence classique, entièrement indépendant comme un modèle de façade pour un mur de fond, est, avec le Monument funéraire de Don Pedro de Toledo, l’une des plus hautes manifestations de la sculpture napolitaine de la Renaissance. Le monument espagnol partage certains formalismes de composition de Jacopo Sansovino[19] pour le tombeau romain de Giovanni Michiel ; la composition compacte de l'ouvrage de da Nola est obtenue par un dessin fusionnant l’architecture de la tombe et le système ornemental et sculptural complexe qui relie étroitement les scènes clés racontées, comme le délicat stiacciato de la lunette avec la Pietà, le portrait funéraire du vice-roi Raimond de Cardona entouré de cariatides affligées et les deux statues latérales placées dans les petites niches de l’arc de triomphe.
Le travail effectué dans la basilique San Lorenzo Maggiore est intéressant : le maître-autel n’est plus représenté par une simple table, mais atteint une indépendance de composition de grande épaisseur. Le bloc, en marbre, se compose de trois niches dans lesquelles sont placés trois saints, dont le titulaire de la basilique. La composition architecturale et la composante sculpturale, comme le Monument funéraire de Don Raimondo de Cardona à Bellpuig, dialoguent sans interruption. Ce petit retable souffre des compositions introduites par la culture ibérique dans la vice-capitale. Avec ces exemples particuliers de sculptures qui croisent l’aspect architectural et organisationnel de l’espace où elles sont situées, on peut considérer le passage progressif à l’architecture proprement dite de bâtiments comme commun à de nombreux artistes de la Renaissance. Les rares témoignages restant, dus à la destruction d’importants dépôts d’archives au cours de la dernière guerre, ne permettent pas d’apprécier au mieux l’apport de nombreux artistes et architectes qui ont vécu entre la moitié du XVe siècle et les premières décennies du XVIe siècle.
Il est certain que Giovanni da Nola est le concepteur de deux bâtiments : le Palazzo di Sangro, entièrement transformé entre les XVIIe et XVIIIe siècle par Don Raimondo di Sangro, et le Palazzo Giusso, actuellement siège de l’université de Naples - L'Orientale. Ce dernier a conservé des traits de la construction originale du XVIe siècle le long de ses façades. La façade principale est articulée de la manière traditionnelle d'un palais du XVIe siècle codifiée par Mormando : une base de piperno sert de support à un premier ordre architectural en mezzanine, une corniche marcapiano en délimite le niveau, sur lequel repose un ordre géant de pilastres composites qui abrite l’étage noble et un niveau initialement destiné aux domestiques.
Entre la dernière décennie du XVe siècle et la troisième décennie du XVIe siècle
[modifier | modifier le code]Transfert d'attractivité de Florence à Rome
[modifier | modifier le code]Après la mort de Laurent le Magnifique, Florence perd peu à peu la possibilité de continuer à être le pôle attractif de la péninsule italienne dans le domaine de l’art et de la littérature. La disparition temporaire des Médicis de la scène politique internationale déstabilise les cours qui lui sont alliées, dont celle aragonaise. D’autre part, les Médicis ont un tel prestige qu’ils placent dans les cours cardinalices de Rome Jean de Médicis, fils de Laurent Magnifique, et Jules de Médicis, fils de Julien de Médicis (1453-1478), qui montent tous deux sur le trône pontifical sous les noms de Léon X et Clément VII. La présence de ces deux figures, éduquées au goût du beau et vouées au mécénat, constitue un point pivot dans l’accélération de la transformation de Rome comme ville centrale du XVIe siècle italien. Le passage de témoin a eu lieu avec le déplacement, à partir de la fin du XVe siècle, d’artistes et d’architectes, florentins ou pas, dans la ville papale.
Influence de Bramante
[modifier | modifier le code]Ce changement est perçu à la cour aragonaise : le premier à s’en apercevoir est le cardinal Oliviero Carafa, l’un des mécènes les plus connus de la fin du XVe siècle. Sa prélature lui permet de s’ériger en pont entre Rome et Naples. Il commande notamment le nouveau cloître de l'église Sainte-Marie-de-la-Paix de Rome à Bramante, qui part alors de Milan pour Rome au service d'Alexandre VI Borgia. La place de Bramante dans l’histoire architecturale du Royaume de Naples, a été débattue par de nombreux historiens qui ont établi que l’architecte a effectué des voyages de courte et moyenne durée dans la péninsule avant de s’installer définitivement à Rome.
La chapelle du Succorpo dans la cathédrale gothique napolitaine, représente donc le premier pas vers l’éloignement du langage strictement florentin dans une direction stylistique lombardo-romaine. La paternité, vraie ou présumée, de l’œuvre a été attribuée à Bramante par Roberto Pane à plusieurs reprises[21],[22], puis par Arnaldo Bruschi[23]. Sa construction commence en 1497, année du retour des restes de San Gennaro à Naples ; les travaux sont confiés à l’atelier le plus prolifique de la ville à la fin du siècle, celui de Tommaso et Giovan Tommaso Malvito. Les travaux durent jusqu’en 1508. L'intervention est complexe, nécessitant de créer un espace sous l’abside de la cathédrale, en relevant de seulement quatre-vingts centimètres le plancher de l’abside et en creusant sur près de trois mètres les fondations[24]. L’espace est donc assez étroit ; des coupes de fenêtres sont réalisées dans les intervalles des contreforts absidaux pour éviter un éclairage. Le plafond de la chapelle est soutenu par des voûtes surbaissées reposant sur des colonnes de marbre qui divisent l'espace en trois petites nefs pour des raisons statiques. Un faux plafond en marbre repose sur un système sophistiqué de poutres inversées avec une fente d’appui sur les deux côtés. Les dimensions réduites en hauteur et les dérogations qui en résultent de l’application de l’ordre architectural, comme la réalisation du feston entre des pilastres à la place de la frise continue en entablement, accréditent la présence d’un « concepteur » en mesure de donner des indications générales précises pour leur réalisation.
L’influence de Bramante, ou de proches, se retrouve également dans la chapelle Caracciolo di Vico dans l'église San Giovanni a Carbonara, qui se présente comme un cercle parfait soutenu par une coupole hémisphérique à caissons, moins imposante que celle majestueuse du Panthéon. Contrairement à la chapelle du Succorpo, où les influences de l’école lombarde sont encore évidentes, la chapelle de l'église San Giovanni a Carbonara présente des échos du classicisme mûr de la deuxième décennie du siècle, ayant été réalisée, au moins dans la partie architecturale, en 1516. Selon Roberto Pane, l’architecture est attribuable à Giovan Tommaso Malvito dont le nom peut être déduit de certaines archives de l'historien Riccardo Filangieri[15].
Ces œuvres, paradigmatiques au passage vers le classicisme, se côtoient avec nombreuses réalisations d’architecture mineures dans toute la ville. La plupart d’entre elles se sont perdues avec les transformations baroques et les démolitions consécutives au Risanamento. L’architecture sacrée est moteur au XVIe siècle, contrairement au siècle précédent, même après la Réforme protestante de Martin Luther ; au niveau institutionnel, l’Église tente son renouveau interne, qui culmine au milieu du siècle avec la Contre-Réforme. L’épopée de l’architecture de la Renaissance classique dure environ trente ans, comme dans les autres cours de la péninsule, avec des suites jusqu’au milieu des années 1540, pour être progressivement supplantée par la maniera moderna qui, à Naples et dans le royaume en général, a des traits de continuité avec le classicisme, mais en diffère par l’appauvrissement des modèles archétypaux du début du siècle.
Constructions civiles
[modifier | modifier le code]Dans le domaine de la construction civile, le passage est marqué par la construction du palais De Scorciatis par le maître d’ouvrage Julio De Scorciatis. Le palais, maintenant complètement défiguré par les bombes et la reconstruction de l’après-guerre, conserve encore des éléments architecturaux de grande valeur comme la séquence d’arcades d’ordre dorique datant d’une période de maturation du langage du XVIe siècle. L’architecte des arches, donc aussi du bâtiment, n’a pas laissé de documents d’archives, mais il doit certainement s’agir d’une personnalité initiée au goût de Baldassarre Peruzzi et de Giuliano da Sangallo.
Les œuvres civiles datant de la maturité du classicisme à Naples ne sont pas parvenues dans leur intégralité et ne peuvent être appréciées qu’à travers des éléments architecturaux fragmentaires, tels que des portails et des cadres moulés de fenêtres. Parmi les portails conservés par les restaurations architecturales successives, celui du palais Miroballo, actuellement l’accès de la basilique San Pietro ad Aram, est sculpté en piperno et s'apparente au langage de la sculpture malvitesque, et le portail de l’ancien palais Pignone, dont le schéma de composition général rappelle le portail du palais Baldassini à Rome par Antonio da Sangallo le Jeune. Dans le portail napolitain assurant actuellement le deuxième accès à la basilique San Lorenzo Maggiore, le schéma appliqué est plus bâclé et moins élaboré. Deux autres portails, celui du Palazzo De Liguoro dans la via Costa et celui du palais Caravita, actuellement installé sur la villa Leonetti dans la via Aniello Falcone, ont la typologie d'un arc triomphal. Le premier, typiquement romain, d'ordre corinthien, présente des caractères plus mûrs dans la composition générale que celui du palais Pignone ; le portail du palais Caravita, d’ordre dorique, s’écarte de l’austérité du figuratif romain en l’hybridant avec le langage lombard tardif caractérisé par l’enveloppement d’éléments phytomorphiques sur les surfaces en piperno. Un troisième portail, analogue à celui du Palazzo De Liguoro se trouve via Santa Maria la Nova. Il appartenait à l’ancien palais des Médicis d’Ottaviano situé à proximité de son emplacement actuel et replacé comme deuxième entrée de l’ancien couvent de Santa Maria la Nova après les démolitions de l’ancien quartier Carità. Les deux portails présentent des analogies avec la proposition classique de l’arc de triomphe romain à un seul arc. Cette composante, très rare dans la ville, où l’on préfère encore dessiner des portails plats de goût florentin et lombard tardif, indique qu’au début du siècle, des personnalités cultivées dans le domaine architectural y interviennent. Les différences substantielles entre les portails du Palazzo De Liguoro et celui de Santa Maria la Nova concernent le traitement ornemental des surfaces en piperno : le portail du Palazzo De Liguoro présente une ornementation beaucoup plus complète qui permettrait de le dater des toutes premières années du XVIe siècle. En effet, l’arc présente une décoration en bandes similaire pour sa qualité exécutive à l’arc d’accès de la Cappella del Doce de l'église San Domenico Maggiore, tandis que le portail du palais des Médicis d’Ottaviano présente des lignes plus sèches et simplifiées qui laissent supposer une exécution tardive, peut-être une imitation ; d’autres portails analogues sont présents dans la ville en dehors du palais De Liguoro ; Pane suppose qu’il a été réalisé au milieu du siècle[25].
Le nom de Giovanni Francesco Di Palma, continuateur du langage mormandeo jusqu’au troisième quart du XVIe siècle, qui se réfère à l’approfondissement de l’architecture maniériste à Naples, est documenté pour la construction et l’achèvement du palazzo Filomarino et du Palazzo del Panormita.
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Portail du palais Pignone
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Palais Baldassini à Rome au portail similaire
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Portail d'accès au couvent de Santa Maria la Nova
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Portail du Palazzo De Liguoro
Architecture sacrée mineure et moyenne des trois premières décennies du XVIe siècle
[modifier | modifier le code]Le XVIe siècle, contrairement au siècle précédent, marque le triomphe de l’église catholique, tant avant la réforme protestante qu’après le concile de Trente. Les œuvres de la Renaissance sont limitées dans le temps. Si au XVe siècle, les constructions sont très limitées et circonscrites aux restaurations de l’après séisme de 1456, de nouveaux volumes apparaissent alors pour les espaces sacrés. Le plan en croix latine reste le pivot principal des nouvelles, et rares, constructions sacrées du début du siècle. Dès la fin du XVe siècle, on préfère aménager de petits espaces ajoutés aux basiliques sous forme de petites chapelles privées, qui constituent des exemples de petites architectures à plan centré, comme prototypes de ce qui est défini à la fin du siècle comme la base de l’architecture baroque.
Comme pour les constructions civiles, il reste peu d’éléments qui peuvent raconter la grandeur des lieux atteinte à cette époque, cachée par des restaurations postérieures de l’époque baroque, comme l’Église San Pietro Martire (Naples), complètement cachée derrière les stucs de Giuseppe Astarita dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Après les dommages de la dernière guerre, deux arches du XVIe siècle sont réapparues, encadrées par des pilastres corinthiens sur de hautes bases, du style de Mormando. Encore une fois, les portails sont le témoignage de cette phase historique, qui a été peu considérée au cours des décennies suivantes. L’atelier de Tommaso Malvito et de son fils Giovanni Tommaso Malvito, incarne pleinement le passage stylistique entre les deux siècles. L’église Sant'Agrippino a Forcella, bien que restaurée à partir de 1476 selon Roberto Pane[26], présente certains traits stylistiques, bien qu'incomplète dans son aspect extérieur, communs avec l’église Santa Maria delle Nevi de Francesco de Giorgio Martini[27].
Dans ce contexte, la production abondante des Malvito se déplace, forts du décor de matrice lombarde importée par les sculpteurs actifs à la cour aragonaise. Le portail avec des pilastres de la petite église de Santa Maria dell’Arco a Portanova date du XVIe siècle ; comme l'indiquent ses caractéristiques figuratives, il doit avoir été exécuté autour du début du siècle. En plus de l’affirmation d’un langage austère et classique de matrice romaine, les premières décennies sont caractérisées par des formes de décoration de matrice du centre de l'Italie et lombarde.
L'église San Domenico Maggiore est le lieu qui représente le mieux la production architecturale et sculpturale entre les deux siècles. L’église dominicaine est choisie comme lieu de sépulture de l’une des plus prestigieuses maisons du royaume de Naples, les Carafa, une famille noble ayant des membres dans les plus hautes sphères de la société de l’époque. Pour souligner son prestige assumé et son aptitude au mécénat, elle transforme les chapelles latérales en espaces qui fondent l'architecture et la sculpture de la Renaissance jusqu’au milieu des années 1530. Les remaniements baroques et les restaurations du XIXe siècle de Federico Travaglini ont altéré la lecture et la qualité figurative des espaces originaux, probablement dans le style renaissance après le tremblement de terre de 1456. La chapelle du Crucifix est l’un des environnements les mieux conservés, qui se présente comme un espace à nef unique et deux chapelles sur le côté gauche. Les murs de l'espace central sont couverts de monuments funéraires de la famille Carafa. Les différentes sépultures présentent l’une des anthologies les plus singulières de la sculpture napolitaine de la fin du XVe siècle à la fin du XVIe siècle. À l’intérieur de la chapelle, les deux chapelles mineures, la chapelle du Doce et la chapelle de la Nativité, présentent l’une des plus hautes formes de la Renaissance à Naples. La première se présente comme un petit espace à plan central, dont l’accès est orné par un arc d'ordre corinthien, cohésif avec certaines expériences de milieu romain ; l’appareil sculptural et architectural est confié à Girolamo Santacroce, aidé par Giacomo da Brescia et Antonino de Marco. La chapelle voisine de la Nativité, quant à elle, est confiée à l’atelier des Malvito et est réalisée juste après celle du Succorpo dans la cathédrale.
La chapelle dédiée à San Martino est l'autre chapelle Renaissance la plus représentative des trente premières années du siècle, toujours à San Domenico Maggiore, commandée par Andrea Carafa, comte de Santa Severina. Summonte, déjà à l’époque de sa célèbre lettre à Marcantonio Michiel, attribue l’œuvre à Andrea da Fiesole et à un certain Matteo Lombardo, mais des recherches posthumes menées par Filangieri en attribuent la paternité à Andrea da Fiesole et son élève Romolo Balsimelli[28]. La façade se compose d’une élégante arcade entourée de deux pilastres corinthiens sur piédestal. Même dans cette œuvre du début du siècle (sur la frise figure la date de 1508), l’influence de l’école malvitesque est ressentie dans la décoration des éléments architecturaux.
La figure de Romolo Balsimelli, peu étudiée et approfondie par la critique spécialisée, apparaît dans le chantier de la construction de l’église Santa Caterina a Formiello avec une information relative à un contrat conclu en 1519 pour la fourniture de piperno à employer dans l’agrandissement de l’église[29]. L’église, à croix latine inscrite dans un rectangle, conserve encore intacte ses proportions classiques malgré la décoration baroque de peintures et de dorures[30]. La façade rectangulaire conserve ses proportions originales, même après l’achèvement de celle-ci au siècle suivant ; la présence de volutes de raccordement avec l’ordre supérieur rappelle, selon Pane, la façade inachevée de la basilique Santo Spirito[31]. Le registre inférieur et le mur sur la Porta Capuana sont marqués d'un haut stylobate qui soutient l’ordre composite alternant avec des fenêtres en tabernacle au tympan triangulaire, de claire dérivation martinienne, repris également au second ordre. L’hypothèse avancée est que Francesco di Giorgio Martini, lors de ses voyages à Naples, a fourni des dessins d’éléments architecturaux finis et le plan d’une église, car l’église napolitaine présente des similitudes avec l’Église Santa Maria delle Grazie al Calcinaio (Cortona)[32]. La présence de fenêtres en tabernacle dans la première moitié du siècle est assez rare. La chapelle San Giacomo della Marca dans l'église Santa Maria La Nova, datée de 1508, est attribuée à l’obscur Epifanio Raimo, peut-être Raimo Epifanio Tesauro. La fenêtre de la Cappella dell'arte della Lana dans l’église Santa Maria delle Grazie Maggiore a Caponapoli est la troisième fenêtre en tabernacle présente dans la ville, peut être encadrée à la même période.
L’église Santa Maria delle Grazie a Caponapoli est l’autre église la plus représentative et la mieux conservée du début du XVIe siècle napolitain, construite sur une longue période allant de 1516 à 1560. L’église, en croix latine avec nef unique et couverture en bois, présente l’un des plus beaux exemples de l’architecture décorative du siècle. L’influence est encore lombarde dans le traitement des surfaces, qui bénéficient du meilleur répertoire de l’école des Malvito, de saveur déjà maniériste.
Architecture dans les centres périphériques du royaume
[modifier | modifier le code]Dans les provinces du royaume, le développement architectural oscille entre les pulsions classiques liées aux événements culturels qui se déroulent à Naples et ce qui reste de la culture catalane qui est encore fortement enracinée dans les fiefs. Ce lent développement est lié au transfert progressif de la noblesse, qui dès la dernière décennie du XVe siècle, commence à peupler la capitale du royaume, accompagnée d'intellectuels, d'artistes et d'humanistes, laissant ainsi dans leurs fiefs des résidences temporaires, sans y établir de cours stables qui aideraient au développement et au progrès culturel des zones périphériques, qui prennent du retard pendant quelques décennies.
Le palais Orsini à Nola en est un exemple. Construit dans les années 1460, il est agrandi et redécoré environ quarante ans après. Dans le palais, l’art catalan se mêle à l’art de la Renaissance[33]. La façade est construite sur un socle typique de dérivation catalane, qui rappelle celui du Palazzo Sanseverino caractérisé par une façade toroïdale. Les éléments décoratifs mineurs, tels que les montants des fenêtres, rendent le bâtiment singulier par sa physionomie étroite due à la fusion indissociable d’éléments encore archaïques avec des éléments classiques[34]. Il en va de même pour le palais Pinto à Salerne où, au début du XVIe siècle, des éléments pleinement catalans subsistent dans le noyau originel du palais.
Une maturation du langage de la Renaissance commence à se manifester dans la deuxième décennie du XVIe siècle avec la mise en œuvre d’éléments classiques. Le Palazzo del Cappellano à Lauro est l'un des édifices les plus matures réalisés dans l’arrière-pays campanien. La construction, voulue par Giovanni Cappellani, évêque de Bovino et camériste secret du pape Jules II, commence en 1513 et continue pendant au moins quinze ans. Il constitue un exemple réussi de l’architecture rustique de la période. La façade, inspirée du bâtiment napolitain des Sanseverino, se caractérise par l’utilisation massive de pointes de diamant au premier niveau et de panneaux de coussins lisses au rez-de-chaussée, entrecoupés d’un entablement, tandis que le socle se distingue par une bande toroïdale d’inspiration clairement catalane. Le portail, réalisé en tuf gris, présente une ouverture en plein cintre entre deux pilastres corinthiens entablés. Selon certains chercheurs, la présence de Giovanni Cappellani à la cour papale romaine a été déterminante pour les choix architecturaux adoptés dans son bâtiment. On a supposé que dans les mois qui ont immédiatement suivi la mort de Jules II, l’aumônier a joué un rôle important dans la préparation du conclave pour l’élection du prochain pape ; dans cette période, il pourrait être entré en contact avec Giuliano da Sangallo qui, à travers le projet de reconstruction de l'arc d'Auguste de Fano, a inspiré l'évêque de Bovino[35] ; l’architecte réalisateur de la construction pourrait être Gabriele d'Agnolo selon d’autres chercheurs[36].
À Capoue, malgré la présence d’exemples architecturaux résiduels encore liés aux contaminations catalanes des années centrales du XVe siècle, le passage à un style plus mature a lieu lors de la construction du palais dans la via Pier della Vigna. Le palais, construit dans les dernières années du XVe siècle, a deux façades représentatives laissées inachevées et une cour carrée, qui est l’une des plus pures et des plus belles compositions de la Renaissance napolitaine[37], avec une arcade de chaque côté contenue dans des pilastres angulaires. Le caractère florentin de la construction a fait supposer à Roberto Pane dans son livre sur la Renaissance napolitaine, la présence de Giuliano da Maiano dans la capitale de la Terre de Labour[38].
Toujours à Capoue, l’église de l’Annonciation représente la plus haute manifestation de l’architecture Renaissance sur le territoire communal. L’église, d’origine médiévale, est déclarée dangereuse et nécessite une reconstruction radicale en style Renaissance à partir de 1521. Le nouveau bâtiment est conçu à l’image d’un temple classique reposant sur un haut stylobate en pierre calcaire provenant de l’amphithéâtre campanien voisin, sur lequel se déploient des pilastres corinthiens qui soutiennent un entablement continu, qui sur la façade principale prend la forme d'un tympan. La façade principale, partagée en trois parties séparées par des pilastres, présente un portail central surmonté d’une fenêtre, tandis que sur les côtés s’ouvrent deux grandes niches. Elle a été modifiée par la réfection baroque du XVIIIe siècle qui a fait disparaitre la décoration originale à l’exception des encadrements en piperno. L’organisation générale de la construction rappelle dans une lecture exagérée la petite église Santa Maria della Stella alle Paparelle à Naples ; cet aspect permet de supposer que très probablement un projet primitif pourrait avoir été fourni par Mormando lui-même, qui a déjà travaillé à la fin du XVe siècle à la Maison de l’Annonciation de Capoue pour la réalisation de deux bâtiments, largement documentés, complétés par d’autres après sa mort. La présence du Mormando en Terre de Labour est documentée aussi par les contrats conclus avec la Maison de l’Annonciation à Aversa, où il fournit à partir de 1520 des dessins pour l’agrandissement de l’hôpital lié au monastère. Les traces de la construction de la Renaissance ne sont pas visibles après les remaniements répétés dans les siècles suivants.
Évolution de la sculpture au sein du classicisme
[modifier | modifier le code]Le panorama de la sculpture entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle est particulièrement varié. Les influences toscanes apparaissent progressivement et sont absorbées par le creuset artistique présent dans la ville en générant des œuvres sculpturales originales.
Influence toscane
[modifier | modifier le code]L’activité des toscans à Naples à la fin du XVe siècle et au début du siècle suivant est étroitement liée à la cour aragonaise et à la présence d’importantes familles florentines dédiées à l’activité bancaire[39], qui garantit le paiement des œuvres réalisées. La présence des Strozzi et très probablement des de Gondi favorise la naissance d’un marché profitable de l’art issu de la main-d’œuvre florentine. La présence d’artistes florentins contribue à la diffusion du langage mûr de la fin du siècle ; à côté d'eux se développe aussi la formation de sculpteurs de « seconde génération », c’est-à-dire des Toscans qui ne se forment pas dans leur patrie, mais à Naples, travaillant eux-mêmes dans leurs années de jeunesse dans les ateliers de ces maîtres.
Andrea Ferrucci dit Andrea da Fiesole, est l’un des sculpteurs les plus représentatifs de cette période. Il s’installe dans la ville de 1487 à 1493, période pendant laquelle sa présence est documentée[40]. Il y fait un second séjour environ une quinzaine d’années plus tard, de durée beaucoup plus courte et destiné seulement à l’achèvement de la chapelle Carafa de Santa Severina dans la basilique San Domenico Maggiore. Sa proximité de parenté avec Antonio Marchesi da Settignano, dont il épouse la fille, et donc aussi avec les frères Giuliano et Benedetto da Majano, tous liés à la famille toscane des Gondi, influence considérablement le langage de Ferrucci. On entrevoit dans ses ouvrages les manières des deux frères fiesolans comme par exemple dans le ciborium de la cathédrale de Castellammare di Stabia proche de celui de l'abbaye dei Santi Salvatore e Lorenzo à Scandicci exécuté par Giuliano environ cinquante ans plus tôt.
Dans sa parenthèse napolitaine, il réalise le Sépulcre de Giovanni Battista Cicaro pendant les années de l’achèvement de la chapelle Santa Severina de la basilique San Domenico Maggiore. Conservé dans l’anti-sacristie de l'église dei Santi Severino e Sossio, il montre dans sa composition générale un langage mature et éloigné de celui des Majano. La composition de type pyramidal représente dans le panorama napolitain un facteur de nouveauté repris ensuite par d’autres sculpteurs de son cercle. Le large socle avec inscription dédicatoire est entièrement travaillé à grotesque, aux extrémités reposent des statues de saints qui encadrent l’urne funéraire surmontée de putti et au centre le blason noble de la famille surmonté au sommet d’un putto debout. L’historien de l’art Riccardo Naldi a défini cette sculpture sépulcrale comme une « tombe-tabernacle » car les aspects qui composent l’ensemble peuvent être déduits des autels et des tabernacles[41]. Romolo Balsimelli est l’un de ses disciples, qui est appelé par Andrea da Fiesole comme aide aux sculptures en 1505.
Vittorio di Buonaccorso Ghiberti, arrière-petit-fils de Lorenzo Ghiberti se trouve parmi les Toscans présents dans l’ancienne capitale du royaume. Sa présence est documentée pendant une courte période à partir de 1521, les rares informations biographiques ne permettent pas de reconstituer de manière exhaustive le profil artistique du sculpteur, qui est connu comme artiste complet dans la sculpture, la peinture et l’architecture, dans la plus classique tradition de la Renaissance. Ghiberti réalise avec certitude une série de bustes insérés dans la façade du Palazzo Orsini di Gravina. Les médaillons présents entre les arcades de la cour du même palais sont probablement aussi les siens.
Influence lombarde
[modifier | modifier le code]La deuxième influence, la plus productive artistiquement, est celle de l’école lombarde. Poursuivant les modes de Jacopo della Pila et de Tommaso Malvito, elle trouve sa référence majeure dans le travail de Giovan Tommaso Malvito, fils de Tommaso. L’atelier des Malvito est considéré parmi les plus prolifiques de la ville, avec la capacité d’influer au classicisme lombard, caractérisé par un décor phytomorphique exaspéré. Au XVe siècle, père et fils collaborent souvent ensemble ; au XVIe siècle, seul demeure Giovan Tommaso après la mort de son père en 1508. Giovan Tommaso exécute le Sépulcre d’Ettore Carafa avec son père dans la chapelle du Crucifix de la basilique San Domenico Maggiore et le Sépulcre de Troilo Carafa, tous deux réalisés entre la première et la deuxième décennie du XVIe siècle. La collaboration entre Giovanni da Nola et l’atelier des Malvito pour la réalisation du Sépulcre de Galeazzo Pandone, toujours à San Domenico, est connu par des actes notariés de l’époque, une œuvre datant de 1514. L’activité florissante de l’atelier concerne également des œuvres sculpturales en dehors de la capitale du vice-royaume, comme en 1518, le portail d’accès au complexe de l’Annonciation d’Aversa, sur commande de Jacopo Mormile.
Le Sépulcre de l’évêque Giovan Maria Poderico, daté de 1525 dans la basilique San Lorenzo Maggiore, le Tombeau de Giovan Jacopo del Tocco dans la cathédrale de Naples et enfin la chapelle San Rocco dans l’église de Santa Maria delle Grazie Maggiore a Caponapoli, réalisée entre 1517 et 1524 comme lieu de sépulture de Giovannello de Cuncto et de son épouse Lucrezia Filangieri di Candida, sont les œuvres les plus abouties de l’atelier de Giovan Tommaso. Dans cette dernière œuvre, Malvito réalise aussi bien les sépulcres des défunts que l’appareil architectural de la chapelle dans les formes les plus accomplies du langage renaissance classique.
Les sculpteurs locaux doivent être insérés dans le sillon de la culture lombarde-napolitaine. Une des caractéristiques de leur langage est de réussir à hybrider des techniques sculpturales et des langages expressifs complètement différents. La sculpture en terre cuite, arrivée en ville avec Guido Mazzoni à la fin du XVe siècle, devient immédiatement l’objet d’attention de mécènes et d’artistes qui comprennent les potentialités de la terre cuite dans le domaine sculptural. Domenico Napoletano est l’un des sculpteurs les plus habiles à modeler ce matériau, artiste peu étudié de l’historiographie de l’art napolitain, à cheval entre le XVe et le XVIe siècle. L’autel de San Rocco à San Lorenzo Maggiore, œuvre entièrement en terre cuite présentant des caractéristiques typiques du langage lombard de la fin du XVe siècle, est d’attribution douteuse. Son aspect dénote la formation du sculpteur auprès des ateliers lombards présents en ville ou tout au plus une influence indirecte de ces ateliers, qui ont favorisé l’absorption des modèles de composition.
L’œuvre la plus importante, attribuée avec certitude, est la Cona dei Lanii, réalisée à partir de 1508 et achevée en 1517. L’œuvre fut voulue par la corporation des Lanii, c’est-à-dire des bouchers, pour leur chapelle de l'église Sant'Eligio Maggiore. Elle est conservée au musée San Martino. La sculpture, dans ses lignes générales, souffre encore de l’influence lombarde ; l’appareil architectural rappelle beaucoup les cadres et les portes réalisées par l’atelier des Malvito. Les différents éléments ornementaux, qui composent les scènes présentes dans la composition, présentent des traits plus mûrs et proches des productions romaines contemporaines dans le domaine sculptural et pictural. La Vierge à l’Enfant présente des influences raphaéliques[42], ce qui révèle une capacité du sculpteur parthénopéen à intégrer le changement des langages en cours.
Sculpture sur bois
[modifier | modifier le code]Fra Giovanni da Verona des l'ordre du Mont-Olivet réalise en 1506 les stalles en bois pour la Cappella Tolosa, plus tard réadaptés dans la sacristie de l'église Sainte-Anne-des-Lombards. L’expertise de da Verona dans l’exécution de perspectives délicates avec les différentes essences de bois, donnant un sens pictural à la composition, est une indication du degré élevé atteint pendant la Renaissance italienne de la maîtrise des techniques et des théories mises au point un siècle plus tôt.
Girolamo Santacroce
[modifier | modifier le code]Le sculpteur napolitain Girolamo Santacroce est caractéristique d'une troisième voie de la sculpture napolitaine. Appartenant au groupe des artistes qui gravitent autour de la figure de Giovanni da Nola, il sait de manière originale, interpréter et synthétiser les influences de la sculpture contemporaine qui est réalisée dans les autres cours italiennes, en particulier florentines et papale, grâce aux voyages et à la fréquentation d’artistes provenant de la ville éternelle, opérationnels à Naples dans les trois premières décennies du siècle.
Girolamo Santacroce vient d’une famille d’orfèvres et fut lui-même éduqué à l’art de l’orfèvrerie. Comme Giovanni da Nola, il se convertit à la sculpture du marbre lors des travaux d’ornementation de la chapelle Caracciolo de Vico dans l’église San Giovanni a Carbonara où il réalise la Statue de San Giovanni Battista. Il y met en évidence son talent artistique précoce pour définir la texture superficielle du marbre avec une sensibilité et un réalisme particuliers[43].
Vers 1520, il exécute l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture napolitaine du XVIe siècle, le Retable de la Madonna delle Grazie dans l'église Sant'Agnello Maggiore. Il est probable que le sculpteur a été inspiré par La Vierge de Foligno de Raphaël, datée environ une décennie auparavant, pour réaliser cette ancône de marbre. Son aspect est le fruit de la réélaboration de modèles formels issus de la fréquentation de Bartolomé Ordóñez et Diego de Siloé, sur la base d’une syntaxe raphaélique[43].
Entre 1521 et 1522, il séjourne à Carrare avec Giovan Giacomo da Brescia pour terminer les œuvres laissées inachevées par de Siloé. A son retour, il exécute un autre chef-d’œuvre de la sculpture napolitaine de la première moitié du siècle, l’Altare del Pezzo dans l’église Sainte-Anne-des-Lombards. Dans cette œuvre, il adapte des schémas de composition tirés de la sculpture funéraire d’Andrea Sansovino, en particulier dans les monuments funéraires des cardinaux Ascanio Sforza et Girolamo Basso della Rovere dans l'église Santa Maria del Popolo à Rome.
La maturité de la composition atteinte par Santacroce dans l’exécution de tondo et dans la réalisation d’œuvres sculpturales complexes comme des ancônes et des autels font l’objet d’une profonde admiration de la part de Giorgio Vasari qui l’inclut dans ses Vies.
Avec la sculpture de Giovanni da Nola et de Girolamo Santacroce, il est possible de définir une école de sculpture napolitaine pleinement accomplie et caractérisée par des personnages originaux capables de disputer une position clé au sein des flux artistiques de la vice-capitale et à l’intérieur du Royaume constamment sapés par l’appel d’artistes étrangers. Ces personnalités autochtones sont en mesure d’absorber les influences extérieures pour stimuler leur renouvellement et en même temps pour créer un lien avec la tradition qui s’est consolidée au début du XVIe siècle. Ces nouveaux artistes donnent ainsi vie à la sculpture de maniera napoletana.
Naples, carrefour de la Renaissance en Méditerranée
[modifier | modifier le code]La Naples de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle s’affirme comme un important carrefour commercial avec les états européens de la Méditerranée occidentale, privilégiant le canal espagnol. L’Espagne, en outre, est très bien insérée dans la société italienne, en particulier à Rome où les Borgia s’installent à partir du milieu du XVe siècle avec le pape Calixte III. La présence de nobles espagnols dans le Royaume de Naples et dans les États pontificaux est un vecteur pour d'échanges culturels continus et constants. En 1548, le peintre et théoricien portugais Francisco de Holanda rédige dans ses Diálogos de Roma la liste des principaux artistes européens de son époque, citant les sculpteurs et Diego de Siloé ainsi que les deux peintres Alonso Berruguete et Pedro Machuca[44]. Les quatre artistes sont plus tard les principaux ambassadeurs du classicisme italien en Espagne.
Peu d'informations existent sur la formation espagnole de Bartolomé Ordóñez et de Siloé, tous deux originaires de Burgos. Ils quittent leur patrie pour s’installer en Italie au début du XVIe siècle, et, avant de s’installer à Naples, ils séjournèrent certainement à Florence et à Rome où ils entrent en contact avec la sculpture de l’époque. Dans leur jeunesse, une partie fondamentale de leur activité, qui est très intense et qui dure un peu plus d’une décennie, se passe à Naples. Ordóñez part pour Carrare vers la fin des années 1510 et meurt prématurément en 1520 ; de Siloe part pour l’Espagne en 1519, et devient la principale référence de la sculpture et de l’architecture à l’italienne sous l’empire de Charles Quint dans son pays natal.
L’œuvre des deux Espagnols à Naples est rappelée quelques décennies plus tard par Giorgio Vasari lorsqu'il séjourne dans la ville en 1545 et visite l' église San Giovanni a Carbonara, en particulier dans la chapelle Caracciolo de Vico où il découvre le travail le plus important d’Ordóñez, le tableau de marbre avec l’Adoration des Mages. Vasari transcrit déjà le souvenir de cette visite dans la première édition des Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes en 1550[44]. Le témoignage de Vasari s’arrête à la seule citation de la nationalité d'Ordóñez sans approfondir plus amplement l’attribution complète de l’œuvre. Au XVIIe siècle, l’écrivain Cesare D’Engenio, dans son Napoli Sacra, l’identifie comme Pietro di Piata[45], un sculpteur dont il reste quelques attestations documentées mais difficile à situer dans les années où Ordóñez est opérationnel ; D’Engenio spécifie que cette figure apparait vers 1530, environ dix ans après la mort du sculpteur de Burgos. Des archives éparpillées entre l’Italie et l’Espagne ont permis de reconstituer le parcours d’Ordóñez dans son activité de sculpteur et d’entrepreneur dans les carrières de la Lunigiana. Le séjour napolitain d’Ordóñez date du milieu des années 1510, sans datation précise. Naples, entre-temps, se modernise avec les nouvelles tendances de la Florence post-médicéenne et de la Rome de Jules II. Le tableau commandé à Raphaël par Girolamo del Doce pour sa chapelle de San Domenico Maggiore, La Vierge au poisson, date de ces années, source d’inspiration pour de nombreux artistes qui commencent à adopter la maniera moderna. Les deux Espagnols résidant dans la ville étudient aussi la composition raphaëlienne du tableau.
Les travaux relatifs à la première phase de la décoration de la chapelle Caracciolo de Vico de l'église San Giovanni a Carbonara remontent au milieu des années 1510, le portail d’accès aux années 1415-1515, pour lesquels Ordóñez collabore avec Diego de Siloé. Le travail du second est bien comparable dans les décorations du portail d’accès en ordre dorique avec la Vierge à l’Enfant dans la petite église Santa Maria Assunta dei Pignatelli dont la paternité n’est pas encore tout à fait certaine, mais certains chercheurs, en comparant les dates et les événements du début du siècle, attribuent l’œuvre à de Siloe, également sur la base de sculptures réalisées avant le séjour napolitain du sculpteur et d’œuvres mineures réalisées dans la ville où se trouvent des traits plus ou moins accentués de son mode opératoire. À la lumière des considérations de Giovanni Pontano sur le thème de la magnificence, liée à la qualité exécutive de l’œuvre et à l’excellence de la matière travaillée, Galeazzo Caracciolo, commanditaire de la chapelle, confie la réalisation de l’autel principal aux deux sculpteurs espagnols aidés, entre autres, par un très jeune Jérôme Santacroce[46].
Le retable en marbre au centre de la composition est l’élément central de l’autel qui, entre autres, suit les préceptes, toujours filtrés par l’esprit de Giovanni Pontano, ami intime du mécène commanditaire de l’œuvre, de Leon Battista Alberti où, dans son De re aedificatria, il conseille de préférer la sculpture ornée, plutôt que la peinture, aux murs des temples. Contrairement aux retables réalisés par Maiano et Rossellino à Monteoliveto, dans l’ancône de San Giovanni a Carbonara, le sentiment de continuité de l’élément sculptural avec le cadre architectural classique dans un unicum d’une rare compacité est mis en évidence. Le tableau central avec l’Adoration des mages d'Ordóñez fait, dans sa composition, référence à Léonard de Vinci dans son Adoration des mages et à celle de Filippino Lippi ; le sculpteur espagnol sait parfaitement saisir et synthétiser des modèles et des références contemporains et les réinterpréter selon une vision personnelle[47]. Parmi les sculptures rondes qui entourent le retable, le Saint Sébastien mourant de De Siloé laisse entrevoir de claires références à L'Esclave mourant du jeune Michel-Ange réalisé presque en même temps que les sculptures de la chapelle Caracciolo et à la tête de l’Alexandre mourant du Ier siècle av. J.-C. actuellement au musée des Offices.
L'œuvre majeure d'Ordóñez est le Saint Matthieu et l’Ange dans l’église San Pietro Martire ; la sculpture de 130 cm de haut devait être placée dans un espace dédié. Le sculpteur représente le saint dans une attitude dynamique, typique des inventions figuratives contemporaines de Michel-Ange dans la figure de la Vierge du Tondo Doni[48], comparable à la torsion de la main de l’ange qui tient le livre. Un autre modèle de référence pourrait également être le Sacrifice d’Isaac de Donatello[48] et la figure de Pythagore dans L'École d'Athènes de Raphaël dans l’expression détendue du saint en train d’écrire. Avec cette œuvre, riche de références à Raphaël, Michel-Ange et Donatello, Ordóñez est en mesure de pousser la statuaire napolitaine au tournant du siècle au-delà des formalismes du XVe siècle, ouvrant la voie à Girolamo Santacroce et Giovanni da Nola.
Le Tombeau d’Andrea Bonifacio, réalisée entre 1515 et 1520, constitue l’un des plus hauts sommets poétiques de la sculpture d’Ordóñez. À l’origine il est installé dans l’église inférieure dei Santi Severino e Sossio et à la fin du même siècle déplacé, avec le tombeau du Cicaro de Ferrucci, dans l’espace en face de la chapelle Médicis destiné à la sacristie. La sculpture d’Ordóñez, peu après les réalisations de la chapelle Caracciolo de Vico, montre la capacité inventive de l’artiste à réinterpréter le thème de la sépulture en concevant un schéma libre de la structure de l’arcosolium qui, jusqu’alors, est encore en vogue dans les sépultures nobiliaires. La proximité avec les modèles de Michel-Ange, en particulier les solutions ornementales du Tombeau de Jules II, laissent supposer que le sculpteur espagnol a fréquenté Buonarroti en personne ou qu’il a connu les projets du Toscan. La présence de citations d’autres œuvres, en particulier celles de Sandro Botticelli, le défunt étant représenté dans la même position que Mars dans Vénus et Mars[49], et des rappels de poses de sujets des Chambres de Raphaël, relient encore une fois le sculpteur à influence de l'Italie centrale et aux résultats innovants de la maniera moderna dans le domaine plastique, en liaison avec les recherches anti-classiques de Rosso Fiorentino et de Pontormo[50].
Peinture au XVIe siècle
[modifier | modifier le code]Vers la maniera moderna
[modifier | modifier le code]Au tournant des deux siècles, contrairement à l'architecture et à la sculpture qui ont déjà formé des écoles autochtones de grande épaisseur artistique, la peinture reste encore liée à des personnalités étrangères. En outre, la caractéristique la plus marquée de cet art est celle de se répandre davantage dans les provinces du Royaume, à la différence de l’architecture et de la sculpture, qui, considérées plus nobles, se concentrent inévitablement, dans la capitale et dans les centres les plus proches. Les apports vénitiano-lombards de Cristoforo Scacco di Verona et d’Antonio Solario dit le Zingaro, ou ceux ombro-romains d’Antoniazzo Romano demeurent importants avant l’avancée de la culture raphaëlesque dans ses différentes acceptions, y compris celle d'origine ibérique, finissant par les reléguer, encore vivants mais désormais irrémédiablement surannés, dans les zones périphériques du royaume[51].
Le filon ombro-romain est celui qui trouve le plus grand prosélytisme jusqu’aux vingt premières années du XVIe siècle chez des artistes locaux comme Cristoforo Faffeo, Francesco Cicino et Stefano Sparano, tous deux originaires de Caiazzo en Terre de Labour, Francesco da Tolentino, Giovanni Luce et Alessandro Buono. S’ajoute également d’importantes commandes d’œuvres des deux chefs d’école de ce courant figuratif[51], Le Pérugin et Pinturicchio, qui réalisent deux Assomption de la Vierge, le premier sur commande du cardinal Oliviero Carafa pour la cathédrale de Naples et le second sur commande de Paolo Tolosa, riche marchand catalan. Ces ouvrages permettent aux artistes locaux de découvrir les nouveautés ombriennes et florentines[50].
Cristoforo Faffeo est l’interprète le plus valable du travail d’Antonio Solario, son style demeurant personnel et synthétique, en mesure d’incorporer des éléments ibériques introduits par des peintres comme Francesco Pagano et Paolo da San Leocadio. Le caïatin Francesco Cicino, lui aussi diffuseur des modes d’Antonio Solario, réalise des œuvres dans lesquelles il s’écarte de Faffeo pour embrasser une composition tendanciellement plus classique. Stefano Sparano, dont les archives sont documentées, est un peintre déjà confirmé par des commandes prestigieuses comme le polyptyque de la chapelle Xerxèle dans la cathédrale de Sorrente, daté de 1509 et perdu plus tard, le Diptyque avec saint Augustin et saint Jean l’Évangéliste dans l’église San Michele Arcangelo à Padula, à l’origine pour l’église Saint-Augustin, et la Vierge à l’Enfant entre les saints François et Jean-Baptiste pour l’église Saint-Antoine à Portici[52].
Francesco da Tolentino est inconnu avant son arrivée au Royaume de Naples, mais on peut imaginer de ses inspirations du Pérugin, qu'il s'est également formé dans les Marches. Le parcours du peintre est très symptomatique de la dynamique, des alternatives et des opportunités de travail qui caractérisent sa production comme celle d’autres peintres de culture du centre de la péninsule, touchés marginalement par l’affirmation de la maniera moderna raphaëlesque. Il travaille d'abord à Naples, puis se déplace de plus en plus à l’intérieur, dans les villes de Nola, Liveri et Palma Campania, et plus encore à Lucania et dans les Pouilles où on retrouve des œuvres datant des années 1530 à Serracapriola. Sa production a un long d’un parcours stylistique aux caractéristiques uniques, sans renouvellement, et donc de plus en plus stéréotypée, et avec des oscillations inévitables, selon l’importance de la commande. Giovanni Luce d’Eboli est originaire de Salerne ; son œuvre au langage ombrien et des Marches se diffuse principalement entre la principauté de Salerne et la Lucanie. Son ouvrage documenté le plus représentatif, mais désormais perdu, est la décoration à fresque des pièces du palais Sanseverino à Naples[53].
Le peintre le plus intéressant de ce cercle est sans aucun doute Alessandro Buono, fils du peintre Pietro Buono. Sa capacité à synthétiser, au tournant du XVe siècle, la culture figurative paternelle, caractérisée par le goût ibérique, s’accompagne désormais des suggestions de Cristoforo Scacco di Verona, Pinturicchio et du premier Raphaël[54]. Autour de 1510, Antonio Rimpatta, autre artiste originaire du centre de l'Italie, réalise le Retable avec la Vierge et des saints pour la basilique San Pietro ad Aram.
Le Zingaro est la figure la plus importante et aussi la plus représentative de l’école lombardo-vénitienne. Son œuvre la plus importante laissée à Naples est le cycle des fresques des Histoires de Saint Benoît dans les cloîtres dei Santi Severino et Sossio, aujourd’hui siège des Archives d’État. La datation du travail est le fruit d’hypothèses non accréditées par des sources certaines, car les informations sur le peintre, après son séjour dans les Marches entre 1502 et 1506, sont manquantes. Ses influences sont débitrices de ce séjour en ce qui concerne le figure humaine avec des références claires, comme l’affirme Fausto Nicolini, au Pérugin et au Pinturicchio, tandis que transparaissent des origines vénitiennes dans le traitement des paysages et des scènes architecturales qui rappellent les manières de Mauro Codussi à Venise. Les manières des Marches peuvent également être retrouvées dans des œuvres mineures disséminées dans le royaume comme une Vierge à l’Enfant commanditée et conservée à Naples, le Saint François d’Assise conservé au musée provincial campanien de Capoue et la Vierge à l’Enfant et des saints à Atri, dans la province de Teramo.
Entre-temps, des artistes plus à jour du courant romain commencent à s'installer à partir de la dernière décennie du XVe siècle. Le séjour de Polidoro da Caravaggio est significatif qui introduit dans les années 1520, le langage de Raphaël et Michel-Ange auprès des cours nobiliaires de la ville. Présent à Naples en 1524, puis en 1527, il livre une version expressive et charnelle de la manière romaine de Raphaël, à la limite de la caricature[50]. Si les sujets, dans la plus classique tradition de la Renaissance, sont tirés de la mythologie romaine, Polidoro est aussi un peintre prolifique de thèmes sacrés. Dans les scènes de caractère religieux, une vision plus naturaliste de la peinture transparaît, en se rapprochant peut-être de la vision vénitienne de Giorgione et de l’école du tonalisme, comme le montre bien Le Transport du Christ au tombeau réalisé lors de son deuxième séjour napolitain, entre 1524 et 1527.
L’arrivée en 1512, du retable de La Vierge au poisson de Raphaël à San Domenico Maggiore est un autre facteur qui introduit le goût de la maniera moderna et marque le début d'une période raphaélesque dans le Mezzogiorno[50]. Les nouveautés introduites par Raphaël sont remarquables et ouvrent des perspectives aux artistes locaux plus jeunes qui donnent naissance à la peinture maniériste napolitaine du XVIe siècle.
Andrea Sabatini da Salerno et Marco Cardisco dit Marco Calabrese
[modifier | modifier le code]Andrea Sabatini, dit Andrea da Salerno, est considéré comme le principal peintre du royaume de Naples du début du XVIe siècle et un rénovateur de la peinture méridionale au sens moderne et raphaélique[55]. Dans le triptyque peint en 1508 pour l’église de Teggiano, il n’y a pas de suggestions raphaëlesques mais des échos plus archaïques, dans le sillage de la tradition ombrienne du Pérugin. Dans les années suivantes, l’œuvre de Teggiano a des interactions avec le langage de Cesare da Sesto qui, à cette époque, séjourne à Naples pour la réalisation, en 1515, du polyptyque destiné à l’abbaye territoriale de la Très-Sainte-Trinité de Cava. L’influence du peintre lombard, formé dans l’atelier de Raphaël, est son premier contact avec la Maniera moderna. Dans sa recherche stylistique, Andrea Sabatini effectue quelques voyages, probablement à Florence pour connaître de près les résultats de la peinture contemporaine post-Médicis ; entre 1514 et 1516, il peint deux tableaux pour l’abbaye du Mont-Cassin dont le langage est sensible aux influences de Ridolfo del Ghirlandaio. Pour parvenir à une maturation au sein du langage de Raphaël, il effectue probablement un dernier voyage[56], cette fois à Rome, sûrement avant 1519, la date à laquelle il peint un triptyque pour l’église San Francesco à Nocera Inferiore et dans lequel sont mises en évidence pour la première fois des influences raphaéliques pleinement accomplies[57].
L’influence de Sabatini sur la production picturale des quarante premières années du XVIe siècle est significative dans la formation de peintres locaux d’une importance significative pour le développement de la culture maniériste au milieu du XVIe siècle, comme Giovanni Filippo Criscuolo, dont la formation a lieu également sous la direction de Perin del Vaga à Rome, et dont les œuvres en pleine adhésion au raffaellisme des loges du Vatican, sont conservées au musée de Capodimonte. Son beau-frère Severo Ierace est l’autre artiste éduqué au goût de Raphaël par Sabatini, dont les œuvres sont en grande partie conservées à la pinacothèque provinciale de Salerne.
La formation picturale de Marco Cardisco a eu lieu en Calabre, sa terre d’origine, mais il doit être associé à la figure d’Andrea Sabatini, son contemporain, dont il subit l’influence. Le peintre calabrais, le seul mentionné dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari, est celui le plus influencé par la culture de Polidoro da Caravaggio dont le style s’entrevoit déjà dans L’Adoration des Mages de 1519.
Vers le maniérisme
[modifier | modifier le code]Deuxième quart du XVIe siècle
[modifier | modifier le code]Ferdinando Manlio construit la basilique de la Sainte Annonciation Majeure et, avec Giovanni Benincasa, réalise la transformation du château de Castel Capuano. Les deux architectes réalisent également le plan d'urbanisme de la Via Toledo et des quartiers espagnols, commandé par le vice-roi Pedro de Toledo, qui permet l'expansion de la ville vers la colline de Vomero. Après la contre-réforme, des bâtiments religieux sont construits avec une seule nef et sans transepts saillants, en prenant l'église Santa Caterina comme modèle.
Giorgio Vasari arrive à Naples à l'automne 1544, décidé à unifierles langages de la peinture et de la culture suivant des critères pouvant être qualifiés de « consensuels ». Il normalise le style irréaliste qui a fait la renommée de Polidoro à Naples, convaincu qu'avant lui aucun peintre digne de ce nom n'a jamais travaillé dans la ville, forçant délibérément le trait, mais apportant certains aspects du maniérisme international[50].
Cinquante dernières années du XVIe siècle
[modifier | modifier le code]Après 1550 l'architecture purement Renaissance tombe en désuétude avec l'avènement du maniérisme. Cependant, les chantiers de construction des bâtiments de la vieille ville commencés au cours des cinquante dernières années se poursuivent, comme l'église du Gesù delle Monache, dont la façade rappelle un arc de triomphe. Dans cette période, l'utilisation de décorations en marbre blanc en contraste avec le piperno se développe dans la construction civile.
Vers la fin du siècle, l'architecture s'enrichit d'influences classiques apportées par les architectes Domenico Fontana, Giovanni Antonio Dosio et Giovan Battista Cavagna. Le remaniement de l'église de Santa Maria la Nova sur la base d'un projet de Giovanni Cola di Franco peut être considéré comme le dernier chantier de la Renaissance à Naples.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « Rinascimento napoletano » (voir la liste des auteurs).
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