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Simon de Trente

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Simon de Trente
Simon de Trente (dit "saint Simon"), peinture d'Altobello Melone v. 1521, collection du château du Bon-Conseil,
Trente, Italie.
Biographie
Naissance
Décès
Autres informations
Fête

L'affaire Simon de Trente se déroule au XVe siècle dans la ville de Trente, alors dépendante du duc du Tyrol (et située aujourd'hui en Italie). Un enfant de deux ans, Simon Unverdorben, disparaît dans des conditions mystérieuses aux alentours de la Pâque juive de 1475, ce qui donne lieu à l'un des procès les plus connus pour accusation de meurtre rituel contre les Juifs à la fin du Moyen Âge ainsi qu'à la persécution de la communauté juive de la ville et quinze exécutions.

Le contexte

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La disparition de Simon Unverdorben, connu également sous le nom de Siméon, Simonin ou Simonet, déclencha une accusation fallacieuse de crime rituel. Ces accusations se multiplièrent à travers l'Europe pendant près de cinq siècles. Peu de temps avant la disparition de l'enfant, Bernardin de Feltre, prêcheur franciscain itinérant qui parcourait l'Italie et le Tyrol en réclamant l'expulsion des Juifs, avait prononcé à Trente une série de sermons antisémites[1],[2].

Le , un enfant de deux ans, Simon, disparaît. Immédiatement, la petite communauté juive de Trente est suspectée[3]. L'après-midi même, le père de Simon signale au podestat de la ville une rumeur qui accuse les Juifs d'enlever et de tuer des enfants chrétiens[4]. Selon lui, ils avaient vidé l'enfant de son sang pour l'utiliser dans la cuisson de leurs matzot de la Pâque, et pour des rituels occultes auxquels ils se livraient secrètement. Le , le corps sans vie de l'enfant est retrouvé dans un canal sous la maison du Juif Samuel. Huit Juifs sont immédiatement arrêtés, 10 le lendemain.

Accusation de meurtre rituel

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Les chefs de la communauté juive sont arrêtés et soumis à la question, c'est-à-dire à la torture. Samuel, un préteur sur gage, un des hommes les plus en vue de la petite communauté de Trente (environ 30 personnes), est particulièrement suspecté, car le canal où a été retrouvé le corps de jeune garçon passe sous sa maison. Il commence par protester de l'innocence de la communauté, en demandant à ses bourreaux : « Où avez-vous appris que le sang des chrétiens fait du bien et apporte du bien-être ? » mais soumis à des formes toujours plus cruelles de torture, il finit par avouer tout ce qu'on lui demande de répéter. Ses aveux, empreints des préjugés chrétiens envers les Juifs, confirment pour les historiens d'aujourd'hui, la preuve de son innocence. Il raconte en effet que les sages de Babylone avaient autrefois délibéré que « le sang d'un enfant chrétien tué de la sorte [c'est-à-dire lors de Pessah] serait profitable au salut de l'âme ». Cette phrase qui fait l'analogie entre le sacrifice d'un jeune enfant et la passion du Christ semble tout à fait improbable dans la bouche d'un juif. Bonaventura de Mohar, un des autres accusés juifs, commence par dire sous la torture « ne pas savoir ce qu'il doit dire » avant de relater de manière fort détaillée, sous la torture toujours plus insistante, tout ce qu'on lui demande de dire[4].

Pour étayer leurs accusations, les juges de la ville interrogent un juif converti, Giovani da Feltre, alors emprisonné pour des raisons inconnues. Celui-ci, soucieux d'obtenir les bonnes grâces de ses juges, leur donne le récit détaillé d'une crime rituel auquel son père aurait participé 40 ans plus tôt en Bavière. Il raconte que les Juifs ont l'habitude d'utiliser du sang chrétien aussi bien lors de la Pâque que le lendemain, le mélangeant aussi à du vin[5].

Un premier procès se tient du 28 mars au . Il aboutit à l'exécution de neuf juifs : sept sont brûlés et deux décapités parce qu'ils s'étaient convertis au christianisme. Le second procès, entre et janvier 1476, aboutit à l'exécution de 5 autres Juifs. Le pape Sixte IV est averti du procès par le duc du Tyrol, lui-même alerté par des notables juifs. Il envoie un commissaire apostolique chargé d'enquêter sur la légitimité des procédures suivies. Ce dernier écrit un rapport accablant pour les juges de Trente. Mais comme l'évêque de la ville a de nombreux appuis dans la curie romaine, le rapport n'est pas pris en compte[6].

Le culte de Simon de Trente (1588-1965)

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Sans attendre les résultats du procès, les habitants de Trente se mettent en quête de preuves de la sainteté du petit Simon. Le premier miracle est enregistré le , preuve aux yeux des croyants locaux que l'enfant est bien un martyr, alors que les premiers aveux ne sont extorqués aux suppliciés qu'à partir du 7 avril[4]. Plus de cent miracles furent directement attribués au « petit saint Simon » dans l’année qui suivit sa disparition.

Le culte du jeune Simon de Trente se propagea à travers l'Italie et l'Allemagne et fut confirmé (ce qui équivaut à une béatification) en 1588 par le pape Sixte-Quint, qui le proclame martyr et saint patron des victimes enlevées et torturées. [réf. nécessaire] Toutefois, il est faux d'affirmer qu'il a été canonisé ; le Pape Benoît XIV affirme d'ailleurs, au paragraphe 22 de sa bulle Beatus Andreas : "En ce qui concerne le Bienheureux Simon, bien que béatifié devant le Bienheureux André, il n'y a personne qui parle de le canoniser."[7],[8]

Disparition du culte en 1965

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Le culte de Simon a été confirmé par les papes pour l'observance liturgique publique locale (« béatification ») dans le diocèse de Trente[9]. Le Pape Benoît XIV (1740-1758) déclare la même chose, dans sa lettre apostolique du adressée au Père Benedetto Vetrani, promoteur de la foi[7],[8].

« Il est tout simplement faux de dire que l'Église a canonisé le petit Simon de Trente. Un décret de béatification fut publié par Sixte V, qui prit simplement la forme d'une confirmation de culte et qui permit de dire une messe localement en l'honneur du garçon martyr. Tout le monde sait que la béatification diffère de la canonisation, en cela que dans le premier cas l'infaillibilité du Saint-Siège n'est pas impliquée, dans le second elle l'est. »[10]

Le pape Paul VI a retiré Simon du martyrologe romain en 1965. « Simon de Trente n'est pas dans le nouveau martyrologe romain de 2000, ni sur aucun calendrier catholique moderne. »[9]

En 2001, les autorités locales de la Province autonome de Trente organisèrent une prière commune des catholiques et des juifs à l'emplacement de l'ancienne synagogue juive du palais Salvadori, en signe de réconciliation entre la ville et la communauté juive.

L'affaire Ariel Toaff

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Ex voto, fresque, fin du XVe siècle, église de Santa Maria Annunciata, Bienno (BS), Italie

En février 2007, le professeur et chercheur israélien Ariel Toaff publie un livre dont le titre est Pasque di sangue : Ebrei d'Europa e omicidi rituali (Pâques sanglantes : Juifs d'Europe et meurtres rituels). Dans ce livre, il avance la thèse que la communauté juive de Trente aurait pu commettre le crime rituel dont elle était accusée, revenant ainsi sur les conclusions de tous les historiens du XXe siècle pour qui les meurtres rituels attribués aux Juifs étaient sans fondement. Toaff ne pense pas que le crime rituel ait été une pratique généralisée, mais il estime que certaines communautés ashkénazes, hantées par le souvenir des massacres lors des croisades et de la peste noire, auraient pu pratiquer ce genre de crime comme une vengeance antichrétienne au moment de la Pâque[11]. Le témoignage de Giovani da Feltre, le procès pour meurtre rituel à Endingen en Alsace en 1470, sont pour lui des indices concordants[5].

Ariel Toaff considère que les aveux, même extorqués sous la torture, peuvent recéler une part de vérité. Celle-ci est mesurable dans l'écart entre les attentes du juge et les réponses des suppliciés. Or, le texte du procès des premiers condamnés du procès de Trente dont les chercheurs peuvent disposer, est composé de copies de l'original, 12 fascicules dont on ne connait pas l'ordre chronologique et dont sont absentes les questions des juges. Il est donc impossible d'en restituer le déroulement et le jeu des questions réponses[6]. Ainsi, le fait que les accusations de meurtres rituels soient fréquentes lorsqu'un enfant était tué, ne prouve en rien qu'elles soient vraies.

Ariel Toaff affirme aussi que les procédures judiciaires de la ville qui autorisaient la torture en présence d'indices graves et fondés, ont été respectées. Cependant, l'arrestation des Juifs de Trente repose uniquement sur la croyance en la pratique de crimes rituels par les Juifs, sans aucun indice. De plus, il semble fort improbable qu'une petite communauté (à peine trente personnes) ait pu ainsi se mettre en danger et ait été à ce point inconséquente qu'elle eut dissimulé le cadavre de l'enfant sous une de ses habitations. le commissaire apostolique envoyé à l'époque fit déjà la même remarque dans son rapport[4].

Le livre soulève un grand émoi aussi bien dans le monde des historiens que dans la communauté juive. Les rabbins jugent délirante l’idée que des Juifs aient ainsi usé du sang pour des cérémonies rituelles, pratique condamnée par la Torah. La première édition tirée à 1 500 exemplaires est épuisée en une semaine grâce à la publicité faite par la polémique. L’auteur, très affecté par l’ampleur prise par cette affaire, demande à son éditeur de ne pas procéder à une réimpression. En , une nouvelle version de son ouvrage est enfin disponible. Dans certaines parties, le conditionnel remplace l'indicatif ; certaines pages sont purement et simplement supprimées. Dans la postface, l'auteur affirme que « L'homicide rituel est et demeure un stéréotype relevant de la calomnie »[12].

Galerie d'images

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Notes et références

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  1. Bernard Lazare, L'Antisémitisme, son histoire et ses causes, 1894.
  2. (en) Sol Scharfstein et Dorcas Gelabert, Understanding Jewish History, Hoboken, Ktav, , 168 p., poche (ISBN 978-0-88125-545-4, LCCN 96011250), p. 149
  3. Giovanni Miccoli, Contre-enquête sur les meurtres rituels des Juifs, L'Histoire n°334, septembre 2008, p. 11
  4. a b c et d Giovanni Miccoli, p. 13
  5. a et b Giovanni Miccoli, p. 14
  6. a et b Giovanni Miccoli, p. 11
  7. a et b (la) Benedictus XIV, Sanctissimi domini nostri Benedicti papae XIV. Bullarium. Tomus primus decimus Tomus octavus, in quo continentur constitutiones, epistolae, aliaque edita ab initio pontificatus usque ad annum 1755, sumptibus Bartholomaei Occhi, (lire en ligne), « Beatus Andres de Pago », p. 234
  8. a et b Pope Benedict XIV, Apostolic Letter to Fr. Benedetto Veterani, Promoter of Faith, 22 February 1755, pp. 144-162, in Bullarium – via Google Books.
  9. a et b Jeanette Kohl, « A Murder, a Mummy, and a Bust: The Newly Discovered Portrait of Simon of Trent at the Getty », Getty Research Institute, Gail Feigenbaum, no 10,‎ , p. 37-60 (ISBN 978-1-60606-571-6, DOI 10.1086/697383, lire en ligne)
  10. The Month, vol. CXXIII, Longmans, Green, and Co., (lire en ligne), p. 78
  11. Giovanni Miccoli, p. 8
  12. Giovanni Miccoli, p. 10

Bibliographie

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Articles connexes

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