Chronique de la quinzaine - 31 octobre 1834
31 octobre 1834
Il était facile de prévoir, et nous avions dès long-temps prévu, la retraite du maréchal Gérard. Son passage au ministère n’est pas un des faits les moins caractéristiques de notre époque, où toutes les pensées honnêtes et nobles semblent frappées d’une mortelle impuissance. Les deux questions qui avaient occupé presque uniquement le maréchal durant sa courte présidence, la réforme des abus et l’amnistie, ne seront pas encore cette fois vidées. La retraite de M. Gérard est significative ; elle veut dire que les pots-de-vin, les marchés scandaleux, les spéculations illicites et les manœuvres du télégraphe seront maintenus comme par le passé ; qu’on restera violent, persécuteur et inexorable envers les opinions vaincues ; que le ministère actuel continuera de satisfaire toutes ses passions d’avidité et de vengeance ; en un mot, qu’il se croit encore assez fort pour braver l’indignation générale excitée par ses actes, et mépriser l’opinion.
Une bande d’écoliers, qui a vu s’éloigner son maître, n’est pas plus joyeuse que ne l’est le ministère depuis que la démission du maréchal Gérard a été acceptée. Ce n’est pas que le maréchal fût un président du conseil bien altier et bien incommode ; mais il voulait les réformes et l’amnistie, et vouloir ces deux choses avec quelque ténacité et quelque suite, c’est déclarer la guerre à M. de Rigny et à M. Thiers, à M. Persil et à M. Guizot. M. Persil avait annoncé qu’il déposerait sa démission sur la table du conseil, si l’amnistie était adoptée ; M. Gérard a cédé la place à M. Persil. Cedant arma togœ ; le sabre du soldat est moins tranchant et moins acéré que la plume du robin.
Cependant ce ministère, qui a perdu toute sa consistance morale dans la personne du maréchal Gérard, ne devrait pas se dissimuler qu’il est complètement disloqué. Ne lui a-t-il pas fallu faire publier par le Moniteur la retraite du président du conseil, sans pouvoir en présenter aussitôt un autre ? Tous les courriers qu’on a expédiés, revenus avec des lettres de refus, et le fauteuil du président resté vacant pendant plusieurs jours, indiquent assez quelle terrible responsabilité aurait à prendre celui qui voudrait le remplir. À l’heure où nous écrivons, rien n’est encore conclu. On parle à la fois du maréchal Lobau, du maréchal Maison, du maréchal Molitor, de M. Molé et de M. de Broglie : nous ne savons qui occupera cette triste place, encore baignée des sueurs du malheureux maréchal, qui l’abandonne après tant d’inutiles efforts ; mais quiconque la prendra sans avoir déjà compromis une réputation de probité et de droiture, sans avoir été signalé comme un homme impitoyable, aveugle et cruel, fera un grand acte de courage. Assurément, ce que n’a pu faire le maréchal Gérard, son successeur ne parviendra pas à l’effectuer. Le bourbier des marchés secrets et des manœuvres de bourse ne se fermera pas sous ses pieds ; il faudra bien, volontairement ou non, qu’il s’y plonge, ou du moins qu’il ferme les yeux pour ne pas voir ses collègues s’y vautrer à plaisir. Les cachots ne s’ouvriront pas non plus à sa voix, il ne peut l’espérer, puisque toutes les sollicitations du maréchal n’ont pu arracher un seul détenu de sa prison. Il sera donc président du conseil à bon escient, sans espoir de faire le bien ni d’affaiblir le mal ; il sera ministre pour s’adjoindre à des actes de rigueur, pour couvrir d’un voile de plus tous les scandaleux désordres du ministère ; l’opinion publique l’aura duement averti, la fuite honorable de son prédécesseur lui aura suffisamment fait connaître en quels lieux il vient aborder, à quelles consciences il va livrer la sienne. Nous le répétons, nous ne savons pas quel personnage politique osera prendre une telle résolution ; mais quel qu’il soit, fût-il de nos amis, nous ne craignons pas de dire que son procès est fait d’avance, et qu’il sera jugé comme coupable d’un crime commis avec préméditation.
Pour la réforme des abus, nous n’en parlons pas, trop de gens sont intéressés à les maintenir ; mais l’amnistie, qui n’empêchera personne de s’enrichir dans les marchés, et de trafiquer des nouvelles, rencontrera un jour moins d’obstacles qu’on ne pense. Le véritable président du conseil, celui qui ne se retire jamais, dont le fauteuil n’est jamais vide, homme peu accessible aux passions politiques, esprit calculateur et prévoyant, n’est, dit-on, plus opposé à cette amnistie qu’il a repoussée si long-temps. Mais comme il sent, avec son instinct ordinaire, que ce ministère est usé, et a suffisamment fourni sa course, il ne serait pas fâché, ajoute-t-on, que cet acte de clémence réclamé par l’opinion, et qui peut à lui seul faire vivre un cabinet pendant quelques mois, fût réservé pour l’avènement du nouveau ministère qui se formera sans doute en présence des chambres. En repoussant l’amnistie à son instigation, les ministres actuels se seraient laissé enferrer par cet habile personnage, et pousser tout doucement dehors ; M. Dupin lui-même se serait chargé d’appuyer cette combinaison d’en haut, tantôt par quelques faux semblans d’opposition, tantôt par des notes sur l’amnistie, jetées dans un journal quotidien, où il déclare que cet acte ne peut être fait que par une loi, et du consentement des trois pouvoirs ; manière adroite de renvoyer la question jusqu’aux chambres, d’éloigner tout retour des ministres en place vers de meilleures idées, et de les mener pieds et poings liés, sans une action honorable à offrir pour leur défense, devant le grand jury qui doit prononcer sur eux. Osez dire maintenant que nous ne sommes pas gouvernés avec sagesse.
M. Thiers, qui se connaît en roueries, se sent déjà si bien joué, qu’il s’occupe, dit-on, de se pourvoir d’une ambassade. Celle de Madrid paraît avoir fixé son choix. De grandes questions politiques et financières surtout s’agitent en Espagne. M. Thiers irait donc en Espagne, et au besoin, M. de Rayneval passerait au ministère des affaires étrangères. M. Thiers aurait fait valoir la nécessité d’avoir à Madrid un homme avancé dans l’intimité de la pensée gouvernementale, à qui l’on pût s’ouvrir sans le moindre détour. La tendance démagogique de Madrid inquiète les Tuileries ; on prévoit le moment où le gouvernement de la reine ne pourrait plus servir de digue, où l’intervention serait commandée par la nécessité, et l’on se demande si, dans ce cas, au lieu de risquer une guerre sur le Rhin, on ne ferait pas mieux de laisser s’établir ou même d’établir dans la Péninsule un bon gouvernement absolu avec lequel on n’aurait pas le souci de voir le fantôme de la république montrer sa tête menaçante entre les cimes des Pyrénées. Ces craintes et ces prévisions expliqueraient et motiveraient les visites fréquentes qui ont été faites depuis quelque temps, au dire de certaines gens bien informés, par M. de Calomarde, à un haut et puissant personnage. L’esprit de prévision éclate en tout, et il est peut-être aussi utile de changer ses voisins que ses ministres.
Quant à M. Peel et à lord Lyndhurst, qui ont été vus, par un journal de Paris, en haut lieu, et fort occupés, d’accord avec le ministère français, à fabriquer un ministère tory, nous pouvons assurer que, dans leur court séjour de douze heures, ils ont songé à tout autre chose. Les hommes d’état de l’Angleterre qui appartiennent au parti tory, et qui ont quelque capacité, sont si loin de songer à rentrer au ministère, que l’un d’eux conseillait dernièrement au duc de Cumberland de réaliser de grosses sommes pour acheter des terres, en qualité de colon libre, à Botany-Bay. « Pour moi, je vais le faire, ajoutait-il. — Et pourquoi à Botany-Bay ? demanda le prince. — Parce qu’il vaut mieux y vivre en colons qu’en déportés, et que nous le serons très incessamment. »
Une sorte de superstition s’attache à l’incendie du parlement en Angleterre. On regarde cet évènement comme l’indice d’une révolution prochaine, et ce n’est pas tout-à-fait sans raison. Il paraît, en effet, que l’enquête sur cet incendie, dont on s’occupe en ce moment, et qui n’a pas encore été rendue publique, offre déjà des incidens à la fois curieux et menaçans. Le dernier bill au sujet des pauvres ne serait pas étranger à cette catastrophe. Ce bill, qui oblige les pauvres qui reçoivent des secours des communes, à habiter les maisons de dépôt, rend leur situation encore plus affreuse, en ce que, pour les six shellings qu’ils reçoivent chaque semaine, ils sont contraints d’abandonner les travaux d’atelier auxquels se livraient la plupart d’entre eux. Des menaces recueillies par les commissaires de l’enquête, la connaissance qu’on avait de l’incendie à Birmingham le jour même de l’évènement, et d’autres indices, indiqueraient suffisamment d’où est parti le coup. Dans plusieurs comtés de l’Angleterre, il est déjà question d’incendies considérables, et l’alarme est répandue partout. On compte beaucoup sur les premiers actes du prochain parlement pour diminuer le mécontentement des classes populaires.
Il est certain que la translation du parlement dans un nouveau local influera sur la nature de ses discussions. Cette antique chambre oblongue, où le jour pénétrait à peine, qui ne contenait pas tous les membres de la représentation nationale, qui n’avait rien de solennel et de théâtral comme les constructions modernes, modérait en quelque sorte les orateurs, et donnait à l’assemblée un certain air de réunion de famille qui tuait l’esprit d’emphase et de déclamation. Qui sait le caractère que prendront les séances dans un autre lieu ? Et si les dispositions d’un nouveau local forçaient l’orateur à s’adresser à l’assemblée, au lieu de parler au président, comme on fait à Londres, quelle tournure personnelle ne prendraient pas les discussions, et qui peut prévoir la nature des motions qui seraient faites ? L’effet de ces influences secondaires n’est pas à dédaigner. Le seul aspect de la salle de la Convention excitait les esprits à la violence, et sans la disposition matérielle du conseil des Cinq-Cents, à qui vingt fenêtres basses donnaient des issues naturelles, Bonaparte eût peut-être péri le 18 brumaire.
M. de Talleyrand, qui fait un tableau fort rembruni de l’avenir de l’Angleterre, ne semble pas très empressé d’y revenir. Son séjour à Valençay, qui se prolongera beaucoup cette année, va être signalé par une fête vraiment royale. Les ministres et les princes devaient y assister, et M. de Rigny, qui vient d’être pourvu, par ordonnance, de l’intérim du ministère de la guerre, était déjà en route pour Valençay où il comptait passer sa lune de miel. Deux portefeuilles sont une charge un peu lourde pour un nouvel époux déjà chargé d’une dot de quelques millions ; mais M. de Rigny ne reculera devant aucun de ces fardeaux, et il chargerait même volontiers ses épaules de la présidence du conseil.
M. Thiers, dont le lit était déjà fait à Valençay, restera cependant. Le télégraphe le réclame, et d’ailleurs on ne quitte pas Paris au moment d’un remaniement de ministère. M. Thiers est trop habile pour ne pas garder son portefeuille jusqu’à l’époque de l’ouverture des chambres. Mais il est douteux qu’il résiste alors. Les députés de toutes les nuances qui sont à Paris ne font pas mystère de leurs intentions. M. Thiers a passé le front levé au milieu de trop de scandales ; il sera sacrifié ! Ajoutez qu’on lui impute en grande partie la retraite du maréchal Gérard, qui ne lui sera pas pardonnée par la chambre.
Il faut rendre justice à M. Thiers. Il est resté durant toute cette semaine fort étranger aux intrigues politiques. Son discours de réception à l’Académie l’a occupé d’une manière exclusive, et rien n’a pu le distraire de ce travail. Toutes les affaires ont été ajournées, toutes les décisions suspendues ; on n’admettait dans le cabinet du ministre que ceux qui venaient lui parler de son discours ; les grammairiens et les puristes étaient seuls écoutés, et chaque soir on faisait une lecture des parties achevées du morceau, qui ont eu un immense succès dans le cercle intime. En général, depuis quelque temps, M. Thiers ne s’occupe que de littérature ; il parle sans cesse de reprendre ses anciens travaux, et de se retirer pour continuer l’Histoire de la révolution française. Il faut espérer que M. Thiers réalisera ces projets. Les chambres n’encourageront pas que les lettres en le rendant à la vie littéraire.
Un petit scandale, dont la société de Paris s’est amusée, a eu lieu à l’occasion d’un des mariages qui ont été contractés, il y a quelques jours, par quelques ministres passés et présens. L’un d’eux avait employé pour intermédiaire un homme fort connu, homme trop à la mode pour ne pas exiger un pot-de-vin, cette chose si en vogue aujourd’hui. Le mariage conclu, l’obligeant ami qui avait contribué à le faire réussir, attendait son légitime salaire, qui ne pouvait manquer d’être magnifique, vu l’opulence des conjoints, lorsqu’il reçut de la nouvelle épousée six couverts d’argent, et deux boutons d’or du mari. Le désappointement fut grand, les couverts renvoyés avec dédain, et les boutons rendus au donneur avec une pièce de vingt francs dans la boîte. De grandes explications s’ensuivirent. Le pot-de-vin, puisqu’il faut l’appeler par son nom, avait été remis à un proche parent du mari, qui avait trouvé bon de le garder pour lui-même. Il fallut le payer de nouveau. Cette aventure est assez consolante pour la morale publique ; elle prouve que, loin de recevoir des pots-de-vin, les ministres en paient eux-mêmes en certaines circonstances, et même qu’ils les paient deux fois.
Le caractère éminent de notre époque est l’agrandissement que toutes les spécialités prennent du côté des spéculations générales et universelles. La science cherche à rompre les barrières qui séparaient ses parties diverses, et qui interceptaient leur vie commune. La métaphysique se glisse partout pour unir les choses et pour les dominer.
La carrière fournie déjà par M. Lerminier est un des témoignages les plus irrécusables et les plus frappans de la tendance encyclopédique que nous venons de signaler. Le jeune professeur a trouvé l’étude du droit réduite à l’exégèse analytique ; il l’a élevée à la discussion des principes. Ses investigations ont ainsi outrepassé la lettre des lois, et la recherche de leur esprit l’a poussé rapidement sur le terrain large et sérieux des réalités sociales. Le droit s’est alors dépouillé pour lui de ses aridités locales, de ses minuties restreintes ; il lui est apparu comme une manifestation perpétuelle de la moralité humaine ; il lui a laissé découvrir ses affinités intimes avec l’histoire, avec la philosophie, avec la religion, avec l’art ; il a pris place, à ses yeux, dans les destinées mobiles et impérissables du monde, entre toutes nos douleurs et tous nos progrès. Pendant que les professeurs de l’école s’obstinent à répéter que le droit est une formule, M. Lerminier nous a enseigné que le droit, c’est la vie.
Cette définition capitale a rattaché les études législatives à la science moderne, dont elles perdaient de plus en plus la voie, malgré les révélations de la philosophie du xviiie siècle. M. Lerminier a recueilli spécialement la pensée de ce grand siècle ; il la représente avec éclat et éloquence. Il l’a augmentée de toutes les passions et de toutes les idées du xixe siècle. Organe brillant de la tradition révolutionnaire, il en a enrichi et développé l’héritage. Les lecteurs de la Revue savent à quelles applications sévères ou piquantes il a plié son talent.
L’empressement qui porte de plus en plus la jeunesse vers cet enseignement grave et actuel, a rendu nécessaire la réimpression du premier ouvrage où le professeur a déposé les origines de ses opinions. L’Introduction générale à l’histoire du droit est une appréciation scrupuleuse des principaux travaux entrepris par la philosophie dans les limites ou sur les frontières du droit. Le mouvement profond et animé du seizième siècle y est creusé par un esprit jeune, qui trahit abondamment ses sympathies et son enthousiasme. Mais le signe le plus remarquable de ce livre, c’est la relation qu’il montra tout à coup entre la législation et la pensée. Montesquieu n’avait guère songé qu’aux rapports des lois avec les mœurs. Le progrès des temps est sensible. L’Introduction générale à l’histoire du droit se trouve au niveau des intentions de la métaphysique allemande. Elle date véritablement parmi nous une transformation de la science, et une amélioration du siècle à la suite des merveilles du siècle dernier.
Il est utile de connaître ce que l’auteur pense de son livre, et la valeur qu’il attache lui-même à cette œuvre, dans la série déterminée de ses études.
En publiant aujourd’hui la seconde édition de l’Introduction générale à l’histoire du droit, je ne puis me défendre de dire ce qui m’est venu à la pensée pendant que je revoyais ce premier essai.
Le temps nous emporte avec une vélocité si vive, qu’il dote d’une espèce d’antiquité ce que l’homme a fait et écrit il y a quelques années à peine, ce qui, dans un autre siècle, aurait semblé né d’hier. Nous passons et nous nous oublions nous-mêmes ; nous oublions les détails de la route parcourue, tant elle est infinie, tant l’espace que nous laissons derrière nous, et celui qui se projette à nos yeux, est immense et indéfinissable !
Qu’est-ce donc qu’un livre au dix-neuvième siècle ? C’est un point de la vie, c’est un moment énergique et réfléchi de l’existence et de la pensée, un recueillement, une halte avant de passer outre. Il appartenait aux heureux habitans des âges paisibles et des siècles qui coulaient moins vite que le nôtre, de régler tranquillement les développemens de leur activité, de choisir à loisir la forme harmonieuse et souvent unique qui devait enfermer leur génie. Mais nous, il faut marcher, pas de repos. Celui qui voudrait arrêter sa vie dans les préoccupations d’un seul monument, risquerait de découvrir son œuvre au milieu d’une société nouvelle, comme si un artiste du siècle des Antonins eût attendu longues années pour montrer une statue de Minerve à des générations prêtes à tomber aux genoux de Jésus-Christ.
Si donc un seul livre ne suffit plus à l’expression d’un homme ni à la satisfaction du siècle, si la pensée, tant individuelle que générale, veut éclater périodiquement, il importe que l’unité se retrouve toujours dans le siècle et dans l’homme.
Le siècle ne désobéit pas à l’attraction vers l’unité. Dans son sein, pas un esprit ne conçoit, pas un bras ne se meut sans travailler à l’unité. L’anarchie est à la superficie ; le dessein de Dieu est au fond. Insensés qui dénoncent au monde sa ruine imminente et qui sonnent les cloches funéraires au lieu de celles du baptême !
L’homme doit se mettre en rapport avec l’esprit de son siècle, et dans la conscience du genre humain, il trouvera sa propre unité. Alors il peut être tranquille sur la grande direction de sa carrière ; il ne s’égarera pas. Des déviations légères, des méprises inévitables, réparées aussitôt que reconnues, ne sauraient le jeter hors des grandes voies de l’humanité : il marche sûrement et avec courage jusqu’aux dernières limites de sa force et de sa vie. Il sera récompensé, si, avant de disparaître, il peut en se retournant reconnaître la série des témoignages de lui-même semés par ses labeurs à travers la route, s’il peut assigner à chacun d’eux un sens dans sa vie, un mérite dans la communauté humaine. L’unité est là aujourd’hui ; elle ne réside plus tant dans la forme que dans l’esprit.
Voilà pourquoi il nous semble peu utile d’altérer par de nombreux changemens le caractère d’un livre. Il vaut mieux construire à côté que de s’épuiser en réparations. Même les imperfections saillantes d’une œuvre peuvent en constituer l’originalité dans la série générale. D’ailleurs, s’attacher à se changer dans le passé, au lieu de se développer dans l’avenir, serait d’une vanité impuissante.
Nous n’avons donc fait à ce premier essai que les corrections de détail dont une revue sérieuse montre toujours la nécessité. Nous avons conservé les divisions, les pensées, l’esprit du livre, et nous devons déclarer franchement au lecteur que nous avons été souvent consolé des défauts sans nombre qui le déparent, par la pureté sincère des dispositions générales qui nous animaient alors en l’écrivant.
Dans l’Introduction générale de l’histoire du droit se trouve, dès l’origine, le culte de la pensée. Il est évident que celui qui en a tracé les pages n’a jamais reconnu d’autre autorité que la souveraineté de l’intelligence. Seulement nous avons débuté par une préoccupation naturelle, mais excessive, des abstractions de l’idéalisme germanique. Aujourd’hui, la pensée n’est plus seulement pour nous l’abstraction, mais elle est la vie même dans toutes ses ramifications et ses richesses ; elle est pour nous l’homme tout entier dans sa constitution morale et physique. Elle est le monde et la nature.
La tradition nous parut aussi, dès le début, la chaîne de diamant qui rattache le genre humain au trône de Dieu, et nous en avons adoré les vestiges à l’école de Vico. Mais, en marchant, nous avons appris que la connaissance et l’imitation du passé ne suffisent pas à l’homme, et que le pain dont on veut le nourrir ne doit pas être pétri avec la cendre des morts. Respect, ah ! respect à la tradition, à cette vie du passé, à ce testament de l’humanité ! Mais sachons y ajouter nous-mêmes nos propres efforts et notre propre caractère ; travaillons à laisser à nos enfans un héritage que nous ayons conquis, un acquêt de notre propre génie, et devenons à notre tour une tradition dont nos descendans puissent relever non sans gloire.
La science, cette forme réfléchie de la pensée, nous parut toujours devoir occuper dans les choses humaines le premier rang. Mais nous étions dans l’origine plus enclins à la chercher dans ses richesses du passé qu’à la solliciter dans ses devoirs et son énergie du présent. Ainsi nous fûmes épris des travaux du moyen-âge et de ceux du xvie siècle. Nous nous souvenons avec quel enthousiasme nous avons secoué la poussière de ces vieux monumens ; mais nous avons cessé de leur apporter en holocauste les droits et la puissance de notre temps.
C’est ainsi que la jurisprudence, après avoir été pour nous tantôt romaine, tantôt féodale, tantôt coutumière, nous a paru enfin devoir être humaine. Le droit n’a plus été pour nous le simple résultat du passé, et nous avons pu dire : Le droit, c’est la vie.
La vie sociale dépend du développement et de l’harmonie des élémens dont nous avons parlé. Si la pensée exerce et garde sa suprématie, si la tradition des âges passés se continue et se transforme par des actes et des idées qui sortent de l’esprit du temps, si la science est originale et énergique, si la loi traduit dans ses prescriptions les théories et les sentimens qui nous sont chers, la santé du corps social n’est pas en danger de défaillir. Nous ne voulons point examiner ici jusqu’à quel degré notre société remplit ces conditions nécessaires ; nous dirons seulement qu’il y a devoir pour tous de travailler à l’amélioration progressive de ces conditions.
— Il s’est glissé, dans notre dernière statistique parlementaire, une erreur de chiffres que nous devons rectifier : le traitement de M. Villemain, vice-président de l’instruction publique, est de 15,000 francs et non de 24,000, comme cela a été imprimé.
Nous n’avons pas voulu dire non plus que la souscription pour le Grégoire vii, de M. Villemain, ait jamais eu de résultat pécuniaire ; ce n’était qu’une simple promesse. Nous savons que M. Villemain refusa les offres considérables qui lui furent faites alors.
— Sous les titres de Traités, de Manuels, la France, l’Angleterre et l’Allemagne possèdent une foule d’ouvrages sur toutes les parties de la science. On pouvait s’étonner que parmi tant d’éditeurs de collections de ce genre, aucun n’eût songé à réunir les meilleurs ouvrages de chaque espèce existant dans ces divers pays, et de former ainsi une collection précieuse au lieu de ces petits livres, manuels, ou résumés, prétendus originaux, qui sont le plus souvent des essais d’écoliers. Les vrais savans peuvent seuls faire des ouvrages élémentaires. M. Arago en France, Herschel en Angleterre, savent mettre la science de l’astronomie à la portée de tout le monde. Ce sont donc les ouvrages de ces hommes supérieurs qu’il faut réunir en collection ; c’est ce qu’a entrepris l’éditeur Paulin, qui annonce, sous le titre d’Encyclopédie de cabinet, une collection sur le plan du Cabinet Cyclopœdia du docteur Lardner, à Londres.
— On publie maintenant une nouvelle édition des œuvres de Shakspeare et de Schiller, sur papier jésus, qui se recommande par son exécution typographique.
— Une nouvelle édition du Théâtre d’Alexandre Dumas se publie par livraison chaque samedi, et réunit un grand nombre de souscripteurs. C’est une consécration populaire du talent dramatique d’Alex. Dumas.
— La belle édition des œuvres complètes de Châteaubriand, entreprise par les frères Pourrat, est maintenant terminée. On peut se procurer l’édition à 3 fr. 50 c. le volume.
— Une dame, qui n’a pas voulu se nommer, vient de faire paraître un roman sous le titre de la Somnambule. Nous en rendrons compte dans notre prochaine Revue littéraire.
— Une nouvelle publication périodique, le Journal de Santé, qui traite de la science sous une forme légère et piquante, mérite de fixer l’attention des gens du monde. Nous avons lu avec intérêt dans ce recueil une série d’articles sur l’art de juger les hommes d’après la physionomie.
— Une nouvelle méthode de dessin dont on vante beaucoup les résultats, est celle qu’a inventée récemment M. Dupuis. Ce professeur vient d’ouvrir un cours public, rue Richer.
Les puissances contractantes, continuant à s’occuper avec une vive sollicitude de tout ce qui peut contribuer à faciliter et à étendre la liberté et les communications du commerce et de l’industrie dans leurs états, et par suite dans toute l’Allemagne, ont fait ouvrir des négociations dans le but de donner plus de développement aux traités qui existent entre elles sur lesdits objets, et à cet effet elles ont donné pleins pouvoirs…… — Suivent les noms des négociateurs. —
Lesquels ont conclu la convention suivante, sous la réserve de ratification :
Article 1er. — Les associations de douanes existant actuellement entre lesdits états, formeront à l’avenir, au moyen d’un système commun de douanes et de commerce, une association générale qui embrassera tous les pays compris dans lesdites associations.
Art. 2. — Dans cette association générale sont compris aussi les États qui ont déjà accédé, soit avec la totalité de leur territoire, soit avec une partie d’i-celui, au système de douanes et de commerce d’un ou de plusieurs des États contractans, sauf toutefois les rapports particuliers qu’ils ont en vertu de leur traité d’accession, avec les États avec lesquels ils ont conclu ces mêmes traités.
Art. 3. — Par contre, resteront provisoirement exclues de l’association générale les parties de pays des États contractans qui, à cause de leur situation, ne sont entrées jusqu’à présent ni dans l’association de douanes de la Prusse avec la Hesse, ni dans celle de la Bavière avec le Wurtemberg, et qui, par le même motif, ne sont pas propres à être admises dans la nouvelle association générale.
Cependant on maintiendra les dispositions actuellement existantes qui ont pour but de faciliter le commerce de ces parties de pays avec le reste du territoire auquel elles appartiennent.
De nouvelles faveurs de ce genre ne pourront être accordées que du consentement commun des États contractans.
Art. 4. — Dans les territoires des États contractans, il y aura des lois conformes sur les droits d’entrée, de sortie et de transit ; mais les modifications qui, sans nuire au but commun, résulteront nécessairement, soit de l’esprit de la législation générale de chacun des États contractans, soit des intérêts locaux, seront faites par chacun des États.
Pour cette raison, en établissant le tarif des douanes, on pourra faire, relativement au droit d’entrée et de sortie de certains articles peu propres au grand commerce, et relativement aux droits de transit, selon que la direction des routes du commerce l’exige, de telles exceptions aux principes de perception généralement adoptés, qui sembleraient particulièrement désirables pour tel ou tel État, pourvu cependant que ces exceptions ne soient pas préjudiciables aux intérêts généraux de l’association.
L’administration des droits d’entrée, de sortie et de transit, et l’organisation des autorités qui en seront chargées dans tous les pays de l’association générale, seront mises sur le même pied, mais sans perdre de vue les relations particulières qui existent dans ces pays.
Les lois et règlemens qui seront assimilés sous ces points de vue par les états contractans sont : La loi des douanes, le tarif des douanes, le règlement des douanes.
Ils seront regardés comme parties intégrantes de la présente convention et publiés ensemble avec elle.
Art. 5. — Aucun changement, ni addition, ni exception, ne pourra être fait à la législation des douanes, y compris le tarif des douanes et le règlement des douanes (art. 4), que du consentement des parties contractantes, et que de la même manière qu’a lieu l’adoption des lois. Cette clause s’étend à toutes les dispositions qui établissent des règles tendantes à changer, en général, l’administration des douanes.
Art. 6. — Dès l’exécution de la présente convention, il y aura entre les états contractans liberté de commerce et de communications et communauté de droits de douane, le tout, conformément aux dispositions contenues dans les articles suivans.
Art. 7. — À partir de ladite époque, tous les droits d’entrée, de sortie et de transit cesseront d’être perçus aux frontières communes de l’association de douanes, qui ont existé jusqu’à présent entre la Prusse et la Hesse, la Bavière et le Wurtemberg.
En conséquence, tous les objets qui se trouvent en libre circulation dans l’un desdits territoires, pourront être introduits dans les autres librement et sans charges, à la seule réserve :
1o Des objets appartenant au monopole d’état, cartes à jouer et sel, suivant les art. 9 et 10.
2o Des produits indigènes qui, à l’intérieur des états contractans, sont sujets à des droits inégaux ou bien qui paient dans un des états des droits, et en sont exempts dans un autre, ce qui les rend passibles d’un droit d’égalisation, suivant l’art. 11. Enfin,
3o Des objets qui ne pourront être importés ou contrefaits sans violer les brevets d’invention ou privilèges accordés par l’un des états contractans, et qui, par conséquent, doivent être exclus de l’état qui a donné ces brevets ou privilèges pendant toute la durée de ceux-ci.
Art. 8. — Sans préjudicier en rien à la liberté du commerce et à l’exemption des droits stipulés dans l’art. 7, le transport des objets de commerce qui, suivant le tarif des douanes communes, sont sujets à un droit d’entrée ou de sortie en passant les frontières extérieures, ne pourra se faire des royaumes de Bavière et de Wurtemberg, dans le royaume de Prusse et les pays de l’électeur de Hesse et du grand-duc de Hesse et vice versa, qu’en suivant les routes et chaussées ordinaires et par les rivières navigables. À cet effet, il sera établi aux frontières intérieures des bureaux de déclaration où les conducteurs des marchandises seront tenus de présenter leur lettre de voiture ou bulletin de transport, et d’indiquer les objets qu’ils sont chargés de transporter d’un territoire dans l’autre.
Cette disposition n’est applicable ni au commerce de productions brutes en petites quantités, ni au petit commerce de frontière ou de foire, ni aux bagages des voyageurs. On ne fera non plus aucune vérification des marchandises, si ce n’est dans le cas où la sûreté de la perception des droits d’égalisation (art. 7) pourrait l’exiger.
Art. 9. — Relatif au maintien des prohibitions ou restrictions à l’entrée des cartes à jouer.
Art. 10. — Règlement relatif au sel. — Le sel étant l’objet de droits indirects dans chacun des états contractans, des mesures sont prises pour assurer les droits à chacun des états, et empêcher le passage du sel de l’un dans l’autre, sauf les conventions particulières que pourraient faire à cet égard les états contractans entre eux.
Art. 11. — Relatif aux droits complémentaires, ou droits d’égalisation, que les divers états devront se payer pour l’importation réciproque des diverses matières soumises à des droits indirects différens, savoir : Pour la Prusse, la bière, l’eau-de-vie, le tabac, le moût de raisin, et le vin ; pour la Bavière et le Wurtemberg, la bière, l’eau-de-vie, la drèche bruisinée ; pour l’électorat de Hesse, les mêmes articles que la Prusse ; et pour le grand-duché de Hesse, la bière.
Les droits d’égalisation sont égaux à la différence qu’il y a entre l’impôt légal qui frappe la marchandise dans le pays de sa destination, et l’impôt qui la frappe dans le pays de son origine.
Les droits existans en Prusse sur la bière, l’eau-de-vie, le tabac, le moût de raisin et le vin doivent toujours former le maximum des droits d’égalisation d’un pays à l’autre. Ces cinq articles et la drèche sont les seuls qui pourront être soumis à des droits d’égalisation.
Dans tous les états où l’on percevra un droit d’égalisation sur le tabac, le moût de raisin et le vin, on ne pourra, dans aucun cas, ni conserver, ni établir un autre impôt sur ces articles, ni pour compte du gouvernement, ni pour compte des communes.
Art. 12. — Relativement aux droits de communication qui sont perçus, dans toute l’étendue des pays associés, sur d’autres marchandises que celles mentionnées dans l’art. 11, ainsi que relativement aux impôts qui pèsent sur les boissons dans le grand-duché de Hesse, il y aura dorénavant une égalité complète et réciproque, de manière que les productions d’un autre état ne pourront être grevées de charges plus fortes que les productions indigènes.
Le même principe sera appliqué aux impositions additionnelles et aux octrois qui sont perçus pour le compte de telle ou telle commune, c’est-à-dire en tant que de pareilles impositions ne sont pas, en général, inadmissibles suivant l’art. 11.
Art. 13. — Les états contractans renouvellent réciproquement l’adoption du principe que les droits de chaussée ou les autres droits qui les remplacent, comme, par exemple, l’augmentation fixe des douanes établie sur l’entrée des marchandises dans les royaumes de Bavière et de Wurtemberg pour suppléer aux droits de route, les droits de pavé, de digue, de pont et de transport, ainsi que tous les autres droits de ce genre, quels que soient les noms sous lesquels ils aient été établis, et sans distinction s’ils sont perçus pour le compte de l’état, ou d’un particulier ou d’une commune, ne pourront être conservés ou établis, qu’en tant qu’ils sont proportionnés aux frais ordinaires de réparation et d’entretien.
Les droits de chaussée existant actuellement en Prusse, conformément au tarif de 1828, seront regardés comme le maximum et ne pourront dorénavant être surpassés par aucun des états contractans.
En vertu du principe ci-dessus énoncé, les droits de fermeture de portes et ceux de pavé seront abolis partout où il y a des grandes routes. Les droits de pavé seront compris dans les droits de chaussée, mais de manière que ceux-ci soient perçus conformément au tarif général.
Art. 14. — Les gouvernemens contractans promettent de coopérer à établir dans leurs pays respectifs un système uniforme de poids et mesures ; ils feront immédiatement entamer des négociations à ce sujet, et ils dirigeront d’abord leurs efforts vers l’adoption d’un poids de douanes commun.
Si les arrangemens à faire sur ces objets ne sont pas encore conclus à l’époque où commencera l’exécution de la présente convention, chacun des états contractans, pour faciliter l’expédition des marchandises et accélérer les opérations des bureaux de douanes, fera réduire, si ce n’est déjà tait, les poids et mesures indiqués dans ses tarifs de douane en les poids et mesures que les autres états contractans ont adoptés dans leurs tarifs. Ces tableaux de réduction seront publiés pour servir de règle aux bureaux de douane et aux commerçans.
Le tarif commun des douanes (art. 4) sera divisé en deux sections, dont l’une sera faite d’après le système monétaire et des poids et mesures de la Prusse, et l’autre, d’après celui de la Bavière.
La déclaration, la pesée et le mesurage des objets sujets aux droits de douane seront faits, en Prusse, d’après les poids et mesures prussiens ; en Bavière et en Wurtemberg, d’après les poids et mesures bavarois, dans les pays hessois, d’après les poids et mesures qui y existent légalement. Mais dans les expéditions délivrées par les bureaux de douane, la quantité des marchandises sera indiquée aussi suivant l’une ou l’autre des deux sections principales du tarif commun.
Jusqu’à ce que les états contractans soient convenus d’un système monétaire commun, le paiement des droits de douane sera fait dans chaque pays selon le titre des espèces d’après lequel se paient les autres impositions du même pays.
Dès à présent les monnaies d’or et d’argent de tous les états contractans, à l’exception des menues espèces, seront reçues dans toutes les caisses de l’association commune de douanes, et à cet effet, on fera publier des tableaux d’évaluation.
Art. 15. — Les droits d’eau ou droits de transport sur les fleuves, y compris les droits qui sont établis sur la capacité des navires, continueront à être perçus réciproquement sur la navigation des fleuves auxquels sont applicables les stipulations du congrès de Vienne, ou des conventions particulières des états, suivant lesdites stipulations, s’il n’y en a pas d’autres qui y soient contraires.
Eu égard à cette dernière disposition, les états contractans se proposent d’ouvrir immédiatement des négociations relatives à la navigation sur le Rhin et sur ses embranchemens, afin de parvenir à un arrangement en vertu duquel les droits de navigation sur lesdites rivières qui grèvent l’importation, l’exportation et le transit des productions de tous les pays associés, seraient, toujours sauf les droits de récognition, sinon entièrement abolis, au moins considérablement allégés.
Toutes les facilités qu’un des états associés pourrait accorder à ses sujets relativement à la navigation sur lesdites rivières profiteront également à la navigation des sujets des états associés.
Sur les autres rivières auxquelles ne sont applicables ni l’acte du congrès de Vienne, ni d’autres conventions faites entre des états, les droits d’eau seront perçus conformément aux ordonnances des gouvernemens respectifs. Cependant sur ces rivières aussi, les sujets des états contractans, et leurs marchandises et navires, seront traités avec une parfaite égalité.
Art. 16. — À partir du jour où le règlement commun de douanes de l’association sera mis à exécution, cesseront d’être perçus tous les droits d’étape et de relâche qui existeraient encore dans les territoires compris dans l’association de douanes, et personne ne pourra être forcé à expédier ou emmagasiner ses marchandises, que dans le cas prévu par ledit règlement commun de douanes, ou le règlement de navigation légalement en vigueur.
Art. 17. — Aucun droit de canal, d’écluse, de pont, de route, de port, de pesée, de grue et d’entrepôt, ni aucune prestation au profit d’établissemens destinés à faciliter les communications, ne pourront être exigés que pour l’utilisation réelle de pareils établissemens et objets. Ces droits et prestations ne seront pas augmentés, et chaque état les percevra des sujets des autres états contractans, d’après la même échelle et de la même manière qu’il les perçoit de ses propres sujets.
Partout où il existe une balance ou une grue destinée exclusivement à l’usage du contrôle des douanes, il ne pourra être perçu de la part des employés de la douane aucun droit de pesée sur les marchandises qui ont été une fois pesées.
Art. 18. — Les états contractans continueront à employer leurs efforts pour, au moyen de l’adoption de principes uniformes, faciliter les progrès de l’industrie et donner la plus grande latitude à la faculté qu’ont les sujets de chacun d’eux d’aller chercher du travail et des moyens d’existence dans les autres états de l’association.
À partir de l’époque où la présente convention sera mise à exécution, les sujets d’un des états contractans qui cherchent du travail en exerçant un commerce ou une industrie sur le territoire d’un des autres états, ne paieront aucune imposition qui ne soit égale à celle que paient les sujets indigènes qui exercent la même profession.
Ne paieront aucune imposition pour les affaires qu’ils font dans un état autre que celui où ils sont domiciliés, les fabricans ou industriels qui ne font des achats que pour leurs établissemens, et les voyageurs qui portent avec eux non des marchandises, mais des échantillons de marchandises, afin d’obtenir des commandes ; toutefois, ces personnes ne jouiront de cette exemption que dans le cas où ils auraient acquis, dans l’état où est leur domicile, la permission d’exercer leur profession, en en payant les impôts, et dans le cas où ils seraient attachés au service de négocians et industriels indigènes payant des impôts.
Ceux des sujets des états contractans qui visitent les marchés et les foires qui se tiennent dans chacun desdits états, pour y exercer leur commerce, ou vendre les productions de leur industrie, seront traités partout comme indigènes du pays où ils se trouvent.
Art. 19. — Les ports de mer de Prusse seront ouverts au commerce des sujets de tous les états associés, moyennant les mêmes droits que paient les sujets de la Prusse même. Les consuls de chacun des états associés qui se trouvent dans les ports de mer ou dans d’autres places de commerce de l’étranger, seront chargés de protéger de toutes les manières et sans distinction les sujets de tous les états contractans.
Art. 20. — Pour protéger leur système général de douanes contre le commerce clandestin, et garantir leurs droits de consommation intérieure de toute fraude, les états contractans ont conclu un cartel commun qui sera mis à exécution aussitôt qu’il sera possible, mais au plus tard à la même époque que la présente convention.
Art. — La communauté de recettes établie entre les états contractans par la présente convention, aura pour objet le produit des droits d’importation, d’exportation et de transit qui seront perçus dans les états prussiens, les royaumes de Bavière et le Wurtemberg, l’électorat et le grand duché de Hesse, y compris les autres pays qui ont déjà accédé aux systèmes de douane des états contractans. Le produit des droits ci-dessus mentionnés sera réparti entre les États contractans, proportionnellement à leur population.
Sont exclus de la communauté, et réservés à la jouissance particulière des gouvernemens respectifs :
1o Les impôts qui sont perçus à l’intérieur de chaque état sur des productions indigènes, y compris les droits d’égalisation dont il a été parlé dans l’art. 11 ;
2o Les droits d’eau mentionnés dans l’art. 15 ;
3o Les droits de chaussée, de digue, de port, de route, de canal, d’écluse, ainsi que les droits de pesée, d’entrepôt, et tous les autres droits de ce genre, quels que soient leurs noms ;
4o Les amendes de douanes, et les confiscations qui, sauf les parts des dénonciateurs, resteront au gouvernement de chaque état dans toute l’étendue de son territoire.
Art. 22. — Seront déduits des droits qui écheoiront à la communauté :
1o Les frais mentionnés plus bas art. 30.
2o Les remboursemens pour erreurs faites dans les perceptions ;
3o Les bonifications et remises faites en vertu d’arrangemens particuliers et communs entre les états associés, lesquelles seront réparties entre lesdits états en proportion de leur population.
La population des états qui ont accédé ou accéderont à l’association de douanes en vertu d’une convention avec un des états contractans, suivant laquelle ce dernier s’oblige à leur faire annuellement un paiement pour leur tenir lieu de la part qui leur reviendrait dans les revenus des douanes communes, sera ajoutée à celle de l’état contractant qui fournit ledit paiement.
Chacun des états contractans fera, tous les trois ans, à une époque qui sera ultérieurement fixée, un recensement de sa population. Lesdits états sont tenus de se communiquer réciproquement ledit recensement.
Art. 23. — Tous les priviléges accordés aux industriels relativement au paiement des impôts qui ne sont pas basés sur la législation des douanes elle-même, seront à la charge des finances du gouvernement qui les aura accordés.
La fixation de l’échelle d’après laquelle de pareils priviléges pourront être accordés sera réservée à des négociations ultérieures.
Art. 24. — Conformément au but de l’association de douanes qui est de développer le mouvement libre et naturel des communications générales, les priviléges en matière de douane accordés à de certaines places de foire, et notamment les priviléges de rabais, ne pourront être étendus. Au contraire, ils seront, tant par rapport aux relations locales que par rapport aux relations avec l’étranger, restreints autant que possible, et peu à peu abolis entièrement. De nouveaux priviléges de ce genre ne pourront être concédés dans aucun cas sans le consentement de toutes les parties contractantes.
Art. 25 et 26. — Réglementaires pour les articles destinés à l’usage des cours et maisons princières, et pour le droit de faire remise de peines et amendes.
Art. 27. — Chacun des gouvernemens contractans nommera dans son territoire les fonctionnaires et employés qui seront chargés, dans les divers districts et localités, de la perception et de la surveillance des douanes. Les bureaux de douane seront établis et occupés d’après les déterminations conformes qui sont contenues dans la convention spéciale qui a été faite à ce sujet.
Art. 28. — Réglementaire sur l’organisation des directions de douanes laissée à chacun des états.
Art. 29. — Les extraits trimestriels seront faits tous les trois mois par les bureaux chargés de la recette des douanes, et les comptes définitifs seront faits après la fin de l’année et la clôture des livres, et indiqueront respectivement les perceptions échues dans le courant du trimestre, et pendant l’année de comptabilité ; ces extraits et bilans seront remis aux directions respectives de douanes, qui, après examen, les réuniront en aperçus généraux. Ces aperçus seront envoyés au bureau central auquel chaque gouvernement a le droit de nommer un fonctionnaire.
Ce bureau établit, tous les trois mois, d’après les pièces susdites, les comptes courans provisoires entre les états associés. Il adresse ces comptes aux administrations centrales de finances desdits états, et prépare la liquidation définitive de toute l’année.
S’il résulte des comptes courans trimestriels que la recette réelle d’un des états associés est arriérée d’une somme plus forte que le montant d’un mois comparativement à la part des revenus qui lui revient, on prendra sur-le-champ des mesures pour remplir ce déficit, en invitant les états qui ont fait des recettes excédantes, à faire des versement.
Art. 30. — Relatif aux frais ; chaque gouvernement prend à sa charge les frais de perception et administration faits sur son territoire.
Art. 31. — Les états contractans s’accordent les uns aux autres le droit d’adjoindre aux officiers principaux de douane établis sur les frontières de leurs pays respectifs, des contrôleurs qui prendront connaissance de toutes les affaires desdits offices et des offices auxiliaires qui sont relatives aux observations d’expédition et à la surveillance des frontières. Ces contrôleurs pourront veiller à l’observation des lois et contribuer à réformer les abus, mais ils s’abstiendront de faire des dispositions de leur autorité privée.
C’est dans le règlement de service qui sera ultérieurement arrêté qu’on déterminera jusqu’à quel point les contrôleurs prendront part aux affaires courantes.
Art. 32. — Chacun des états contractans a le droit d’envoyer aux directions des douanes des autres états associés des fonctionnaires chargés de prendre une connaissance complète de toutes les affaires administratives qui ont rapport à la communauté établie par la présente convention.
Des instructions spéciales détermineront les droits d’examen qu’auront lesdits fonctionnaires. Les états auprès desquels ces fonctionnaires seront envoyés auront envers eux la plus grande franchise relativement à tous les objets de l’administration commune des douanes, et leur faciliteront les moyens d’obtenir sur ce point tous les renseignemens qu’ils pourraient désirer. De leur côté, tous lesdits fonctionnaires emploieront tous leurs soins afin d’aplanir et d’apaiser les difficultés qui pourraient naître, et cela, d’une manière qui réponde au but que se proposent les états associés et aux relations qui existent entre eux.
Les ministères de tous les états associés se donneront, les uns aux autres, sur leurs demandes, tous les renseignemens désirables sur les affaires de douanes communes, et s’il devient nécessaire d’envoyer à ce sujet un fonctionnaire public auprès d’un des gouvernemens associés, ou bien d’y tenir un plénipotentiaire, il sera donné à de tels envoyés, suivant le principe ci-dessus posé, toutes les facilités pour pouvoir prendre une connaissance complète de l’état de l’administration des douanes communes.
Art. 33. — Tous les ans, dans les premiers jours de juin, aura lieu une réunion des plénipotentiaires des gouvernemens associés, dans laquelle il sera délibéré sur les affaires de l’association ; chaque gouvernement y enverra un plénipotentiaire.
Pour diriger leurs délibérations, les plénipotentiaires éliront parmi eux un président, mais qui du reste ne jouira d’aucune prérogative sur ses collègues.
La première réunion aura lieu à Munich. À la fin de chaque réunion annuelle, on déterminera le lieu où la prochaine réunion sera tenue. Et en cela, on prendra en considération la nature des affaires qui seront traitées dans la conférence de l’année suivante.
Art. 34. — Dans les attributions des conférences des plénipotentiaires se trouvent :
1o La discussion des griefs et abus relatifs à l’exécution de la convention fondamentale et des conventions particulières, de la loi des douanes, du règlement des douanes, des tarifs, etc., qui auraient été observés dans tel ou tel état associé, et auxquels il n’aurait pas été remédié dans le courant de l’année, malgré la correspondance à cet effet entre les ministères ;
2o Le règlement définitif des comptes de la recette commune des états associés, règlement qui sera basé sur les renseignemens fournis par les officiers supérieurs des douanes et présentés par le bureau central, lesquels renseignemens doivent être tels qu’on puisse faire l’examen des comptes avec l’exactitude qu’exigent les intérêts généraux de l’association ;
3o Des délibérations sur les désirs et les propositions qui pourraient être faites, par l’un des états associés relativement à l’amélioration de l’administration ;
4o La discussion des changemens qu’un des états de l’association pourrait proposer de faire dans la loi des douanes, le tarif des douanes, le règlement des douanes, et l’organisation de l’administration. Enfin s’occuper, en général, du développement et du perfectionnement du système commun des douanes et du commerce.
Art. 35. — Si, dans l’intervalle des réunions ordinaires des plénipotentiaires, il arrivait des événemens extraordinaires qui exigeassent de promptes mesures et dispositions de la part des états associés, les parties contractantes se concerteront à cet égard par la voie diplomatique, ou bien elles convoqueront une assemblée extraordinaire de leurs plénipotentiaires.
Art. 36. — Les dépenses des plénipotentiaires et celles des employés dont ils pourraient avoir besoin, seront payées par le gouvernement qui les envoie.
Les gens de service de la chancellerie et le local seront fournis gratis par le gouvernement sur le territoire duquel la conférence a lieu.
Art. 37. — Si, à l’époque où commencera l’exécution de la présente convention, il n’existe pas déjà, quant aux points essentiels, une conformité de droits d’entrée dans les pays des gouvernemens contractans, ces derniers s’obligent à prendre les mesures nécessaires pour que les revenus de douane de l’association ne souffrent pas de préjudice par l’importation ou l’accumulation de marchandises exemptées de droits, ou qui sont sujettes à des droits moins élevés que ceux portés sur le tarif de l’association.
Art. 38. — Pour le cas où d’autres états allemands manifesteraient le désir d’être admis dans l’association, les hautes parties contractantes se déclarent prêtes à satisfaire ce désir, autant qu’ils le pourront, sans compromettre les intérêts particuliers des membres de l’association. Le cas échéant, ces nouvelles admissions se feront au moyen de conventions qui seront conclues ad hoc.
Art. 39. — Les gouvernemens contractans emploieront leurs efforts pour procurer à leurs sujets toutes les facilités et toute la latitude possibles au moyen de traités de commerce avec d’autres états.
Art. 40. — Tout ce qui regarde l’exécution en détail des stipulations contenues dans la présente convention et dans ses annexes, et notamment ce qui regarde l’exécution des déterminations, réglemens et instructions organiques, sera préparé par des commissaires nommés en commun.
Art. 41. — La durée de la convention actuelle qui sera mise à exécution dès le 1er janvier 1834, est provisoirement fixée jusqu’au 1er janvier 1842. Si, pendant cet espace de temps, et au plus tard, deux ans avant son expiration, les contractans ne déclarent pas vouloir faire cesser cette indivision, elle sera regardée comme prolongée pour douze ans, et ainsi de suite, de douze ans en douze ans.
Toutefois, cette dernière stipulation n’a été faite que pour le cas où, dans l’intervalle, tous les états de la confédération germanique n’arrêteraient pas des mesures communes qui rempliraient complètement le but de l’association actuelle des douanes, but qui est conforme à l’intention énoncée dans l’art. 19 de la confédération germanique.
Dans le cas où l’on prendrait, dans tous les états de la confédération germanique, des mesures relatives à la liberté du commerce des vivres, les fixations faites dans ce tarif de l’association, relativement à ce commerce, seront modifiées en conséquence.