monde du savoir humain. Mais quelle méthode suivre pour bien tracer cette carte immense et pour être sûr de mettre à leur vraie place, et selon les rapports qui les rapprochent plus ou moins les unes des autres, les diverses contrées de ce pays intellectuel ?
Deux moyens s’offraient à d’Alembert : l’un, de distribuer les sciences suivant la complexité, de plus en plus grande, de leur objet ; l’autre, de les classer suivant les différentes facultés de l’esprit que les différentes sciences mettent en jeu. La première classification était plus naturelle, puisqu’elle reposait sur les réalités mêmes que les sciences étudient ; la seconde, de quelque façon qu’on la pratiquât, ne pouvait complètement échapper à l’arbitraire, puisque plusieurs facultés interviennent à la fois dans l’établissement de chaque science. D’Alembert choisit pourtant la seconde, comme l’avaient fait Diderot dans son Prospectus et Bacon lui-même dans son arbre généalogique, lequel avait servi de modèle et à Diderot et à d’Alembert. Mais suivons celui-ci dans cette nouvelle démarche de son esprit : nous apprécierons tout à l’heure la valeur de tout son discours.
Notre esprit n’a, en somme, que trois facultés principales : la mémoire, la raison et l’imagination, et nous les avons nommées dans l’ordre même où ces facultés s’éveillent pour s’appliquer aux objets qu’étudie notre esprit. Ramenant ici, en effet, cet ordre historique qu’il avait suivi dans sa première partie, et qui l’a sans doute induit à choisir cette méthode de division, d’Alembert rappelle que des objets nous avons d’abord des connaissances directes, c’est-à-dire fournies directement et uniquement par eux sans le concours de notre réflexion et la faculté qui reçoit et conserve ces connaissances est la mémoire ; quant à notre réflexion, elle s’attache aux objets, soit pour les comprendre, et elle s’appelle la raison, soit pour les imiter, et elle est alors l’imagination. Et, à mesure que s’exercent ces trois facultés, nous voyons naître à leur suite trois ordres différents de connaissances : l’histoire, qui est l’œuvre de la