du moins, tels qu’ils les ont peints et embellis à leur guise, les porte-paroles de leurs plus secrètes ambitions : « Voltaire, disait malicieusement Frédéric, se tue de dire à ses Welches : Apprenez des Chinois à récompenser les actions vertueuses ; faites de vos Encyclopédistes des mandarins et vous serez bien gouvernés. »
Examiné sans parti pris et dégagé des chinoiseries, dont ils trouvaient prudent de l’envelopper et de le travestir dans l’Encyclopédie, leur idéal social n’était pas seulement conforme à la raison, cette souveraine et infaillible législatrice, selon eux ; mais il était fait, si on eût pu le réaliser dans ce qu’il avait de juste et de pratique, pour sauver peut-être la noblesse elle-même en lui conférant comme une légitimité et une consécration nouvelle ; ce qu’ils voulaient, au fond, c’était une noblesse ouverte, absolument comme était la pairie d’Angleterre ; ce qu’ils demandaient seulement, mais avec une juste insistance, c’est que, tout en tenant compte des services rendus par les ancêtres, on n’allât pas cependant jusqu’à préférer des incapables ou des indignes pour les emplois que des roturiers intelligents et honnêtes sauraient bien mieux remplir. Et c’était peut-être là le salut, parce que c’est là, en somme, la seule raison d’être de la noblesse. Dès l’instant qu’elle ne rend plus de services signalés à l’État et qu’elle s’entête à jouir d’injurieux privilèges et à accaparer de grasses pensions, alors à quoi sert-elle ? mieux vaut l’abolir, mieux vaut chasser ces « frelons » de la ruche qu’ils encombrent et qu’ils pillent. C’est le raisonnement très simple que fera bientôt le peuple, et la noblesse succombera, parce qu’elle ne sera plus qu’un anachronisme dans une société où l’élite véritable de la nation refuse de se voir éternellement exclue de toutes les dignités de l’État. Fermer ses rangs avec cet insultant exclusivisme des édits de 1781 et 1788 inspirés par la noblesse, et cela, après l’Encyclopédie et après tous les pamphlets de Voltaire, n’était-ce pas se condamner à mourir ?
Si la juste ambition des philosophes s’accordait avec l’in-