cyclopédie, obligée, elle, de se faire entendre à demi-mot, proclame que « les souverains ne sont que les défenseurs des biens et de la liberté de leurs sujets ; ce n’est qu’à cette condition que ceux-ci se contentent d’obéir[1]. »
Rien de plus net : le pouvoir royal est fondé sur le consentement populaire et celui-ci est conditionnel : il n’est acquis qu’aux pères du peuple. Louis XVI ayant résisté à l’opinion des philosophes, qui est l’opinion publique, les patriotes, comme s’intitulent les auteurs des brochures politiques dont nous venons de parler, n’ont qu’à déduire des principes de l’Encyclopédie les conséquences, prévues d’ailleurs, on vient de le voir, par les Encyclopédistes eux-mêmes ; l’émancipation se fera, puisqu’il le faut, sans le roi, c’est-à-dire, puisqu’il l’a combattue, contre le roi aussi bien que contre les ordres privilégiés, et les conquêtes de la Révolution semblent donc inscrites d’avance dans l’Encyclopédie. Est-ce à dire que les Encyclopédistes sont pour cela les vrais auteurs de la Révolution ? et nous abordons ici la dernière question que nous avons soulevée, celle de l’influence des idées sur les événements de l’histoire et, en particulier, sur le plus grand événement des temps modernes.
Écartons avant tout les excès de 93 que tous les philosophes, sans exception, auraient sincèrement réprouvés et qu’ils auraient eu le droit de condamner, d’abord parce que le régime sanglant de la Terreur fut la négation même de ce principe d’humanité qu’ils avaient rêvé d’introduire dans les mœurs et les institutions des peuples, et ensuite parce que ce n’était pas à la populace, mais, comme s’exprimait Voltaire, « à la plus saine partie de la nation, » qu’ils auraient voulu, à défaut de la royauté, commettre le soin de réformer et de gouverner la société. Lombard de Langres, parlant de la guillotine, avait raison de dire énergiquement que « Voltaire et Jean-Jacques y auraient passé, l’un pour avoir dit que c’était payer trop cher une révolu-
- ↑ Syst. de la Nat., I, 367.