Est-ce à dire qu’il n’y eût rien de commun entre qu’on appelait pourtant d’un même nom : les Encyclopédistes ? Bien au contraire, mais voici exactement ce qu’on doit entendre par cette commune appellation : « En 1730, a écrit Lacretelle, il n’y avait point de centre commun pour des cabales qui, de moment en moment, se sous-divisaient et ne se rencontraient jamais dans un but. » Or, l’année d’après (1751), le centre commun était créé : c’était l’Encyclopédie ; et ses auteurs, en dépit des divergences que nous avons signalées, se rencontraient tous dans un même but : la guerre, secrète et sournoise d’abord, puis, à mesure que le siècle s’enhardit, plus ouverte et déclarée, à tous les abus et à tous ceux qui les défendent parce qu’ils en profitent. Il y a donc eu, et de plus en plus, parmi les Encyclopédistes, communauté, non de dogmes et de doctrines positives, mais, à la fois, d’aspirations et de rancunes ; on s’est groupé autour d’une œuvre, dont l’esprit général n’était pas douteux, pour combattre ensemble les privilégiés de tout rang et de tout habit. Si ce n’est pas là une secte, c’est bien vraiment un parti : car la raison d’être d’un parti, c’est avant tout la lutte contre un ennemi commun ; or, ici, si l’on ne s’accorde pas du tout sur ce qu’il faut croire, on s’entend parfaitement sur ce qu’il faut réformer ou détruire : « On ne tient point, disait Jean-Jacques, à son propre parti par attachement, encore moins par estime, mais uniquement par haine du parti contraire[1]. » Aujourd’hui, disait l’Assemblée générale du clergé de 1775, les incrédules, « divisés dans les objets de leur croyance, sont unis dans la révolte contre l’autorité d’une Révélation. »
Il y a donc bien deux camps en présence : d’un côté, les Encyclopédistes, et, de l’autre, tous ceux qu’ils combattent ou qui les combattent et que nous appellerons, d’un nom qui était déjà usité au dix-huitième siècle, les Anti-Encyclopédistes. Essayons de caractériser d’abord le parti des Encyclopédistes.
- ↑ Rousseau juge de Jean-Jacques : 2e Dialogue.