prise, rendu l’Encyclopédie solidaire de la thèse de l’abbé de Prades, sous prétexte que l’abbé avait collaboré à l’Encyclopédie ; de même on rendit celle-ci responsable de tout ce qu’Helvétius avait avancé dans son livre, sous ce prétexte, encore pire, qu’Helvétius était l’ami des philosophes. Or, non-seulement Helvétius n’avait pas écrit une ligne dans l’Encyclopédie, mais encore son livre avait été vivement combattu par les uns, par Diderot, par exemple, pour ses « paradoxes », tourné, et justement, en ridicule par les autres, par Voltaire surtout, à cause « des contes bleus dont il était farci », bref, désavoué par tout le parti philosophique, dont il était loin d’être le fidèle interprète ou, selon le mot qui courut alors, « d’avoir dit le secret. » On affecta pourtant de confondre les deux ouvrages et on les enveloppa dans une même condamnation : ce sera là l’ordinaire tactique des Anti-Encyclopédistes. Ne trouvant pas dans l’Encyclopédie même ce qu’ils y cherchaient, des mots pendables, ils prendront de toutes mains, ici dans Helvétius, là dans d’Holbach, et ils ne chercheront pas, ce qui eût été légitime, à montrer que certaines théories de l’Encyclopédie peuvent conduire à d’Holbach ou Helvétius, mais ils prendront, dans ces deux auteurs, les expressions les plus fortes et les idées les plus personnelles et ils les coudront perfidement, comme preuves à l’appui, aux réquisitoires qu’ils écriront à leur tour contre l’Encyclopédie. Rien ici n’était plus arbitraire et plus faux que de présenter, ainsi que le fit insidieusement Omer, le livre de l’Esprit, comme « l’abrégé de l’Encyclopédie. » C’est pourtant cette assimilation injuste qui fit prononcer et parut justifier l’arrêt du parlement contre le grand Dictionnaire ; ainsi les plaintes formulées par le clergé contre les progrès de l’impiété réveillèrent l’ardeur belliqueuse du Parlement toujours prêt à partir en guerre contre les nouveautés, et la condamnation prononcée par ce dernier provoqua la suppression du privilége accordé à l’Encyclopédie. L’Encyclopédie cessa donc pour un temps de « faire l’opprobre de la nation » et maître Omer pouvait se reposer : en attendant
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