Skelton dans son Déisme révélé (1748) ; Chubb qui, au dire de Voltaire, n’était pas de la religion de Jésus-Christ, mais regardait Jésus-Christ comme étant de la religion de Chubb ; Bolingbroke enfin, le plus superficiel, mais non le moins brillant ni le moins sceptique de tous et qu’on nous a si souvent donné pour le maître à penser de Voltaire.
Ces doctrines de tous ces penseurs indépendants ont été plusieurs fois exposées en détail[1] : nous voudrions seulement déterminer ici, et aussi exactement que possible, ce que doivent aux déistes anglais les philosophes français du dix-huitième siècle.
S’il est vrai que, de part et d’autre du détroit, c’est bien contre la religion révélée, contre ses mystères et ses miracles qu’on part en guerre, il importe avant tout de marquer combien les conditions du combat sont différentes dans les deux pays : tandis que, chez nous, un Bossuet, par exemple, considère toute « variation » comme un désordre punissable et gourmande durement le pasteur Jurieu, qui avait appelé « cruelle et barbare » la doctrine qui damne les dissidents ; en Angleterre, à la même époque, on ne voit, dans la diversité des opinions religieuses, qu’une raison de tolérance. De plus, alors qu’en Angleterre la religion traditionnelle a pour défenseurs : dans le clergé, des savants de premier ordre, tel que Berkeley et, dans les lettres, des écrivains aussi illustres qu’Addison, Swift et Pope, tandis que le déisme est prêché par de petites gens : par un simple journaliste, Toland ; par un felow de collège, Tindal, ou encore par un ouvrier gantier, Chubb ; en France, tout au contraire, les vices de l’abbé Dubois et les sottises des
- ↑ Tout d’abord dans un livre vraiment philosophique, qui n’a pas été dépassé, de Lechler : Geschichte des Englischen Deismus, 1841 ; voir aussi : Leslie Stephen, et son savant ouvrage History of english thought in the 18teenth century (1876). Notons aussi une intéressante étude (un peu trop protestante, à notre gré) de M. Ed. Sayous : Les déistes anglais et le christianisme, principalement depuis Toland jusqu’à Chubb, Fischbacher, 1882. Enfin Pattisson a inséré, sur le déisme anglais, un remarquable essai, (dont nous nous souviendrons plus loin), dans l’ouvrage anonyme intitulé : Essays and Reviews, London, 1863.