mieux « mollir », quelle pitié ! se résigner à « écrire sous la potence, quelle misère ! »
Puis, souple toujours comme « un lézard », il se retourne et il use, pour arriver à ses fins, d’un procédé tout contraire. Tantôt il chargeait d’Alembert de signifier, de sa part, à ceux qui, comme Diderot, n’abandonnaient pas l’Encyclopédie, qu’ils étaient « des lâches » : maintenant, il leur insinue, au contraire, qu’ils pourraient payer cher leur témérité ; « on prétend que la cabale dit : Oportet Diderot mori pro populo. »
Diderot ne broncha pas — jusqu’au jour où Voltaire ayant eu l’impertinence d’exiger de lui que non-seulement il lui restituât ses papiers, mais qu’il brûlât « devant M. d’Argental », son billet sur les Cacouacs, il répondît enfin à Voltaire une lettre très ferme, dans laquelle il expliquait pourquoi, ayant des engagements avec des libraires français, il ne ferait pas l’Encyclopédie à l’étranger et il terminait ainsi : « Ne soyez plus fâché et surtout ne me redemandez plus vos lettres, car je vous les renverrais et je n’oublierais jamais cette injure. Je n’ai pas vos articles ; ils sont dans les mains de M. d’Alembert, et vous le savez bien. » Il n’est rien tel que de s’entendre : Voltaire, subitement radouci, écrivit à d’Argental : « Si vous voyez ce bon Diderot, dites à ce pauvre esclave (esclave, Diderot l’était de sa parole donnée aux libraires) que je lui pardonne d’aussi bon cœur que je le plains. Il est vrai qu’il n’a pas trop de temps ».
Cependant l’Encyclopédie se poursuit sans Voltaire et même, on l’a vu, malgré lui. Que va-t-il faire, et le « méchant et extraordinaire enfant des Délices », comme l’appelait Diderot, va-t-il continuer à bouder ses anciens amis ? Il s’en gardera bien, car les Encyclopédistes, peu à peu, sont devenus à Paris les dispensateurs de la renommée et Voltaire n’est pas assez ennemi de lui-même pour s’aliéner d’aussi excellentes trompettes. Il les ménagera donc, c’est-à-dire, car c’est tout un pour lui, il les flattera outre mesure, n’aura pas assez d’éloges pour « ce grand trésor des connaissances humaines », qui est bien « le plus grand