quelques kilomètres en aval du confluent du Rio Negro avec l’Amazone, où s’est fondé la cité importante de Manaos.
Des Iluatchas, espèce de palétuviers, couvraient la rive. Ces arbres étranges aux racines aériennes, recourbées en arcs, du sommet desquelles part le tronc rugueux, prenaient, à la clarté crépusculaire, une apparence formidable et fantastique.
On eût dit des végétaux, portés par d’énormes araignées.
À travers le lacis des racines, les Bonis avaient frayé passage à l’embarcation, et l’avaient conduite jusqu’au sol ferme où le palétuvier cesse de croître.
Là on avait dressé les tentes, et comme la région avoisinante se montrait déserte, broussailleuse, sauvage, on avait allumé des feux à l’entour du campement, afin d’éloigner les fauves.
Étrange apparaissait la halte, éclairée par les flammes rougeâtres de branches résineuses du Waliaki (sapin-liane), dont les bateliers avaient fait ample provision. Les noirs semblaient des démons attisant les flammes d’enfer, et le vent, soufflant par intermittences, amenait des alternatives de lumière et d’ombre qui ajoutait à l’aspect extrahumain des choses.
Les hommes jaillissaient tout à coup de la nuit où s’y évanouissaient, tels des apparitions spectrales.
Le repas était à peine terminé, qu’un effrayant concert commença : rauquements de jaguars, rugissements de pumas (lion américain sans crinière), grognements de pécaris, hurlements d’orfraies, gémissements de gavials, sifflements de reptiles, se croisaient, se répondaient, se mêlaient en une cacophonie à faire dresser les cheveux sur la tête.
En vain, Stella et Dolorès essayèrent de s’endormir. Le vacarme était trop grand. Vers minuit, toutes deux, lasses de se retourner vainement, se glissèrent hors de leur tente et se prirent à causer.