ment édictées, de l’incendie de leurs entrailles et de la calcination de leurs os. Car il eût été bien inutile d’imaginer des épouvantails inédits, l’effet des premiers étant éprouvé. Des affiches contre l’absinthe représentent des personnages verts qui ne rajeunissent point les classiques images du diable. Les médecins sont les nouveaux prêtres qui bénéficient — encore un peu de temps, et peut-être longtemps auprès de la foule, car elle adore qu’on lui fasse peur — du prestige d’être détenteurs de mystères. Les ignorants ont un mot pour définir les autres ignorants, spécialisés : ils les appellent des savants.
À la voix de ceux-ci, l’être humain est toujours prêt à renoncer à un plaisir ou à une utilité immédiate pour se préparer un plaisir ultérieur ou pour s’éviter une douleur future. Cette conception s’est peu perfectionnée depuis l’hédonisme primitif. La supériorité du plaisir futur n’est point une supériorité de grandeur, tout son attrait vient de ce qu’il est lointain. De célèbres escrocs, qui ont joué de ce mécanisme, se sont révélés experts philosophes. La notion d’équilibre, de justice, est aussi animale et rudimentaire que celle d’épargne. Ainsi une fourmi économise en vue d’une sécurité alimentaire. Or une telle sécurité consiste en une continuité de privations. Quant à l’équilibre des plaisirs et des peines, il n’y a point de