qu’elle n’a qu’à respirer pour vivre : et cependant cette odalisque nonchalante, cette sultane paresseuse en apparence, c’est la reine de l’industrie, c’est l’active, c’est la commerçante Genève, qui compte quatre-vingt-cinq millionnaires parmi ses vingt mille enfans.
Genève, comme l’indique son étymologie celtique[1], fut fondée il y a deux mille cinq cents ans à-peu-près. César, dans ses Commentaires, latinisa la barbare et fit de Gen-ev Geneva. Antonin, à son tour, changea, dans son itinéraire, ce nom en celui de Cenabum. Grégoire de Tours, dans ses Chroniques, l’appela Janoba ; les écrivains, du huitième au quinzième siècle, la désignèrent sous celui de Gebenna ; enfin, en 1536, elle prit la dénomination de Genève, qu’elle ne quitta plus depuis.
Les premiers renseignemens que l’histoire offre sur cette ville nous sont transmis par César. Il nous apprend qu’il s’arrêta à Geneva, pour s’opposer à l’invasion des Helvétiens dans les Gaules, et que, trouvant la position favorable pour un poste militaire, il s’y retrancha. C’est alors qu’il bâtit, dans l’île qui divise le Rhône, en sortant du lac, une tour qui porte encore son nom. Genève passa donc sous la domination romaine et adopta les dieux du Capitole : un temple à Apollon fut élevé sur l’emplacement occupé aujourd’hui par l’église Saint-Pierre, et un rocher qui sortait du lac, à cent pas à-peu-près du bord, dut à sa forme et à sa situation au milieu de l’eau l’honneur d’être consacré par les pêcheurs au dieu de la mer. Vers le commencement du dix-septième siècle, on a retrouvé, en fouillant à sa base, deux petites haches et un couteau de cuivre qui servaient à égorger les animaux destinés au sacrifice. De nos jours, cet autel à Neptune s’appelle tout bonnement la pierre à Niton.
Genève demeura soumise aux Romains pendant l’espace de cinq siècles. En 426, cette mer barbare qui débordait sur l’Europe l’inonda de l’un de ses flots : les Burg-Hunds[2] en firent l’une des capitales les plus importantes de leur royaume. Ce fut pendant ce