entreprendre ce voyage, et lui prodigua ses soins jusqu’au moment de son embarquement à Portsmouth : ce fut par ses démarches qu’un passage sur la frégate la Barham fut accordé à Walter Scott, qui éprouvait une répugnance prononcée à solliciter lui-même cette faveur.
Dans le trajet d’Abbotsford à Portsmouth, rien de remarquable n’arriva à l’illustre voyageur, si ce n’est qu’il faillit être tué par un cheval aveugle, qui rentrant brusquement dans son écurie, le heurta violemment, le jeta à terre, et lui fit quelques contusions. M. Basil Hall, qui l’avait précédé à Portsmouth, pour retenir un appartement, entre dans de grands détails sur la réception qui fut faite à Walter Scott, et les attentions sans nombre dont il fut l’objet. Le commandant de la frégate, qui devait le recevoir à son bord, fit faire à la chambre du bâtiment tous les changemens qu’il crut devoir plaire à son hôte. Les autorités de toute espèce, les membres des sociétés savantes, les lords de l’amirauté eux-mêmes qui se trouvaient alors en tournée à Portsmouth, s’empressèrent de lui rendre visite. Un seul exemple suffira pour faire voir combien ces sentimens de sympathie étaient partagés par toutes les classes de la population.
« Quoique sir Walter ne marchât que peu et non sans peine, il paraissait recevoir des visites sans aucun déplaisir. La Fontaine (nom de l’hôtel où il était descendu) ne cessait d’être assiégée par la foule tant que durait la journée. Tout individu qui pouvait trouver un prétexte pour être introduit, et beaucoup même sans cette formalité d’usage, venaient lui présenter leurs respects. Pendant les trois derniers jours, l’abattement de ses esprits ayant diminué, il ne laissa passer aucun visiteur sans causer quelque temps avec lui. Il ne refusa de recevoir personne, et fit à tous l’accueil le plus cordial sans en excepter ceux qui venaient évidemment par un motif de pure curiosité. Un jour, un vieux marin de ma connaissance, nommé Bailey, après force hésitations et excuses, me demanda s’il n’y aurait pas possibilité pour lui de voir un instant sir Walter Scott, « afin de l’entendre parler ». Je lui répondis que rien n’était plus aisé, et qu’en apportant les lettres de la poste, suivant son habitude, il lui suffirait de faire savoir qu’il voulait les remettre en personne. Le lendemain matin, pendant le déjeuner, le domestique de l’hôtel, qui nous servait, me dit : Bailey, monsieur, désire remettre à sir Walter lui-même les lettres qu’il a pour lui, et prétend que vous lui avez recommandé d’agir ainsi. » Sir Walter se tourna de mon côté, et se mit à rire ; mais quand je lui eus expliqué l’affaire, il ordonna de faire monter l’honnête marin, et lui dit en lui tendant la main, « j’espère que vous êtes content, maintenant que vous m’avez entendu parler. »