apparaissent au sein de ces bocages. Ainsi dans le Berceau d’Hélène :
Mais au fond du tableau, cherchant des yeux sa proie,
J’ai vu… je vois encor s’avancer le Malheur.
Il errait comme une ombre, il attristait ma joie
Sous les traits d’un vieil oiseleur.
Nous n’insistons sur ces alentours que pour les caractériser, et sans idée de blâme. Qu’importe après tout le costume, le convenu inévitable qu’on revêt à son insu ? il en faut un toujours. Nous qui avons succédé à ce goût, qui en avons d’abord senti les défauts et avons réagi contre, nous commençons à discerner les nôtres ; à force de prétention au vrai et au réel, un certain factice aussi nous a gagnés ; quel effet produiront bientôt nos couleurs, nos rimes, nos images, nos étoffes habituelles ? Beaucoup de ce qui nous frappe dans le cadre et le vêtement ne sera pardonné que pour le génie qui rayonnera, pour l’âme qui palpitera derrière. Les épithètes métaphysiques de Mme Valmore m’ont remis en idée ce que j’ai eu le tort de trancher autrefois. Non, l’épithète propre et pittoresque ne remplace pas toujours la première avec avantage ; non, toutes les nuances du prisme, en les supposant exprimables par des paroles, ne suppléent pas, ne satisfont pas aux nuances infinies du sentiment ; non, le ciel en courroux n’est pas nécessairement détrôné par le ciel noir et brumeux ; les doigts délicats ne le cèdent pas à jamais aux doigts blancs et longs. Lamartine a dit admirablement :
Assis aux bords déserts des lacs mélancoliques… ;
il n’y a pas de lac bleu qui équivaille à cela. Les métaphores elles-mêmes, les images prolongées qui ne sont en jeu que pour traduire une pensée ou une émotion, n’ont pas toujours besoin d’une rigueur, d’une analogie continue, qui, en les rendant plus irréprochables aux yeux, les raidit, les matérialise trop, les dépayse de l’esprit où elles sont nées et auquel en définitive elles s’adressent ; l’esprit souvent se complaît mieux à les entendre à demi-mot, à les combler dans leurs négligences ; il y met du sien, il les achève.