enchérissant encore sur les éloges que l’on en faisait, assura qu’il n’y avait pas sous le soleil un couple plus parlait que celui que formaient ce marquis et sa femme, ajoutant que si le mari se faisait remarquer parmi tous les chevaliers de renom, son épouse était la plus belle et la plus vertueuse de toutes les femmes.
Ces paroles firent une impression si vive sur l’imagination du roi de France, que, d’après ces mots seulement et sans avoir vu la dame, il se sentit pris d’amour pour elle. Il résolut donc, pour faire le grand voyage qu’il méditait, d’aller s’embarquer à Gênes, afin d’avoir le prétexte de saluer en passant la marquise de Montferrat, se flattant un peu qu’en l’absence du mari il pourrait ne pas mal passer son temps auprès de la femme. Il se mit donc en route, et près de mettre le pied sur les terres de la marquise, il envoya un jour d’avance un officier de confiance pour la prier de vouloir bien le recevoir le lendemain à dîner. Prudente et spirituelle, la marquise fit répondre qu’elle était bien sensible à l’honneur qui lui avait été fait, et que le roi serait le bien venu. Toutefois elle ne tarda pas à faire des réflexions sur la démarche singulière du prince, et soupçonna ce qui était, que les bruits flatteurs répandus sur son compte lui valaient l’honneur de cette visite.
En noble dame de maison, la marquise disposa tout pour recevoir son hôte royal. Plusieurs hommes dévoués à son service ayant été chargés de différentes commissions, elle ne s’en reposa que sur elle-même du soin de veiller aux apprêts du repas. Sans perdre de temps, elle fit rassembler toutes les poules que l’on pût trouver dans le pays, et après avoir fait distribuer cette seule espèce de viande à ses cuisiniers, elle leur ordonna de les accommoder diversement pour le banquet royal.
Le lendemain, le roi arriva, et fut reçu par la marquise avec les honneurs qui lui étaient dus. Le prince, tout favorablement prévenu qu’il pouvait être par les éloges que le chevalier lui avait faits de la dame, la trouva plus aimable, plus séduisante encore qu’il ne se l’était imaginé. Il ne put contenir son admiration et fit hautement les louanges des charmes de la marquise ; car son goût pour elle était devenu plus vif encore, depuis que les rêves de son imagination se trouvaient réalisés. Après que l’on eut pris quelque repos dans une salle soigneusement ornée, selon l’étiquette qui doit s’observer auprès d’un si grand roi, le moment du dîner arriva. Le roi et la marquise s’assirent à la même table, et toutes les personnes de la suite prirent place, selon leurs rangs, à des couverts dressés exprès. Le roi mangea successivement de plusieurs mets, but des vins exquis, et, sans rien perdre de la satisfaction que lui causait la vue de la belle marquise, prit grand plaisir à bien dîner. Quand son appétit fut un peu calmé, il