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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/560

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REVUE DES DEUX MONDES.

vous me faites, et où vous pourrez apprendre la vérité. Vous y verrez d’ailleurs avec quelle éloquence et quel bonheur cet homme rare traite de l’histoire de Naples. Cet extrait est tiré du 3e livre. Adieu, je cesse de vous écrire, car on m’appelle pour souper.

« De Bologne le 21e jour de janvier 1587. »


« Syligaitha, fille naturelle de l’empereur Frédéric ii, sœur de Conrad iv, comtesse de Caserte, s’était déclarée contre les entreprises de sa famille et pour la cause des Casertins que les Allemands voulaient soumettre, ainsi que toute la Pouille et la Calabre, à l’empire. Mainfroi, également fils naturel de Frédéric ii, mais issu d’une autre mère que celle de Syligaitha, soutenait, au contraire, les intérêts de Conrad. Mainfroi était jeune alors ; sa figure était belle, son caractère audacieux et entreprenant, et son esprit à la fois délié et plein de force. Sous prétexte d’étendre les possessions de l’empereur son frère en Italie, il donnait un libre cours à ses fureurs guerrières en mettant la Pouille à feu et à sang. Pendant ces troubles, Renaud, comte de Caserte et époux de Syligaitha, se tenait tranquille dans son palais, auprès de sa femme, observant avec une joie maligne toutes les horreurs qui se commettaient autour de ses états, dans l’idée qu’elles entraîneraient la perte des princes ses voisins et ses rivaux. Il applaudissait même aux violences exercées par son beau-frère Mainfroi, ne se doutant pas qu’il aurait un jour à en souffrir lui-même.

« Le caractère ardent de Mainfroi lui faisait porter tout à l’extrême. Il méprisait le danger tout autant qu’il aimait la gloire, et il nourrissait au fond de son cœur une passion insurmontable pour les plaisirs de l’amour. Dans les entreprises où cette dernière disposition l’entraînait, il montrait une hardiesse extraordinaire, les difficultés étaient toujours, un attrait de plus pour lui. On s’explique alors comment il conçut la plus violente passion pour Syligaitha sa sœur. C’était peu pour lui que les relations politiques qu’il avait avec elle, lui donnassent l’apparence de son ennemi, il ne tint pas plus compte de cet obstacle que du souvenir de son père Frédéric, et des droits de son beau frère Renaud, auxquels il voulait attenter. Mettant donc toutes ces considérations de côté, il médita son projet criminel, et se prépara, au mépris des lois divines et humaines, à satisfaire la passion que lui inspirait Syligaitha.

« Cette princesse, dit la vieille chronique napolitaine, était jeune, belle et d’une taille avantageuse. Elle avait le teint éclatant, le regard vif ; ses cheveux blonds et bouclés descendaient le long de son front vraiment royal, et il y avait dans toute l’habitude de sa personne un certain je ne sais quoi qui lui soumettait tous ceux qui la voyaient. À ces dons, elle