contre le bourgeois et le drapeau aux bandes de sang est une lutte vieille et acharnée. Il se rappelle encore avoir suivi la marche des bleus dans son pays, à la lueur des fermes incendiées. Insouciant et timide en apparence, il sent se réveiller facilement ses rancunes. Les souvenirs de 93 et de 1815 sont ensevelis dans son cœur, comme ces balles perdues au milieu des chairs, dont l’œil ne peut apercevoir la trace, mais qui éveillent fréquemment un ressentiment douloureux. Méfiez-vous de son apathie sournoise, de sa timidité niaise et de l’humilité courtisanesque avec laquelle il vous tire son petit chapeau bien bas ; la ceinture de sa braie gauloise sait, au besoin, cacher un couteau ! Du reste, sa vengeance est silencieuse et résignée. Elle sait attendre sans colère, tuer modestement, sans éclat et pour elle seule ; vengeance qui fuit les applaudissemens du monde et se contente de ses joies cachées ; mais tenace surtout, aussi solide que la poitrine de fer qui la renferme, et ne cédant ni à la prière, ni au temps. Nous pourrions rappeler mille exemples de ces fortes et patientes haines, fréquentes en Cornouaille et inconnues à nos âmes changeantes et éventées, d’où la colère sort en bouffées rapides comme d’une outre que déchire le moindre choc.
Les vêtemens du Kernewote sont de couleurs vives et bordés de gances éclatantes ; souvent on écrit sur le devant de l’habit, en laines bariolées, la date de la coupe et même le nom du tailleur. Du côté des montagnes, les culottes sont courtes, serrées, et également propres à la danse et au combat. Vers Quimper, au contraire, ce sont de larges braies tombantes, qui rendent tous les mouvemens embarrassés, et ne permettent point de courir. La noblesse, dit un ancien auteur, imposa ce costume incommode aux gens de servage, afin qu’ils ne pussent marcher trop vite sur la route de la révolte. Les chapeaux du Kernewote, à bords peu larges, et légèrement relevés, sont ornés de chenilles de mille couleurs qui volent au vent. La ceinture de cuir, bouclée en cuivre, ne se porte que dans les montagnes et seulement sur les vêtemens de travail qui sont en toile piquée. Le costume des femmes est également composé d’étoffes fort en couleur, il est galant, leste et gracieux. Dans certains cantons, il rappelle beaucoup celui des Suissesses des environs de Berne,
Les mœurs de la Cornouaille ne sont ni moins variées ni moins bizarres que ses aspects : comme dans le reste de la Bretagne, la teinte religieuse s’y fait sentir, mais elle se nuance pourtant de la gaîté légère et rieuse