D’abord, il va sans dire que les élections, toutes ministérielles qu’elles soient, ne constituent pas une approbation absolue de la conduite du ministère, et que les électeurs qui ont envoyé aux chambres les députés que, par un étrange abus de mot, on nomme constitutionnels, n’ont entendu ratifier ni les marchés scandaleux, ni les pots-de-vin, ni les actes arbitraires, ni les abus, ni les désordres de toute espèce qui ont été signalés dans ces derniers temps. Tôt ou tard viendra le jour d’apurer tous ces comptes scandaleux, et le ministre qui ne pourra les justifier, aura beau lever les mains au ciel et s’écrier qu’il a sauvé la patrie, nous doutons que la chambre et les électeurs le suivent au Capitole ! Il serait donc plus prudent de les apurer en famille, c’est-à-dire, grâce à la non-responsabilité ministérielle établie par la charte-vérité, de pourvoir quelques collègues d’une pairie ou d’une ambassade, peut-être de ces deux choses à la fois, et de les remplacer par d’autres qui puissent venir, le front levé, se placer à la tête de cette majorité qui ne connaît pas encore bien le nom de ses chefs. Hâtons-nous de dire que ce ne sont encore là que des bruits qui courent, des projets qui transpirent à peine, et que se murmurent à l’oreille les esprits clairvoyans qui ont osé les concevoir. Tel qu’on félicite et que l’on congratule comme l’unique auteur de la grande victoire électorale, ne se doute pas que les mains qui pressent la sienne, s’unissent pour le repousser, et que, tout en louant son habileté, on blâme assez ouvertement les moyens qu’elle emploie pour réussir.
Quels moyens, en effet ! On a conservé les pamphlets de la ligue et de la fronde, les sales productions de la régence ; mais ce serait une source bien plus curieuse, et bien instructive pour l’historien futur du régime actuel, que la collection des biographies scandaleuses et des écrits diffamatoires lancés sur tous les points de la France contre les candidats libéraux, à l’occasion des dernières élections. En regard de cette volumineuse collection, il serait bon de placer la liste des concessions et des faveurs faites ou promises pour soutenir les candidats ministériels. On y verrait, ici des ordres donnés à des régimens de cavalerie pour aller tenir garnison dans une ville, comme il arriva pour l’élection de M. Humann, à Schelestadt, qu’on leurra de l’espoir de posséder un régiment de dragons : à Vendôme, et dans tout le pays où le 4e régiment de hussards se montra de ville en ville pour allécher partout les électeurs. Là, un administrateur des ponts-et-chaussées promettait un pavé magnifique à la ville, et Mortain eut ainsi à se décider entre des pierres neuves et un mandataire usé. Ailleurs, ce n’était ni de la cavalerie, ni des pavés, mais un pont ou une route ; point de député ministériel, point de pont, ni de route, on n’en faisait pas mystère, et les lettres du ministre étaient expresses. En d’autres lieux, à