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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/173

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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

caractère typique, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui faisait le mal par goût, comme les autres Barbares le faisaient par passion ou par intérêt[1]. On racontait de lui des traits d’une cruauté vraiment fabuleuse, comme ceux que la tradition populaire impute à quelques châtelains des temps féodaux, et dont le souvenir reste attaché aux ruines de leurs donjons. Lorsqu’il soupait, éclairé par un esclave qui tenait à la main une torche de cire, un de ses jeux favoris était de forcer le pauvre esclave à éteindre son flambeau contre ses jambes nues, puis à le rallumer et à l’éteindre encore plusieurs fois de la même manière. Plus la brûlure était profonde, plus le duc Raukhing s’amusait et riait des contorsions du malheureux soumis à cette espèce de torture[2]. Il fit enterrer vifs, dans la même fosse, deux de ses colons, un jeune homme et une jeune fille, coupables de s’être mariés sans son aveu, et qu’à la prière d’un prêtre il avait juré de ne point séparer. « J’ai tenu mon serment, disait-il avec un ricanement féroce ; ils sont ensemble pour l’éternité[3]. »

Cet homme terrible, dont l’insolence envers la reine Brunehilde passait toute mesure et dont la conduite était une rébellion permanente, avait, pour acolytes ordinaires, Bertefred et Ursio, l’un Germain d’origine, l’autre fils d’un Gallo-Romain, mais imbu à fond de la rudesse et de la violence des mœurs germaniques. Dans leur opposition sauvage, ils s’attaquaient non-seulement à la reine, mais à quiconque tâchait de s’entendre avec elle pour le maintien

  1. Rauchingus vir omni vanitate repletus, superbiâ tumidus, elatione protervus : qui se ità cum subjectis agebat, ut non cognosceret in se aliquid humanitatis habere, sed ultrà modum humanæ malitiæ atque stultitiæ in suos desœviens nefanda mala gerebat. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 233.
  2. Nam si ante eum, ut adsolet, convivio urentem puer cereum tenuisset, nudari ejus tibias faciebat, atque tamdiù in his cereum comprimi, donec lumine privaretur : iterùm cum inluminatus fuisset, similiter faciebat, usque dùm totæ tibiæ famuli tenentis exurerentur ; fiebatque ut, hoc flente, iste magnâ laetitiâ exsultaret. ibid., pag. 234.
  3. Sepelivitque eos viventes dicens : « Quia non frustravi juramentum meum, ut non separarentur hi in sempiternum… » In talibus enim operibus valdè nequissimus erat, nullam aliam habens potiùs utilitatem, nisi in cachinnis ac dolis. ibid.