L’Alhambra du Kremlin, le Wolga de la Seine,
Le levant du couchant, Toulon de Sainte-Hélène.
Le désert a trop peu de sable et de cimens
Pour me bâtir ma gloire en tous ses fondemens,
Et trop peu l’Océan d’écume et de fumée
Pour porter haut son faîte avec ma renommée.
Au gré de mon esprit, ah ! si ces vastes cieux
Se courbaient sous mes pas, et lisaient dans mes yeux !
Comme des bataillons qui versent l’épouvante,
Si les orages noirs me prenaient sous leur tente !
Comme d’un étendard, ah ! si l’éternité
M’entourait de sa nue et de l’immensité !
Si j’avais l’infini pour lancer mon génie,
Ainsi qu’un cavalier en une plaine unie !
Si, pour me sacrer roi, chaque étoile à mon nom,
En me parlant tout bas, attachait son rayon,
Alors, je serais roi… roi, comme il le faut être,
Plus que l’homme et que l’ange… et satisfait peut-être.
Mais le néant m’obsède et ne me quitte pas :
Est-ce la sentinelle attachée à mes pas ?
Si je veux avancer où mon esprit m’envoie,
Toujours il est debout pour me fermer la voie.
Arcole, Marengo, Lodi, Wagram, Iéna,
Ces pesans noms de bronze, il les use déjà.
J’ai suivi jusqu’au bout le chemin de la guerre ;
J’ai monté le sommet le plus haut de la terre ;
J’ai passé l’espérance et quitté le désir.
Que trouve-t-on plus loin ? Si je pouvais gravir
Le penchant de mon rêve et m’asseoir à sa cime,
Sur son autre penchant que voit-on dans l’abîme ?
Pour passer cette nuit qui ne finit jamais,
Dans quelle capitale établir mon palais ?
Il faut trop me baisser sous la porte de Vienne,
Et de l’Escurial la tour est trop ancienne ;