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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/455

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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

continua quelque temps encore à suivre les écoles publiques, mais l’épée au côté, et comme prêt à se joindre à l’armée catholique pour laver de son propre sang ce qu’il regardait comme une tache à son nom.

Il atteignit ainsi sa dix-septième année.

La Provence était alors gouvernée par un fils que Henri ii avait eu d’une fille d’honneur de l’infortunée Marie Stuart, lequel était grand-prieur de France avec le titre de duc d’Angoulême. Malherbe alla le rejoindre, pour ne le quitter plus. Ce fut auprès de lui et sur lui qu’il commença son apprentissage de critique réformateur ; car le grand-prieur se mêlait de faire des vers. Si les vers étaient mauvais, Malherbe n’était pas courtisan. Aussi le grand-prieur n’osait-il directement lui demander son avis. Un jour, content d’un sonnet qu’il avait fait, il s’en vint trouver Duperrier et lui dit : « Montrez ce sonnet à Malherbe, et le donnez pour vôtre. » Malherbe entra, qui lut le sonnet. « Bah ! dit-il, c’est tout comme si c’était monsieur le grand-prieur qui l’eût fait. » Il donnait noblement pour raison à la sévérité de ses jugemens qu’il ne convenait pas à un prince de faire un ouvrage médiocre.

La première passion qui inspira des vers à Malherbe eut pour objet une jeune et belle Provençale que le poète a quelque part appelée Nérée, anagramme sous lequel il est aisé de retrouver ce nom de Renée, si commun en Provence. Il l’aima vainement, et, quoiqu’il ne fût pas homme, c’est lui qui parle, à courtiser long-temps qui ne le payait de retour, il soupira pendant quatre années. Lorsqu’il se sentit enfin la force de rompre sa chaîne, il jeta pour adieu à la femme qu’il avait aimée quelques stances assez fières, mais dont le dépit éloquent décèle encore la passion.


... Et vos jeunes beautés flétriront comme l’herbe
Que l’on a trop foulée, et qui ne fleurit plus.

Si je passe en ce temps dedans votre province,
Vous voyant sans beautés, et moi rempli d’honneur,
Car peut-être qu’alors les bienfaits d’un grand prince
Mariront ma fortune avecque le bonheur :