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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/494

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REVUE DES DEUX MONDES.

la quasi-légitimité, posé par M. Guizot. Il n’a point d’amitié personnelle pour le ministre ; la morgue doctrinaire n’est point de ses goûts, mais cette théorie conservatrice qui le rapproche tant des souverains de l’Europe, lui plaît ; il la caresse avec complaisance, d’où il résulte que la puissance de M. Guizot a grandi dans son esprit. M. Thiers, qui, à l’origine, avait songé à sacrifier M. Guizot en se rattachant à M. Dupin, voyant cette faveur toute nouvelle, cet accroissement de pouvoir dans les mains de son collègue, s’est rapproché de lui, parce qu’il a vu qu’il serait impossible de le démolir. S’éloignant dès-lors du tiers-parti, il a fait cause commune avec M. Guizot, et de là cette fureur et cette violence, cette expression de parti eunuque lancée contre la coterie de M. Dupin. D’un autre côté, le tiers-parti désappointé, voyant qu’il ne pouvait pas entrer actuellement au ministère, a éclaté en colère ; mais comme toutes ces colères ne produisent à la fin que des phrases, comme il est véritablement eunuque, et qu’il s’est laissé escamoter une discussion d’adresse en une séance, M. Thiers et M. Guizot s’en sont moqués, et ils ont traversé en commune intelligence cette courte session.

Ce qui se passe maintenant dans le conseil est chose assez curieuse. Toutes les nuances entourent le maréchal Gérard, pour le faire servir de pivot à toutes les combinaisons ; toutes ont des espérances en lui, et le plus faible des caractères, l’indolence la mieux constatée est prônée par tous les partis ; et pourquoi ? C’est que, personnification de l’honneur et de la franchise militaire, le maréchal peut seconder tout le monde sans que personne soit blessé par lui. Toute intrigue cherche un homme de considération pour drapeau ; quand elle l’a trouvé, elle le montre pour se justifier et se laver. Au milieu de toutes ces dissidences du conseil, de ces disputes d’intérieur de M. de Rigny qui boude, de M. Guizot qui endoctrine, de M. Thiers qui tripote, de l’amiral Jacob qui sommeille, de M. Duchâtel qui écrit, de M. Humann qui murmure, de M. Persil, nouvel Achille, qui s’est retiré sous sa tente, le roi travaille, agit avec une persévérance remarquable. Si le principe constitutionnel est blessé par cette action directe du roi dans les affaires, l’histoire impartiale lui tiendra compte des sueurs, des soucis de la royauté. Louis-Philippe jouit d’une haute réputation de capacité active et vigilante en Europe. Les ambassadeurs ont ordre de traiter surtout avec lui des grandes négociations. Le roi serait très fâché qu’il y eût unité de vues dans le ministère, avec une présidence de capacité et de volonté ; comment pourrait-il alors en effet dominer son système, gouverner et régner dans le sens le plus puissant de ce mot ? Ces divisions lui plaisent ; il les nourrit, les fortifie ; et quand il se trouve un homme de fermeté et de consistance dans le cabinet, son premier soin est de le briser, pour lui substituer un complaisant ; sous ce rapport, il est aujourd’hui parfaitement servi : il n’a pas sous sa main une volonté capable de résistance, c’est une admirable collection de caractères souples et obéissans.

Au reste, le roi attend M. de Talleyrand à Paris, si des événemens imprévus ne retiennent notre ambassadeur à Londres ; on sait que Louis-Philippe a une très haute considération pour le diplomate qui lui conseilla