22 mai. — Arrivés à pied à Châlons, par une chaleur excessive, les mains liées et traînés par toute la ville avant d’arriver à la prison. Prison mal tenue, lits malpropres et geôlier spéculant sur la bourse des prisonniers.
23 mai. — À dix heures, arrivés à Chagny, la prison est dans une tour. Le geôlier laisse le fumier pourrir dans le donjon où le pauvre prisonnier est obligé de dormir ; l’air en est infecté, et il n’y a pas de constitution assez robuste pour résister un seul instant. Plusieurs patriotes vinrent nous voir et dînèrent avec nous, sur la terre, le geôlier nous ayant refusé une table et des chaises. Nous passâmes une bien cruelle nuit, et nous dénonçons à la honte publique le geôlier, qui est à la fois bedeau, commissaire de police, sonneur et garde-chasse.
24 mai. — À six heures, nous quittâmes Chagny, avec une escorte composée d’un brigadier et de gendarmes. Bonnes gens, braves soldats ; ils refusèrent de nous enchaîner.
25 mai. — Partis d’Arnay à six heures. Les gendarmes nous mirent la chaîne au cou et nous placèrent dans la charrette payée par nous. Nous atteignîmes Saulieu à midi. Comme c’était dimanche, le peuple se rassemblait dans les rues pour nous voir passer, et plus d’une voix d’indignation se fit entendre en voyant la manière dont nous étions traités. La prison est bonne, le geôlier un honnête homme. Il nous fit servir notre dîner dans notre chambre, par sa jeune et aimable fille. M. Poteau, le médecin, homme sans éducation, déclara, sans nous avoir questionnés, que nous étions en état de faire la route à pied, et ainsi on nous refusa une charrette.
26 mai. — Nous quittâmes Saulieu à six heures Les gendarmes ne nous lièrent point, et nous arrivâmes à deux heures à Avallon, jolie petite ville. Le sous-préfet, par un sentiment d’humanité, nous procura gratis des moyens de transport pour le lendemain jusqu’à Vermanton. Bonne prison : nuit passable ; le geôlier et sa femme honnêtes gens.
27 mai. — Partis d’Avallon à six heures ; à dix arrivés à Vermanton. Nous fûmes mis dans une vieille tour, dans un obscur et humide donjon, n’ayant qu’un peu de paille sale pour lits. Obligés de veiller toute la nuit pour nous protéger contre les couleuvres et les énormes rats qui rendent souvent visite aux prisonniers. Les gendarmes de cette brigade ont des cœurs d’airain. La femme du geôlier nous demanda fort cher pour une petite soupe et quelques œufs qu’elle nous servit. Cinq officiers polonais et deux réfugiés italiens vinrent nous voir. Ces frères d’exil versèrent des pleurs d’indignation en voyant l’horrible lieu où nous étions.
28 mai. — Partis à cinq heures du matin, enchaînés comme des voleurs de grand chemin, sur une misérable charrette pour laquelle nous payâmes. Arrivés à Auxerre. Le geôlier de la prison est un bossu qui ........
............... Cet homme nous mit dans la partie de la prison destinée aux derniers criminels. Nous demandâmes des lits en offrant de payer, il nous refusa. Nous fûmes forcés de nous coucher trois dans un lit, qu’un prisonnier touché d’un sentiment d’humanité nous céda. Nous payâmes fort cher le peu de nourriture qui nous fut donné.
29 mai. — Nous quittâmes Auxerre à six heures, enchaînés, comme d’ordinaire, et payant la charrette sur laquelle nous étions attachés.
30 mai. — À midi nous étions à Sens ; bonne prison et bons lits. Je reçus une lettre de ma femme.
31 mai. — À midi, à Montereau ; la prison est tolérable, et les lits sont bons. Le geôlier, un homme dur qui nous fit payer très-cher notre nourriture. On nous refusa, comme d’ordinaire, le paiement du transport.
1er juin. — Nous quittâmes Montereau enchaînés sur une charrette ; nous arrivâmes à midi à Melun. Comme c’était fête, le peuple s’assembla autour de nous. Nous fûmes jetés dans une grande prison où étaient d’autres criminels ; la malpropreté et la vermine abondantes ; la nourriture en petite quantité et fort chère ; ainsi nous ne pûmes avoir pour toute notre journée qu’une demi-bouteille de vin.