qu’une formule pour dégager l’inconnue, une méthode pour résoudre le grand problème des institutions nouvelles, un appareil fixe sous lequel les os brisés et les chairs divisées auraient le temps de se rejoindre et de se raffermir. Le 20 mars, rechute terrible, dernier et violent assaut des forces anti-sociales, ne parut à M. Ballanche que récapituler, à vrai dire, les faits antérieurs dans une unité dramatique, sans rien changer aux termes fondamentaux de la question. Pourtant, les passions exaspérées en divers sens ne l’entendaient pas ainsi, et la guérison sociale au moyen de la Charte en était très compromise. C’est alors que M. Ballanche, désormais fixé à Paris, tout solitaire et pensif au milieu d’un monde d’élite, eut l’idée de se porter pour conciliateur, pour interprète pacifique des difficultés flagrantes, et l’Essai sur les Institutions sociales dut paraître avant l’ouverture des chambres de 1817, dans le but louable, bien que certainement illusoire, de les éclairer. Quelques obstacles retardèrent d’un an cette publication. L’Essai est donc à la fois un livre de théorie, et je dirai presque, une brochure de circonstance. Mais si l’on regrette fréquemment que cette application à des conjonctures trop spéciales préoccupe l’auteur, s’il se détourne à tout moment pour s’inquiéter des opinions trop particulières d’alors, s’il se retranche une foule de précieux développemens, de peur que l’ouvrage ne soit hors de proportion avec le but, le caractère général l’emporte suffisamment, et la doctrine philosophique y obtient une belle part. Dans la pensée de M. Ballanche, l’Essai, en même temps qu’il répondait aux difficultés politiques du moment, devait servir comme de prolégomènes au poème d’Orphée déjà conçu en 1816. Ainsi que dans les autres Prolégomènes qui sont en tête de la Palingénésie, et en général ainsi que dans tous les écrits de M. Ballanche qui n’ont pas revêtu la forme poétique, la composition n’est pas très distinctement établie. Ce n’est pas à l’aide d’un lien logique évident, que l’on peut serrer de près l’auteur en ses chapitres et discours ; il procède d’habitude par des analogies cachées dont quelquefois le rapport échappe et qui ont l’air de digressions ; il avance par cercles et circuits. Il y a chez lui un grand effort de tout dire à la fois, un embarras de choisir et comme un bégaiement entre des pensées qui sont toutes pour lui co-existantes et contemporaines, ou plutôt qui ne sont qu’une seule
Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/703
Apparence
Cette page a été validée par deux contributeurs.
699
POÈTES ET PHILOSOPHES MODERNES DE LA FRANCE.