Belle et enviée, facile à l’enthousiasme et pourtant réfléchie, entourée d’hommages empressés, elle a pesé dans le silence les applaudissemens de la foule ; elle s’est demandé ce que valait l’amour de ces parleurs emmiellés, et elle s’est étonnée de son indifférence.
Sa pensée indocile voulait un dieu ou un esclave. Dieu ne pouvait descendre jusqu’à elle ou l’élever jusqu’à lui. Mais un jour l’esclave s’est rencontré : Sylvia s’est résignée à commander, et quelques jours ont suffi à sa volonté pour se lasser de l’obéissance.
Elle a sillonné de ses caprices le cœur qu’elle avait choisi ; elle a vécu libre et adorée ; elle a lu dans le regard fidèle de son amant la divinité de sa puissance. Chaque jour, à son réveil, elle a retrouvé la prière sur les lèvres qui la couvraient de baisers.
Mais sa force, dont elle était si glorieuse, demeurait oisive et inutile. Sa vie toute frayée lui défendait la lutte qu’elle avait si long-temps espérée ; pas une ronce sur sa route que sa main pût écarter ; partout une plaine unie et bordée de frais ombrages ; à la fin de chaque jour un abri sûr et paisible. Quelle honte, n’est-ce pas, pour celle qui voulait le combat et les blessures ? Elle se trouvait malheureuse dans la paix et la sécurité, et ne comprenait pas que le bonheur était au-dessous de ses vœux. Elle rougissait du facile contentement qu’elle n’avait pas souhaité, et soupirait après la gloire douloureuse qui lui échappait.
Son insatiable ambition s’exaltait de jour en jour et s’épuisait en desseins irréalisables. La jeunesse et la beauté lui semblaient peu de chose. Ce qu’elle appelait de ses larmes désolées, c’était l’amour de son ame elle-même, de son ame vieillie avant l’âge. Chacune des caresses qu’elle recevait la dégradait à ses yeux. L’émotion et l’extase de son amant la mettaient de niveau avec les autres femmes. Elle se savait, elle se croyait du moins bien au-dessus d’elles et de leurs joies, et cette égalité fatale la révoltait comme un châtiment immérité.
Nul amour humain ne pouvait combler l’abîme creusé autour d’elle. Sa fierté solitaire agrandissait d’heure en heure l’espace qui la séparait de la foule, et rendait la mésintelligence de plus en plus irréconciliable.
Sylvia n’était plus une femme. Le dédain avait tari chez elle les sources de la tendresse. Le pardon qu’elle accordait n’était qu’une