Qu’as-tu fait pour mourir, ô noble créature,
Belle image de Dieu, qui donnais en chemin
Au riche un peu de joie, au malheureux du pain ?
Ah ! qui donc frappe ainsi dans la mère nature,
Et quel faucheur aveugle, affamé de pâture,
Sur les meilleurs de nous ose porter la main ?
Ne suffit-il donc pas à l’ange de ténèbres
Qu’à peine, de ce temps, il nous reste un grand nom ?
Que Géricault, Cuvier, Schiller, Goëthe et Byron,
Soient endormis d’hier sous les dalles funèbres,
Et que nous ayons vu tant d’autres morts célèbres
Dans l’abime entr’ouvert suivre Napoléon ?
Nous faut-il perdre encor nos têtes les plus chères,
Et venir en pleurant leur fermer les paupières,
Dès qu’un rayon d’espoir a brillé dans leurs yeux ?
Le ciel, de ses élus, devient-il envieux ?
Ou faut-il croire, hélas ! ce que disaient nos pères,
Que, lorsqu’on meurt si jeune, on est aimé des dieux ?
Ah ! combien depuis peu sont partis pleins de vie !
Sous les cyprès anciens que de saules nouveaux !
La cendre de Robert à peine refroidie,
Bellini tombe et meurt. — Une lente agonie
Traîne Carrel sanglant à l’éternel repos.
Le seuil de notre siècle est pavé de tombeaux.
Que nous restera-t-il, si l’ombre insatiable,
Dès que nous bâtissons, vient tout ensevelir ?