vraie de l’éditeur naturel qui y jetait comme une tache de sang, par la grace neuve de cette poésie exhumée, et par la passion portée çà et là dans quelques sentimens doux et purs. Ces regrets d’abord marqués sur les insultes d’Albion, sur les malheurs et les infortunes des Lys, devinrent un à-propos de circonstance, auquel l’auteur n’avait guère pu songer si, comme on l’assure, son manuscrit était antérieur à l’émigration[1]. Mais toutes les femmes et les mères surent bientôt et chantèrent les Verselets à mon premier-né sur la musique de Berton :
Ô cher enfantelet, vrai pourtraict de ton père,
Dors sur le sein que ta bouche a pressé !
Dors, petiot ; clos, ami, sur le sein de ta mère,
Tien doux œillet par le somme oppressé !
Ce ne sera pas faire tort à cette adorable pièce de rappeler que le motif, qu’on a rapproché souvent de celui de la Danaë de Simonide, paraît emprunté plus immédiatement à deux romances de Berquin, nées en effet de la veille : l’une (1776) dont le refrain est bien connu :
Dors, mon enfant, clos ta paupière,
Tes cris me déchirent le cœur…
et l’autre (1777), qui n’est plus dans la bouche d’une mère, mais dans celle du poète lui-même auprès du berceau d’un enfant endormi :
Heureux enfant, que je t’envie
Ton innocence et ton bonheur !
Ah ! garde bien toute ta vie
La paix qui règne dans ton cœur.
Que ne peut l’image touchante
Du seul âge heureux parmi nous !
Ce jour peut-être où je le chante
De mes jours est-il le plus doux…
- ↑ Dans le séjour pourtant qu’il fit à Lausanne en 1797, et pendant lequel il préludait à sa publication par des morceaux insérés dans le journal de Mme de Polier, M. de Surville put retoucher assez la première pièce, l’Héroïde à Bérenger, pour lui donner cet air de prophétie finale :
Peuple égaré, quel sera ton réveil ?
Ne m’entend, se complaît à s’abreuver de larmes,
Tise les feux qui le vont dévorans.
Mieux ne vaudroit, hélas ! repos que tant d’alarmes,
Et roi si preux que cent lâches tyrans ?…