actuelle est chrétienne par le cœur, philosophe par la tête ; elle doit imprimer ce double caractère au système de secours qu’elle médite pour les enfans trouvés. Conservons le tour encore quelque temps, puisque le tour est après tout une garantie d’existence pour les nouveau-nés ; mais cherchons à lui substituer des garanties meilleures, en réveillant dans le cœur de la femme le sentiment de la maternité.
Il faut remonter aux temps les plus orageux de la révolution pour trouver le germe de l’idée féconde qui doit, selon nous, transformer le service des enfans trouvés. Une loi du 28 juin 1793 offrait des secours aux mères, pour arrêter celles que la misère portait à exposer leurs enfans. Le législateur avait en vue d’encourager ainsi l’amour maternel et de faire tourner cet amour au profit du nouveau-né. L’état se montra prodigue de secours. Toute fille qui déclarait sa grossesse devait recevoir une pension alimentaire qui pouvait s’élever jusqu’à 120 francs. Cette mesure eut d’heureux résultats. Les expositions diminuèrent vers la fin de la révolution, non pas que les naissances naturelles fussent moins nombreuses, mais parce que les filles-mères se décidaient plus aisément à garder leur enfant. Nous devons tenir compte sans doute des circonstances uniques dans l’histoire au milieu desquelles se trouvait placée la France. La nécessité de faire appel aux forces vives du pays, pour maintenir la défense du territoire, a bien pu amener quelque exagération dans le tarif des secours qu’on accordait aux filles-mères. Cette mesure, isolée des circonstances fatales qui l’ont vue naître, nous indique pourtant la trace de la meilleure voie à suivre pour arriver à la fermeture des tours et même des hospices. Il faut effacer, dans les temps calmes où nous sommes, l’idée de récompense qu’un régime militaire avait attachée à la grossesse des filles ; mais il faut conserver l’idée d’indemnité qui seule peut combattre chez elles les funestes inspirations de l’indigence. Un tel système est économique, il est moral.
Nous ne venons point ouvrir une nouvelle source de dépenses. Il s’agit tout simplement de remplacer à domicile pour la mère les secours que l’on donne aujourd’hui à l’enfant dans l’hospice, il s’agit de payer à la femme qui gardera son nouveau-né les mois de nourrice qu’on paie actuellement à une femme étrangère. L’état recueillera de ce système, par la suite, des avantages certains, car les enfans secourus ne resteront pas à sa charge, comme dans les hospices, jusqu’à l’âge de douze ans. Il est bon néanmoins d’y prendre garde : une économie hâtive ferait avorter les résultats. Dans un département où les bénéfices opérés par la clôture des tours s’élevaient à 153,000 francs,