forme politique, le plus souvent il revêt la forme religieuse, mais toujours et partout il agitera les esprits et troublera les gouvernemens jusqu’à ce qu’il ait atteint sa réalisation et conquis une sanction définitive.
Pendant que ce travail politique s’opérait des bords du Rhin à ceux de l’Oder, un mouvement bien autrement vaste, favorisé comme le premier par la longue paix dont jouit l’Europe, agitait les populations slaves depuis les côtes de la mer Noire jusqu’à l’extrémité de la Bohême. Dire ce qui sortira de ce mouvement serait peut-être une témérité, en contester l’existence serait une folie. Il y a là une immense inconnue à dégager, et le problème est à peine posé, qu’il agite le monde jusqu’en ses fondemens. Pour lutter contre ce réveil de la nationalité slave, l’Autriche est contrainte à des actes sans exemple. Depuis dix ans, elle a organisé une sorte de guerre civile permanente en Hongrie entre les Magyares et la population slave ; en Gallicie et en Bohême, elle a développé de plus en plus l’antagonisme d’intérêts qui sépare toujours les nobles des paysans, les bourgeois des prolétaires, et elle a pris son point d’appui dans les masses, pour être en mesure de résister aux classes élevées qui aspirent à une séparation politique. C’est en excitant les passions communistes qu’elle s’est efforcée de contenir l’esprit patriotique, système dont les dernières conséquences ont été les massacres de la Gallicie et les scènes atroces de Tarnow. La Russie s’est trouvée, pour contenir la nationalité polonaise, dans la nécessité de commettre des attentats plus affreux encore, et de suivre pendant dix années un système d’oppression dont il n’y avait pas eu jusqu’ici d’exemple chez un gouvernement chrétien. Elle a systématiquement organisé le meurtre politique d’une nation entière, et elle l’a frappée dans sa foi, parce que sa foi est le centre de sa vie. Après avoir arraché leur patrie, leur fortune et jusqu’à leur nom à des masses de Polonais, elle a, par un simple oukase, déclaré consommée l’apostasie d’un million d’hommes. Alors des résistances réputées impossibles se sont produites au sein de ce peuple, qu’on croyait dompté par le malheur, et un gouvernement policé, dirigé par un prince auquel personne ne refuse de grandes qualités, s’est trouvé conduit à ces extrémités du despotisme qui ont reçu leur juste châtiment dans une publicité éclatante. La conscience de l’Europe ne s’y est pas trompée : elle a admis les faits parce que ceux-ci sont la conséquence nécessaire d’un système appliqué par des agens aveugles, et le gouvernement russe a éprouvé la mortification de voir ces dénégations équivoques venir se briser contre l’énergie du sentiment public. Profiter d’une erreur de détail commise par un journal obscur pour contester un exposé solennel, confondre à dessein la ville de Kowno avec celle de Minsk, après avoir fait dénier par ses agens jusqu’à l’existence d’un couvent de basiliennes dans cette dernière ville, existence mise hors de doute depuis peu de jours par la déclaration formelle de religieuses aujourd’hui à Paris, c’est là une extrémité à laquelle il est pénible de voir descendre un pouvoir qui a besoin de l’estime du monde.