1820. Comme on peut le voir par ce simple aperçu, lord Malmesbury fut mêlé activement, pendant plus de trente ans, aux plus grands évènemens de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe ; il vit de près Frédéric-le-Grand et Catherine-la-Grande, et assista à l’élévation et à la chute de Napoléon-le-Grand.
Les mémoires publiés par les soins de son petit-fils, le comte de Malmesbury actuel, se composent de sa correspondance diplomatique et du journal de sa vie. Nous connaissons peu de livres contemporains aussi riches en matériaux pour l’histoire secrète des cours dans les gouvernemens absolus, et des partis dans les gouvernemens libres. Le journal et la correspondance de M. Harris pendant son séjour à Berlin et à Saint-Pétersbourg ressemblent souvent aux mémoires de Tallemant des Réaux. On ne peut parcourir cette chronique scandaleuse sans se dire que notre temps vaut, après tout, infiniment mieux que celui qui l’a précédé, et que chez les souverains, comme chez les hommes mêlés aux affaires publiques, il y a sans contredit un plus grand respect de soi-même et d’autrui, une plus grande déférence pour les lois de la morale comme pour le contrôle de l’opinion, en un mot un sentiment plus profond, plus sincère de la dignité humaine.
Le premier spectacle qui s’offrit à M. Harris, à son entrée dans la vie publique, fut celui de l’agonie de la Pologne. Il arriva à Varsovie pour assister à l’ensevelissement de cette nationalité qui, selon le paragraphe annuel de nos adresses, ne doit point périr. L’impératrice Catherine avait donné la couronne de Pologne à un de ses anciens amans, Stanislas Poniatowski, mais elle avait envoyé avec lui un ambassadeur chargé de régner à sa place. La diète siégeait environnée d’un cordon de troupes russes, et quiconque ne parlait pas selon le bon plaisir de Catherine était saisi et transporté en Sibérie. Pendant les séances, l’ambassadeur russe se tenait dans une chambre qui avait une fenêtre sur la salle, et de temps en temps lui et ses généraux y passaient la tête pour rappeler à l’ordre les récalcitrans. Bien peu osaient braver la colère impériale ; les deux évêques de Kiovi et de Cracovie, qui eurent un jour ce courage, disparurent pendant la nuit. La cour de Rome encourageait seule la résistance et fulminait des brefs ; mais les Polonais disaient : Le pape est fou ; que veut-il que nous fassions avec un morceau de papier contre 30,000 hérétiques bien armés ?
L’ambassadeur russe, le prince Repnin, ne traitait guère mieux le roi que ses sujets. C’est pitié que de voir l’abaissement de cette