par le double crime d’un assassinat et d’un mariage incestueux. Il osait se décerner le titre de Bienfaiteur (Evergète II), que la haine des Alexandrins changea en celui de Malfaiteur (Kakergète). On le nomma aussi Physcon (ventru) à cause d’une infirmité qui complétait la laideur de sa personne. A tous ces titres il joignit celui de Philologue, qu’il mérita peut-être par son zèle pour les curiosités de la science, car lui aussi, comme son maître Aristarque, il avait discuté des variantes du texte d’Homère[1], mais qu’il démentit bien cruellement par sa conduite envers les savans. C’est lui en effet qui, après avoir inondé de meurtres Alexandrie tout entière, chassa par centaines en exil les grammairiens, les philosophes, les géomètres, les musiciens, les peintres, les médecins, les professeurs, et peupla ainsi la Grèce de savans et d’artistes, réduits par la misère à vendre leurs leçons au plus vil prix : nouveau moyen de répandre les bienfaits de l’art et d la science dans les écoles ruinées par les longues guerres dont ce siècle est rempli[2].
Ou il y a des vraisemblances bien trompeuses, ou nous avons, dans cette sanglante et brutale persécution, le secret de l’exil d’Aristarque. Ptolémée-Physcon avait écrit des mémoires historiques fort détaillés, à ce qu’on en voit dans les citations d’un ancien compilateur, puisqu’il y parlait de ses voyages à Assos, à Corinthe, des princes ses contemporains, tels qu’Antiochus Épiphane et Massinissa, et aussi de sujets moins graves, comme des faisans nourris à grands frais dans les volières royales à Alexandrie. Un tel prince avait assez d’audace pour rendre compte à la postérité des motifs ou des prétextes dont il appuya l’expulsion de son ancien maître, et le triste abandon où il le laissa mourir.
Quoi qu’il en soit, comme toutes les réactions violentes, celle de Ptolémée-Physcon n’eut pas d’effets durables. Alexandrie se repeupla bientôt de philologues, de géomètres, de médecins et de philosophes. A défaut d’une postérité digne de lui, Aristarque laissait de nombreux élèves qui perpétuèrent sa gloire en continuant la tradition de ses doctrines. Les anciens en ont compté jusqu’à quarante : on en peut citer aujourd’hui encore une dizaine, parmi lesquels se placent, au premier rang, Ammonius, qui lui succéda dans la direction de son école ; Apollodore, dont il nous est parvenu un bon abrégé de mythologie et des fragmens dignes d’intérêt ; Moschus de Syracuse, poète