étrangeté, même pour nous qui la lisons aujourd’hui partout), et Dieu devint le type humain de la perfection sensuelle, le Dieu marbre de la Grèce ; enfin l’homme se vit tout entier dans la divinité, et ce fut Jésus. Obscurci et ensanglanté par Rome, épuré, mais appauvri par Luther, le culte de Jésus est définitivement restauré par M. Ronge, qui lui rend à la fois et sa simplicité raisonnable et ses beautés plastiques, une liturgie par exemple, des tableaux, des statues et les pompes de la messe en musique. — Je me figure que, si l’écolier du Faust voulut répéter à ses camarades cette leçon de Méphistophélès qui lui avait tant troublé la cervelle, il s’y prit à peu près de cette manière-là. Je demandai quel était ce doucereux jeune homme qui se regardait si précieusement pérorer, comme s’il se fût miré dans sa parole ; on me répondit que c’était l’illustre M. Dowiatt, le saint Jean du nouveau messie, la bouche d’or de la nouvelle église.
Aurais-je, par hasard, trop sévèrement ici jugé les personnes après avoir commencé par réserver avec tant d’éloge les principes et les résultats d’une couvre où les personnes ont cependant une place si marquée ? Je ne le crois pas. Les personnes sont ce qu’elles peuvent dans ce vaste mouvement ; l’œuvre reste, l’œuvre de tous et non pas celle d’un individu, tant que ce n’est pas un individu de génie ; elle reste avec ce que chacun y a porté dans la mesure de son esprit, et ce ne sont pas toujours les plus grands qui fraient la voie. C’est là surtout le caractère de notre époque ; il n’y a plus besoin de juges, comme en Israël, pour sauver le peuple, le peuple aux mille têtes se sauve lui-même, et, si les héros deviennent rares, ce n’est pas que les ressources de l’humanité baissent, c’est que le niveau de la foule monte. Les rongiens ne sont pas des héros ; où est le tort ? Ils ne font pas le siècle, ils le suivent, et plus ils sont en eux-mêmes insignifians et chétifs, plus leur succès doit donner à penser aux gens qui voudraient l’arrêter par la violence : il faut une force immense dans le public pour compenser cette réelle faiblesse de ses chefs apparens. La force existe ; ces quelques ames pleines de contradictions et de misères, poussées au dehors soit par un premier hasard, soit par un coup de providence, ont rencontré là cette grande ame de tous qui les attendait, qui les a lancées et soutenues. Il n’y a de révolutions véritables que celles qui sont complètes avant d’éclater ; c’est justement pour cela qu’elles éclatent, et c’est bien encore ici le cas. Qu’est-ce, en effet, qu’on demande ? Une église nationale et raisonnable. Or, cette église nationale, vingt-cinq ans d’indépendance l’avaient déjà constituée ; elle avait beau se dire toujours catholique : lorsqu’on inventa de la mener à Trèves pour adorer la