esprits et les plus graves penseurs se puissent rencontrer et causer familièrement de l’éternel idéal, M. de Schelling, à coup sûr, n’y rencontrera jamais M. Prutz.
Que devient cependant Germania ? L’Allemagne, l’Allemagne de Barberousse, de Luther et de Frédéric, va mettre au monde cet enfant sur qui reposent les espérances du peuple ; vous devez être empressé de savoir ce qui va se passer et quel sera le fils de David. Ne prenez pas tant de souci ; cette Germania, cette noble femme entrée tout à l’heure si triomphalement, et que les esclaves invoquaient tout bas, c’est une fille des rues que maître Schlaukopf a ramassée on ne sait où. Ce détail nous est révélé par une scène très vive où Schlaukopf et sa créature se querellent dans un langage très approprié à la situation. Germania s’ennuie de son rôle, et elle est toute prête à jeter le froc aux orties ; Schlaukopf finit cependant par la calmer, en lui montrant que leur intérêt est le même. La protégée de Schlaukopf consent à rester dans la maison du docteur, et, pour passer le temps, elle lie une intrigue amoureuse avec Kilian. Germania, que nous prenions pour une reine, n’est qu’une fille d’auberge. Ceci va tout droit à l’adresse de l’Allemagne officielle ; les gouvernemens, les congrès, la diète enfin, sont agréablement représentés ici et mis en scène sous le masque de cette créature. S’il est absolument impossible de louer le bon goût de l’écrivain, on ne peut contester la netteté brutale de ses attaques ; c’est un mérite qu’on ne lui enlèvera pas.
Le troisième acte va commencer, le dénouement approche ; il faut ici que le poète, pendant l’entr’acte, nous explique les beautés de son œuvre. Cette seconde parabase n’est pas moins curieuse que la première. Tout à l’heure, M. Prutz nous apprenait qu’il était l’héritier d’Aristophane, et que, s’il avait emprunté au comte Platen la pureté savante de son style, c’était afin de verser dans ce moule antique les pensées hardies de la génération nouvelle. Voilà pour la forme, et le lecteur est, en effet, très édifié sur ce point ; mais il lui reste peut-être encore quelques scrupules sur la moralité de la pièce. Le second plaidoyer sera donc une dissertation sur la morale. Or, la comédie de M. Prutz, c’est lui qui l’affirme, ne serait repoussée par aucun des grands maîtres de la scène.
La pièce, à parler franc, est digne de Molière.
M. Prutz ne dit pas cela en souriant, il le crie d’un ton furieux, le poing sur la hanche, et vraiment on peut plaindre d’avance tous ceux qui s’aviseraient d’en douter. L’auteur, nous le savons, possède une