s’autoriser pour éviter la rencontre de l’ennemi ; mais en revenant subitement à d’autres doctrines, en commandant à ses flottes de prendre l’offensive sans leur avoir donné les moyens de la soutenir, en demandant ainsi à l’amour de la gloire, à l’ardeur des combats, ce qu’il eût fallu obtenir de patiens efforts et de bonnes institutions, l’empereur, disons-le, sembla vouloir arracher la victoire par un effort désespéré plutôt que la disputer à armes égales. Il s’adressait malheureusement alors à un homme très brave de sa personne, qui, dans l’abattement où il était tombé, était prêt à tout entreprendre pour laver la tache qu’on avait imprimée à son honneur. Avec des alliés mécontens, des vaisseaux dont quelques-uns voyaient la mer pour la première fois, des officiers dont il avait perdu la confiance, des canonniers qui n’avaient jamais, pour la plupart, tiré un coup de canon à boulet, Villeneuve résolut, de guerre lasse, de jouer une de ces parties qui ébranlent, quand on les perd, les empires les mieux affermis.
Pendant que l’amiral français disputait à la détresse d’un arsenal épuisé et au mauvais vouloir des autorités espagnoles quelques misérables approvisionnemens qui lui étaient indispensables, Collingwood avait repris sa croisière devant Cadix et recevait à chaque instant de nouveaux renforts. Le 22 août, le contre-amiral sir Richard Bickerton lui amenait 4 vaisseaux ; le 30, sir Robert Calder le ralliait avec l’escadre que lui avait confiée Cornwallis. Collingwood eut donc réuni 26 vaisseaux sous ses ordres avant que Villeneuve pût songer à reprendre la mer ; mais ce n’était point à Collingwood qu’était réservé l’honneur de cet important commandement. Son heureux rival venait de mouiller à Spithead, où le peuple alarmé l’avait accueilli comme un sauveur. Malgré cette ovation, rendue plus touchante encore par l’approche du danger, Nelson refusa de s’arrêter à Portsmouth et partit immédiatement pour Londres. Dans la matinée du 20 août, il se présentait à l’amirauté. Il trouva les ministres consternés du brusque retour de Villeneuve et de la jonction que Calder n’avait pu prévenir. 11 vaisseaux ennemis étaient partis de Toulon ; il s’en était trouvé 20 aux Antilles ; on apprenait tout à coup qu’il y en avait 29 au Ferrol. En dépit des croisières anglaises, l’avalanche formidable grossissait toujours et semblait rouler déjà vers la Manche. Qu’arriverait-il si Calder avec ses 18 vaisseaux se trouvait encore une fois sur le passage de Villeneuve ? « Calder, répondait Nelson, pourrait être battu, mais je vous garantis qu’après avoir remporté cette victoire, la flotte combinée ne serait plus à craindre pour cette année ! »
Rassurée par la confiance de Nelson, l’amirauté ne put lui refuser