Quant aux procédés de moulage, ils sont très compliqués. Autant ils sont curieux à étudier dans la pratique, autant la description en est difficile. Ce n’est donc qu’avec une extrême hésitation que j’aborde ce sujet délicat. — Un bon moulage doit reproduire le modèle sans en altérer ni la forme ni le sentiment ; il doit donner à chaque partie l’épaisseur minimum qui lui convient ; il doit être tel enfin que l’objet sorte du moule avec sa perfection presque définitive. La question économique, qui domine toutes les industries, veut en effet qu’on épargne en même temps le métal et la main-d’œuvre.
Nous manquons de détails précis sur les procédés de moulage des anciens. Pline et les écrivains grecs ou latins qui nous ont transmis le catalogue des plus beaux bronzes de l’antiquité ne nous disent rien sur le mode de fabrication. Nous savons seulement qu’il était très perfectionné, et les monumens sont là pour témoigner en faveur de la haute intelligence des fondeurs anciens. Pour ne parler ici que de la statue équestre de Marc-Aurèle, Sandrard et Duquesnoy, ayant examiné dans toutes ses parties cette fonte colossale, constatèrent qu’elle avait été exécutée dans de si heureuses conditions, qu’une fois débarrassée des jets et des évents, elle était sortie du moule aussi pure que pouvait l’être le modèle de l’artiste ; ils reconnurent en outre que l’épaisseur de cette statue était partout égale, et ne dépassait pas l’épaisseur d’un écu. On croit que les anciens faisaient leurs moules avec de l’argile mêlée de fleur de farine, et nous avons la preuve que, loin de chercher à fondre leurs statues d’un seul jet, ils s’attachaient au contraire à fractionner le travail. Ainsi ils composaient leurs figures de plusieurs pièces, qu’ils réunissaient ensuite par des soudures et des attaches en queues d’aronde. En opérant de la sorte, les anciens se mettaient à l’abri des fontes manquées et du défaut d’homogénéité que nous signalions tout à l’heure en parlant du phénomène de liquation. Enfin l’immense quantité de statues de bronze qui peuplaient les villes grecques et romaines atteste la perfection et la rapidité des procédés dont disposaient autrefois les artistes et les fondeurs. Toutefois les anciens payaient fort cher les statues de bronze, et le prix qu’ils en donnaient paraîtrait de nos jours fort exagéré. Cicéron, dans ses Verrines, parle d’une figure en bronze de médiocre grandeur (signum œneum non magnum), qui avait été payée en vente publique une somme représentant aujourd’hui 16,140 francs. Le nombre des statues d’airain, rapproché des prix excessifs qu’elles atteignaient souvent, est une preuve assez remarquable du développement de la richesse privée dans les sociétés anciennes. Malheureusement l’art antique des bronzes se perdit avec la civilisation qui l’avait vu grandir.
Depuis la renaissance jusqu’à nos jours, le moulage en cire perdue a été presque exclusivement employé, et nous lui devons les monu-