faible lueur provenant du reflet de la terre. Or, ce reflet, quand le croissant mince apparaît à l’orient avant le lever du soleil, en vieille lune, est beaucoup plus prononcé que quand ce croissant paraît le soir suspendu sur l’horizon occidental. C’est que, dans le premier cas, où le croissant est à l’orient, il reçoit le reflet de l’hémisphère oriental, qui est bien plus riche en terres que l’hémisphère occidental avec les plaines liquides de l’Atlantique et du Pacifique et le peu de terre de l’Amérique équatoriale. On attribue ordinairement cette théorie à Galilée, mais je n’ai pu la trouver dans ses œuvres.
Voilà donc ce que nous savons jusqu’ici d’un peu positif sur les saisons des planètes concitoyennes de la Terre dans l’empire du soleil. La variété n’y manque pas, comme on voit, et les installateurs d’êtres vivans ont beau jeu pour exercer leur imagination dans un si grand nombre de mondes si diversement partagés pour la chaleur, la lumière, la durée des jours et des ans, enfin pour tout ce qui constitue chez nous les saisons et les climats et les produits de la vie animale et végétale. Une seule chose pourrait empêcher d’admettre des habitans vivans dans les planètes éloignées du soleil : c’est le peu de chaleur de cet astre dans ces prodigieuses distances ; mais sans recourir à des organismes particuliers (ce que la nature du reste paraît facilement pouvoir faire pour des localités exceptionnelles), ne voyons-nous pas la vie subsister près des pôles de la Terre, au Spitzberg, par exemple, où l’on ne peut guère compter sur l’influence du soleil, qui peut à peine fondre l’été une partie des eaux congelées pendant l’hiver ? N’avons-nous pas vu les puits artésiens forés en Égypte ramener avec les eaux souterraines des poissons pour lesquels le soleil et ses rayons étaient mille fois plus étrangers qu’aux habitans de Neptune ? Plusieurs autres eaux souterraines, et notamment celles de la Carniole et de Laybach, ne nous offrent-elles pas des poissons et même des oiseaux pêcheurs vivant sous terre ? Pour prescrire des limites à la faculté productive des organismes vitaux, tant pour les animaux que pour les plantes, il faudrait savoir ce que c’est que la vie ; or c’est ce que nous ignorons complétement. N’a-t-on pas vu au commencement de ce siècle toutes les lois d’Aristote sur l’organisation animale échouer devant les bizarres habitans de la terre et des eaux dans l’Australie ? N’y a-t-on pas trouvé des quadrupèdes couverts de poils et ayant un bec au lieu d’une mâchoire armée de dents, de grands animaux dont les petits ne venaient au monde ni par le moyen des œufs ni par enfantement d’êtres nés viables ? Je ne parle pas des belles organisations gigantesques qui ont disparu de notre terre, ni des races que l’homme a détruites à jamais, quand il a occupé les localités entières où vivaient ces races. Malheureusement, pour l’honneur de l’humanité, on peut compter parmi ces exterminations plusieurs races d’hommes, comme celles qui occupaient les îles Canaries ou bien Saint-Domingue et Cuba. En général la nature ne s’arrête que devant une impossibilité physique absolue, et jusque-là elle réalise tout. Une fois que l’on est bien convaincu de cette vérité, que les rayons du soleil ne sont pas indispensable à la vie, on trouvera toujours à une profondeur suffisante dans chaque planète la chaleur d’origine qui pourra s’accommoder aux exigences de bien des organismes végétaux et animaux.