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Littérature

"Les Guerriers de l’hiver" : quand un Finlandais, meilleur sniper de l'Histoire, semait la terreur chez les Russes

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Par La Première

En 1939, la Russie craint qu’Hitler passe par la Scandinavie pour aller l’attaquer. Staline décide alors de revendiquer des territoires finlandais et lance le 30 novembre, une attaque contre une nation de trois millions d’habitants. Parmi les soldats finlandais naît une légende, celle de Simo Häyhä, surnommé la Mort Blanche, le tireur d’élite le plus redoutable de l’Histoire. Les Guerriers de l’hiver (Michel Lafon), repris dans les listes pour le Prix Renaudot et le Goncourt, en réexploitant ce récit, fait évidemment écho au conflit russo-ukrainien. Son auteur Olivier Norek était l’invité d’Entrez sans frapper et de Matin Première sur La Première et du 8/9 sur VivaCité.

Habitué des polars, Olivier Norek, surprend ses lecteurs avec un roman inspiré d’une histoire vraie mais largement oubliée. Lui-même s’est surpris à écrire sur un sujet terrible, où la mort se fait toujours plus glaçante. Le déclic pour écrire son livre, "c’est le moment où Poutine nous déclare de sa voix la plus calme qu’il a l’arme atomique et que si on collabore avec l’Ukraine ou si on la soutient, il n’hésiterait pas à l’utiliser". Un hiver nucléaire comme un scénario envisageable lui fait peur. "C’est là que je commence à m’intéresser, en tant que bon citoyen, à scanner les 100 dernières années des relations de la Russie avec le reste du monde. Et c’est là que je trouve ce minuscule conflit dont personne ne parle".

Un récit historique tiré d’un long travail de recherche sur la guerre russo-finlandaise

Olivier Norek, ex-capitaine de police judiciaire en Seine-Saint-Denis est résolu à raconter l’histoire d’hier pour peut-être éclairer l’histoire d’aujourd’hui, "et nous permettre de placer nos pions de meilleure manière. Si en plus, au milieu de ça, j’ai une sorte de mythe de légende absolue, je n’ai plus qu’à prendre mon sac à dos et à partir en Finlande pour aller trouver l’information".

Il passe trois mois du nord de la Laponie, cherche de la documentation aux facultés d’histoire de Turku et d’Helsinki. "Et je suis allé même dans les greniers des gens pour aller ouvrir les cartons, parce que c’est une guerre qui a 80 ans, donc tout le monde a une trace".

Sur son chemin, l’écrivain et ancien policier de terrain rencontre même le fossoyeur du cimetière d’une église qui lui a permis de retrouver une partie du journal de Simo Häyhä.

La Mort blanche qui sème la terreur parmi les troupes russes

Des colonnes de chars contre de vieux fusils, un million de soldats rouges contre des ouvriers et des paysans. Les guerriers de l’hiver, ce sont ces fameux paysans finlandais qui résistent à l’ogre russe. L’un d’eux, Simo, devient rapidement une légende finlandaise.

"Ce simple garçon de ferme vit en accord absolu avec la nature, avec les saisons, avec sa forêt dans laquelle il passe des heures et des heures tous les jours depuis qu’il est enfant. Il a l’habitude de chasser les ours et les loups qui attaquent son bétail, et quand on lui dit que la Russie attaque la Finlande, il va changer de proie et il va devenir le prédateur des Russes. Il va en tuer 542 en 98 jours. Et les Russes vont être terrorisés par cet homme qu’ils vont appeler la Mort blanche. Il va devenir une légende, presque un mythe. Parce qu’il y a des choses qu’on ne comprend toujours pas aujourd’hui. Comment Simo est-il resté allongé quatre, cinq, six heures par -51 degrés dans la neige, sans mourir, en contrôlant absolument son corps ? Comment réussissait-il à tirer sans lunettes (pour éviter que les reflets du soleil ne le repèrent, ndlr.) à des distances où l’œil ne voit pas ?" interroge Olivier Norek.

Alors du côté russe, il s’agit d’attraper l’homme qui sème la terreur dans leurs troupes, "de l’accrocher à un arbre, lui ouvrir le ventre, le vider pour montrer aux hommes qu’à l’intérieur il y avait un cœur, il y avait des organes et qu’il était humain. Parce qu’en fin de compte, il suffisait de dire le nom de Simo pour que des unités entières fassent demi-tour".

Des soldats finlandais ont fait prisonnier des Soviétiques en janvier 1940.
Skieurs finlandais lors de la guerre d’Hiver 1940.

La déshumanisation de la guerre

Simo Häyhä peut-il être vu comme un assassin ou un meurtrier ? C’est l’une des questions que s’est posées Olivier Norek, qui, en tant qu’ex-flic, avance la légitime défense. "Il s’agit d’une personne qui a défendu sa famille ou qui s’est défendue elle-même".

Du point de vue humain, l’auteur n’a pas souhaité écrire un livre pro finlandais ou antirusse, ni déifier le sniper, mais bien montrer l’horreur de la guerre et les problèmes moraux qu’elle pose : "Dès qu’on tue, il y a un gouffre qui s’ouvre devant vous. Dans ce gouffre, il y a des visages. Ces visages hurlent. Et si vous regardez ces visages, c’est le vôtre. Des visages de la folie et de la déshumanisation".

"L’Histoire oubliée est condamnée à se répéter"

Olivier Norek salue le courage des Finlandais qui ont résisté pendant 113 jours alors que 'cette petite guerre' ne devait durer qu’une semaine selon Staline.

En faisant écho à ce qu’il se passe aujourd’hui entre l’Ukraine et la Russie, pour Olivier Norek, "l’Histoire bégaye" : "L’Histoire oubliée est condamnée à se répéter. Cette armée désorganisée, mal préparée, un pays très petit face à un géant. On a évidemment les mêmes éléments qu’on retrouve à peu de chose près"Il pointe à ce sujet l’isolation de la Finlande du premier au dernier jour de cette guerre russo-finlandaise, tandis que l’Ukraine, aussi agressée sur son territoire, a immédiatement reçu un soutien assez massif. "Les similitudes sont du côté russe : l’impréparation et la sous-estimation de ces pays qui résistent". En 1939, les Finlandais hallucinent : ils voient des soldats russes vêtus de vert en plein hiver neigeux. "Les Finlandais se disent : 'Mais enfin ! On n’a qu’à tirer dessus'. On leur dit 'mais oui, il faut tirer dessus'. Et les Finlandais n’y arrivent pas. Ils ont beaucoup de mal. Un tir sur trois pendant la guerre, ils tirent à côté volontairement" raconte l’auteur.

En outre, comme en Ukraine où des unités composées "d’assassins, de toxicomanes et de malades mentaux" sont envoyées sur le front par la Russie de Poutine, l’Union Soviétique recrute pour cette guerre scandinave des "minorités ethniques" proches de ce territoire. "Il n’y avait donc aucune envie de se battre. Il ne fallait même parfois traduire les ordres en 27 langues différentes".

Le sacrifice des Finlandais pour sauver le reste de l’Europe de l’Allemagne nazie

La Russie finit, au prix de nombreuses pertes donc, à gagner cette guerre en mars 1940. Au total, plus de 200.000 hommes et 1000.000 femmes finlandais ont pris part au conflit et ont déploré plus de 70.000 victimes. Un combat oublié et héroïque qui a aussi pesé dans les conséquences de la Seconde Guerre mondiale.

Car cette impréparation sera même fatale aux Soviétiques : Hitler regarde avec un grand intérêt les résultats de ce conflit. Ce qui l’a amené à rompre son pacte germano-soviétique plus tôt que prévu pour envahir la Russie. Conclusion du romancier : "S’il n’y avait pas eu le sacrifice de ces 70.000 enfants finlandais, filles et garçons, hommes et femmes, Hitler aurait laissé ses 4,5 millions de soldats sur l’Angleterre et personne ne sait aujourd’hui quelle tête aurait la France, ni l’Europe, ni le monde".

► Découvrez l'entièreté de cette interview dans le podcast d'Entrez sans frapper ci-dessus, mais également dans Matin Première et Le 8/9.

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