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Politique linguistique

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On appelle politique linguistique, ou aménagement linguistique, toute politique conduite par un État ou une organisation internationale à propos d'une ou plusieurs langues parlées dans les territoires relevant de sa souveraineté, pour en modifier le corpus ou le statut, généralement pour en conforter l'usage, parfois pour en limiter l'expansion.

Une politique linguistique peut consister à faire évoluer le corpus d'une langue en adoptant un système d'écriture, en fixant le vocabulaire par l'établissement de lexiques ou de dictionnaires, en arrêtant des règles grammaticales et orthographiques, en favorisant la création terminologique pour limiter les emprunts aux langues étragères, etc. Elle peut même aller jusqu'à recréer une langue dont l'usage s'était perdu, c'est la cas de l'hébreu en Israël.

Elle peut également consister à modifier le statut d'une langue, par exemple en la déclarant langue officielle ou en en faisant la langue unique de l'administration et de la justice.

Une politique linguistique peut être déclarée ou seulement implicite. Ainsi les États-Unis d'Amérique n'ont pas de langue officielle dans leur constitution, cependant depuis l'origine, l'anglais est de fait la langue unique de l'administration.

Les politiques linguistiques prennent une importance particulière dans les États multilingues, qui sont amenés à légiférer parfois dans le moindre détail. C'est notamment le cas en Belgique pour le néerlandais et le français. C'est aussi un sujet sensible dans nombre de pays, dont la France, face à l'hégémonie grandissante de l'anglais.

Le cas de l'usage des langues régionales et de leur place face à une langue officielle dominante est aussi un sujet parfois très sensible.

De nombreux pays mènent une politique linguistique, qu'elle soit officielle ou implicite.

Politique linguistique de l'Union européenne

L'Union Européenne a comme objectif officiel le multilinguisme. Dans ses institutions, elle prend en compte l'influence stratégique de la politique linguistique, chaque langue administrative d'un pays membre étant également une langue officielle de l'Union. En matière d'enseignement, elle promeut officiellement que chaque européen apprenne deux langues en plus de la langue maternelle.

Cependant, l'Union Europénne poursuit de facto une toute autre politique linguistique :

  • Dans les institutions européennes, ses collaborateurs et ses hauts fonctionnaires se comprennent actuellement par l'anglais. Qui ne parle pas l'anglais ou le français, en vigueur dans les sièges de certaines institutions européennes, est désavantagé. Par exemple on ne peut répondre à de nombreux appels d'offres européens qu'en anglais et/ou en français, ce qui désavantage les citoyens de l'Union ayant une autre langue maternelle. De nombreux offres d'emplois de la Commission exigent "English mother tongue" ou "English native speaker" engendrant une discrimination entre les citoyens des pays anglophones et les autres.
  • En matière d'enseignement, nombre de spécialistes doutent que l'Union atteigne un jour son objectif (pourtant modeste) d'européen trilingue [1]. En pratique, l'anglais est systématiquement l'une de ces deux langues, et en général la première. Mis à part l'Europe du nord et les pays de langue germanique, les écoliers doivent faire de tels efforts pour apprendre cette langue, dûs à ses irrégularités, à une orthographe et une prononciation difficiles, un vocabulaire immense, et une forte présence d'idiotismes, que les échecs sont nombreux. L'apprentissage de l'anglais étant considéré par beaucoup comme une nécessité, l'apprentissage d'une troisième langue passe au second plan. Une loi italienne du 17 octobre 2005 rend cet état de fait explicite en prenant pour objectif d'avoir de former des italiens bilingues italiens-anglais, et en permettant aux parents de décider de consacrer à l'anglais toutes les heures prévues pour la deuxième langue communautaire


Dans son rapport Coûts et justice linguistique dans l'élargissement de l'Union européenne, François Grin évalue plusieurs scénarios de régimes linguistiques pour l'Union Européenne. Si le scénario de plurilinguisme officiellement promu lui semble généreux et conforme à l'idée d'une Europe Unie dans la diversité, il y détecte le danger évoqué ci-dessus de grandes difficultés conduisant vers des instabilités et une érosion en faveur du scénario tout anglais, qu'il juge coûteux mais surtout inégalitaire. Il évalue à 17 milliards d'euros l'économie que réalise chaque année l'Angleterre du fait de la prédominance actuelle de l'anglais. Francois Grin suggère donc soit une forte politique d'accompagnement permettant d'atteindre un réel plurilinguisme, soit d'évaluer la possibilité d'introduire une langue véhiculaire plus simple et neutre comme l'espéranto. Ce scénario qu'il juge comme une bonne solution à terme a deux pré-requis :

Un gros effort d’information, afin de surmonter les préventions qui entourent cette langue — et qui sont en général basées sur la simple ignorance — et d’aider les mentalités à évoluer ; deuxièmement, une véritable coordination entre États en vue de la mise en oeuvre commune d’un tel scénario. Quatre-vingt cinq pour cent de la population de l’Europe des 25 y a un intérêt direct et évident, indépendamment des risques politiques et culturels que comporte l’hégémonie linguistique.

Voir aussi

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