Langue franco-vénitienne
La langue franco-vénitienne ou franco-italienne était une langue de culture répandue dans le nord de l'Italie, entre la ceinture subalpine et le bas Pô, entre le XIIIe et le XVe siècle[1]. Cette langue était un mélange de mots français avec une syntaxe et une morphologie typiques des parlers du nord, en particulier de la Vénétie.
Présentation
[modifier | modifier le code]Un certain purisme linguistique à la mode pendant les XIXe et XXe siècles a pénalisé cette variété linguistique, accusée d'« hybridisme pathologique »[2],[3],[4]. Cependant, la compétence linguistique des auteurs est souvent hors du commun[5]. La langue franco-vénitienne est caractérisée comme langue mixte (Mischsprache)[6].
L'analyse de cette variété est rendue difficile par le fait que certains auteurs, comme Nicolas de Vérone se réfèrent à cette langue comme à du « français »[7]. De plus, les ouvrages présentent une variété importante de variations lexicales et morphosyntaxiques selon l'époque et la région.
Nancy Bradley-Cromey note que cette variation a jeté des doutes sur l'intention des auteurs d'écrire dans une langue autre que le français, mais l'érudition de ces auteurs fait penser qu'ils étaient plutôt conscients des compétences linguistiques de leur public :
« Cette variation omniprésente a incité certains érudits à affirmer que les auteurs franco-italiens étaient généralement soit trop ignorants de l'ancien français pour utiliser la langue correctement, soit qu'ils souhaitaient, voulaient, et même croyaient dans certains cas, que leur français était correct. Nicolas de Vérone déclare dans le Pharsale : "Car çe ne sai nuls home en Paris ne en Valois/Que non die qe ces vers sont feit par buen françois." (Car je ne connais personne à Paris ou dans le Valois/qui ne dise que ces vers sont écrits en bon français.) D'autres ont soutenu que ces auteurs étaient suffisamment compétents pour utiliser la langue correctement, mais qu'ils avaient adopté l'hybride franco-italien pour s'adapter linguistiquement et thématiquement à leurs publics italiens. Dans le cas de l'Entrée d'Espagne, une érudition incontestable et peu commune vient étayer cette dernière thèse. Des travaux linguistiques récents révèlent que les deux principaux systèmes linguistiques ne sont pas synchrones. L'élément français, la langue écrite, remonte au français antérieur des chansons de geste et des romans et est donc anachronique dans son interaction avec l'italien contemporain des XIIIe et XIVe siècles, qui est inscrit en tant que langue parlée. »
— Nancy Bradley-Cromey, Franco-Italian Literature[7]
Ouvrages
[modifier | modifier le code]Un recensement des ouvrages écrits en franco-vénitien est en cours[8].
La littérature franco-vénitienne ou franco-italienne de ces siècles concernait des poèmes chevaleresques et des œuvres didactiques[9].
Parmi les chefs-d'œuvre reconnus de cette production, on compte l’Entrée d'Espagne, chanson de geste qui fait partie du Cycle de Charlemagne.
Le Livre d'Enanchet marque le début de cette production littéraire pendant la première moitié du XIIIe siècle. Sa vitalité termine avec le Huon d'Auvergne (1441).
D'autres ouvrages connus sont deux versions de la Chanson de Roland, l’Aquilon de Bavière de Raffaele de Verone, Karleto, qui raconte l'enfance de Charlemagne, et la Prise de Pampelune, attribuée à Nicolas de Vérone.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Dictionnaire Zanichelli, v. francoveneto
- Adolfo Mussafia, ed., Altfranzösische Gedichte aus venezianischen Handschriften. I. La Prise de Pampeline; II. Macaire (Vienna: Druck un Verlag von Carl Gerold’s Sohn, 1864), v-vi
- Sunderland, L. (2011). Linguistic and Political Ferment in the Franco-Italian Epic: The Geste Francor as Minor Literature. Exemplaria, 23(3), 293-313. https://doi.org/10.1179/174963111x13009808981910
- Stephen McCormick, 2011, Remapping the Story: Franco-Italian Epic and Lombardia as a Narrative Community (1250-1441), p. 12
- Christopher Kleinhenz, Medieval Italy: An Encyclopedia, v. Franco-Italian language
- Concina Chiara, Prime indagini su un nuovo frammento franco-veneto del Milione di Marco Polo, Romania, 125, 2007, pp. 342-369
- Nancy Bradley-Cromey, « Franco-italian-literature », dans Medieval France : an encyclopedia, dir. William W. Kibler, 1995, p. 366-368.
- Repertorio informatizzato dell'antica letteratura franco-italiana
- Dizionario internazionale, v. francoveneto
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Maria Grazia Capusso, La produzione franco-italiana dei secoli XIII e XIV: convergenze letterarie e linguistiche, in Plurilinguismo letterario, a cura di Renato Oniga e Sergio Vatteroni, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2007, 159-204.
- Francesca Gambino, Code-mixing nel 'Bovo d’Antona' udinese, con una nuova edizione del frammento Udine, Archivio Capitolare, Fondo Nuovi manoscritti 736.28, “Francigena” 2 (2016), pp. 35-130.
- Günther Holtus, Peter Wunderli, Franco-italien et épopée franco-italienne, Heidelberg, Winter, 2005 (GRLMA, vol. III. Les épopées romanes, t. 1/2, fasc. 10).
- Christopher Kleinhenz, "Medieval Italy: An Encyclopedia", Abingdon-on-Thames, Routledge, 2004.
- Anna Lomazzi, Franco-veneta, letteratura, in Dizionario critico della letteratura italiana, Ed. Vittore Branca, Torino, UTET, 1974, vol. 2, 125-132.
- Lorenzo Renzi, Il francese come lingua letteraria e il franco-lombardo. L'epica carolingia nel Veneto, in Storia della cultura veneta, Vicenza, Neri Pozzi, 1976, vol. 1, 563-589.