Averroès
Averroès est souvent perçu comme un précurseur des Lumières en Islam. Mais la réalité est plus complexe. Intellectuel tout-terrain, versé en médecine et en droit, en physique et en poésie, Il a produit l’une des plus importantes philosophies du Moyen Âge, commentant plusieurs fois la quasi-totalité de l’œuvre d’Aristote. Son but ? Apprendre « comment nous formons des idées et puis comment nous arrivons à être convaincus de leur véracité ». Averroès pratique ce que l’on appelle la falsafa, soit le nom donné en arabe à la pensée se revendiquant des Grecs. Baptisé le Commentateur, reconnu comme l’un des maîtres de la pensée rationnelle, le philosophe andalou a transmis une partie de cet héritage à l’Occident chrétien. Les Latins ont notamment appris à philosopher avec lui.
S’il lutte bien contre les théologiens et les sophistes, qui brouillent le sens du Coran à force d’arguties, il ne combat pas pour autant la religion ni l’intégrisme. Celui dont le nom arabe, Ibn Rushd, signifie littéralement le « fils de la rectitude », est issu d’une famille de notables. Né dans la péninsule Ibérique sous domination arabe et rendue instable par d’incessantes luttes de pouvoir, il exercera les fonctions de grand cadi (juge suprême) à Séville et à Cordoue, et de médecin privé des sultans, à Marrakech. Soucieux de l’ordre établi, l’intellectuel distingue l’élite des « hommes de démonstration » et la masse, en cherchant à raffermir la foi. Il fait ainsi de la pensée rationnelle un instrument indispensable pour éclairer le sens caché de la révélation divine. Dans son ouvrage phare, Le Discours décisif, il entend justifier la philosophie à partir de la lecture du Coran : « Que la Révélation, écrit-il, nous appelle à réfléchir sur les étants en faisant usage de la raison, et exige de nous que nous les connaissions par ce moyen, voilà qui est évidemment montré dans plusieurs versets du Livre de Dieu. »
Il a été associé à un concept : la « double vérité », qui voudrait qu’une vérité de raison puisse contredire une vérité religieuse, mais que cette dernière reste vraie dans son domaine. En fait, il ne dissocie pas la vérité de la foi et celle de la raison. Il les concilie plutôt en évoquant la « sagesse », un terme qui renvoie autant à la philosophie grecque qu’au texte prophétique. Jugé hérétique, il est poussé à l’exil en Andalousie par les Almohades, dynastie de berbères musulmans prônant un Islam sunnite radical et dominant alors toute la partie occidentale de la Méditerranée. Il meurt à Marrakech en 1198, après avoir été pardonné sans être rétabli dans ses fonctions.
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