Willard Van Orman Quine

Rares sont ceux qui, en France, peuvent se prévaloir de connaître Quine. Le philosophe américain, professeur à Harvard pendant plus de 40 ans, est pourtant un auteur fondamental non seulement pour la philosophie analytique et l’épistémologie ; dans les pays anglo-saxons, il est même tenu pour une figure emblématique de la pensée contemporaine en général. Sans doute que sa longévité y a contribué : d’abord élève de Frege et de Russell, il a accompagné toute la philosophie des sciences du XX^e siècle dont il n’eut de cesse d’être un interlocuteur privilégié, surtout de manière critique, usant de son esprit provocateur pour interroger certains présupposés tenus pour acquis.

Ainsi de la dichotomie entre énoncés analytiques et énoncés synthétiques, érigée en principe par les partisans du positivisme logique (ou « empirisme logique ») du Cercle de Vienne, comme Carnap. Pour celui-ci en effet, une vérité est soit analytique et a priori, soit synthétique et a posteriori, et donc vérifiable par l’expérience. Quine, au contraire met en doute la possibilité même d’établir une distinction entre vérité analytique et vérité synthétique, et déclare qu’« aucun énoncé n’est tout à fait à l’abri de la révision ». Ce faisant, il interroge la prétendue autonomie de la logique qui voudrait, indépendamment des faits, pouvoir émettre des énoncés purement analytiques, dont on pourrait juger de la vérité en se fondant uniquement sur la significations des termes qui les composent.

Plus généralement, Quine entend resituer l’épistémologie sur le même plan que les sciences de la nature et non en position de surplomb par rapport à elles. Ce « naturalisme » ou « naturalisation de l’épistémologie » le conduit à placer toutes les disciplines – y compris la logique et la métaphysique – au même niveau de savoir, sans privilège ni transcendance, dans l’immanence d’une même continuité dont la tâche consiste toujours à « rendre explicite ce qui a été tacite et rendre précis ce qui a été laissé vague »… What else ?