Parménide
« L’Être est, et le Non-Être n’est pas ». Telle est la formule à laquelle on réduit souvent la pensée de Parménide, comme un slogan qu’on répète pour en admirer l’insondable sagesse et la grande profondeur... ou pour s’en moquer, tant elle peut ressembler à une tautologie, un truisme ou une lapalissade ! Il faut dire qu’on ne sait pas grand-chose de ce présocratique dont le prestige presque sacré se confond avec les origines les plus anciennes de l’histoire de la philosophie.
Ce qui est certain, c’est que Parménide est originaire d’Élée, cette ville fondée par les Grecs au sud de l’actuelle Italie et qui a donné son nom à une école de philosophie : l’éléatisme. Mais est-ce Parménide ou Xénophane qui a fondé l’école ? Qui était le professeur et qui l’élève ? Les avis divergent parmi les spécialistes. De même, il est probable que vers la fin de sa vie, Parménide se soit rendu à Athènes, où il aurait peut-être rencontré le jeune Socrate. Pourtant, c’est avec Platon que Parménide partage le plus de traits communs. Comme Platon, Parménide est issu d’une famille prestigieuse, et comme lui également, il est d’abord proche des Pythagoriciens – du moins en ce qui concerne leur mode de vie. Toujours est-il qu’il y a, plus qu’une affinité, une véritable filiation entre Platon et Parménide, auquel il a consacré un dialogue éponyme qui ressemble à un hommage. Parménide, après tout, est ainsi le premier philosophe à s’étonner du fait que l’Être soit ; et il n’y a pas de question plus originelle que celle-ci !
« L’Être est, et le Non-Être n’est pas », donc, comme le déclare l’ouvrage De la Nature (ou Sur l’Étant) et surnommé « le Poème » (parce qu’il est composé en vers dont il nous reste une centaine répartis en une quinzaine de fragments dont la plupart sont sibyllins). Alors qu’Héraclite et ses disciples considèrent que tout est en devenir, dans un flux continuel, Parménide pose le primat de l’Être, de ce qui est véritablement au-delà des changements et des apparences éphémères qui n’ont pas de réalité effective. Mais si le Non-Être n’est pas, autrement dit s’il n’est rien, il ne sera jamais (quoi que ce soit) ; l’Être, de son côté, ne deviendra jamais ce qu’il n’est pas : il ne peut devenir, ni changer de quelque façon que ce soit : il est donc immuable et éternel. On devine comment cet enseignement de Parménide sur le caractère illusoire du mouvement a pu nourrir l’autre Éléate célèbre : Zénon, avec ses fameuses apories censées « prouver » l’immobilité d’une flèche tirée d’un arc, ou l’impossibilité pour Achille de rattraper une tortue.
Et pourtant, une telle philosophie est-elle tenable ? Ne bloque-t-elle pas la pensée ? Aussi Platon osa-t-il critiquer Parménide et attribuer une certaine existence au Non-Être dans son dialogue Le Sophiste : un tel geste – considéré parfois comme un parricide – montre, si besoin il y avait, qu’en philosophie, on pense souvent avec ses maîtres... mais aussi contre eux.
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